17 août 2015

Ici, juste là, dans cette cage de côtes, un supplice irrésistible, si on le pressait juste un peu plus ça me coulerait par les yeux.  Quelques lianes coupées, les recherches à peine entamées, et voilà que nous découvrons une vallée d'où je ne veux plus sortir.  Tu souris, ricanes, amusée par des petits détails, mes expressions insaisissables.  Je caresse le visage de cette statue, retire doucement les filaments qui obscurcissent ses traits délicats, bonté antique, Muse précieuse.  J'enfonce mon nez dans la mousse qui recouvre ses épaules, et tu fermes les yeux et respire profondément, puis frissonne un peu.  Tu poses ta main sur ma nuque, et je sens les doigts de pierre tracer les contours de mon crâne.  Tes doigts si fins, se délicats.  Je m'interroge sur les origines de ces oeuvres sculptées; tes lèvres se ferment et tu regardes au loin, alors je me tais.  Après une pose solennelle, je confie à la Muse son importance pour moi, et tu me souris tendrement, et je sens ta joue contre la mienne.  Nous arpentons la vallée, profitons des paisibles ombrages que nous procurent les canapés de verdure qui nous surplombent.  Deux humains qui se tiennent par la main pendant qu'ils sont ensemble, ne sachant pas quand ils se reverront, ou si ils se reverront.  La jungle est un Jardin Sauvage où il si facile de se perdre, d'être perdu, de perdre son chemin, de perdre la vie.  Je te proclame mon amour pendant que tu es devant moi, je te serre quand je te quitte, et me force à accepter la potentielle finalité de nos moments partagés, ce qui donne à l'anticipation des retrouvailles une férocité désespérée, et à l'étreinte tant attendue ardeur et démesure.  Dans les mains croisées de cette autre statue, une petite accumulation d'eau de pluie à laquelle je m'abreuve, avidement.  Je goutte les siècles qui nous séparent, les mystères de sa création, secrets perdus auquel on ne peut pas retourner.  Mais l'essentiel est là, devant moi, autour de nous, entre toi et moi et la statue.  Je délire mais ça m'enlève rien à la véracité de ce que j'affirme, ou à l'authenticité de ce que je  n'arrive pas à t'exprimer.  Mais tu sais écouter les silences, et la simultanéité que nous nous  remarquons démontre que la parole n'est pas le seul moyen de communiquer.  Sur la gorge de pierre, des pictogrammes que je déchiffre partiellement:

"[...] te salue.  Suite à son arrivée ses [...] n'étaient plus nécessaires.  Les [...] étant informées, le barrage a été ouvert, laissant libre cours aux eaux minérales et volcaniques; l'irrigation se produira, d'un jour à l'autre.  [...] soient loués."

C'est dans le Mystère que tout peut prendre un sens, le perdre, en adopter un autre, deux à la fois, ou un tout arc-en-ciel de nuances spirituelles.  Je ne veux pas quitter la Vallée des Mystères.

Aucun commentaire: