11 décembre 2008

Note manquée (mais aux lacunes révélatrices)

Ça fait longtemps que j'ai compris que pour chaque malédiction il y a une bénédiction, pour chaque malheur un avantage à en tirer. C'est peut-être la seule fibre optimiste que je détienne.

J'ai compris cette semaine que tout ce qui m'accable (vie professionnelle où je me sens prisonnier; désespoir ressenti face à un Monde qui me semble être en train de s'affaisser ([1], [2]); sentiment d'aliénation causé par l'impossibilité de baigner dans ce qui me fait vibrer, c'est-à-dire les livres, l'écriture; tristesse de ne pas pouvoir être avec mes enfants plus que quelques heures par semaine, et ne l'étant qu'avec des facultés intellectuelles affaiblies par la fatigue) est finalement un bouclier contre la normalité. Mon désespoir et mon désarroi m'inoculent contre le somnambulisme ambiant. Pour ce que ça vaut, je ne suis pas une copie conforme de mon voisin; je suis plutôt un pantin impuissant qui se serait coupé les cordes, déjanté et déformé par les années, protégé de la propagande par ses handicaps psychiques.

Dans le même ordre d'idée, mon effondrement moral fait en sorte que je ne suis pas sensible à la plupart des sources de stress qui semblent affecter mes contemporains, pas pris dans les tentacules des vaines préoccupations qui les embourbent. Je pourrais être mort demain, et le serai très certainement dans quelques décennies; je mâche et remâche cette Vérité sans arrêt, tout le temps, tous les jours.

Donc… le Temps des Fêtes ne me stress pas, je me fous plus ou moins de mes dettes, de ce qu'on pense de moi, des sports organisés, de qui est au Pouvoir, des vedettes et de la télé et des faits divers sans importance que l'on essaie de nous faire passer pour des "nouvelles", de l'état de mon fonds de pension, etc.

Il y a des gens qui souffrent bien plus que moi; il y a des gens qui sont torturés, mutilés, exterminés, quotidiennement, et la plupart du monde s'en fout. La corruption est généralisée, avec l'avarice cannibale qu'elle sous-entend. En face de ça, on dirait que tout en moi s'écroule.

Donc… je ne vote pas, et ne m'intéresse pas aux débats, aux frasques de tel ou tel candidat; la venue imminente d'une crise économique ne me surprend pas et ne m'inquiète que dans la mesure où j'ai des enfants à nourrir, et que --- comme tous mes concitoyens --- je serai pris au dépourvu le jour où les épiceries cesseront de pouvoir nous vendre de la nourriture; je ne recherche pas l'accomplissement dans ma vie professionnelle, ne l'ai jamais recherché, et n'essaierai pas de vendre à mes enfants la salade sempiternelle que même mon père hippie/dysfonctionnel/rebelle m'a servi… le jour venu, je les encouragerai à se mettre sur le BS et à dessiner toutes la journées, si c'est ce qui les allume…

Nothing matters. We're all gonna die. Il faut vibrer, aimer, tripper, et ne pas propager la Souffrance. Ça se résume à ça pour moi.

3 décembre 2008

roule-la là où les las de dire se trouvent dans les eaux noircies
par manque d'entretien
perdre tout perdre ça scintille pourtant et ça résonne
des craques
ça résonne

24 novembre 2008

Fragments, abandonnés

I'm losing it.
Big time.

Impatient, irritable, et jamais autant qu'avec ceux qui sont eux-mêmes impatients et irritables. L'Amitié m'énerve, les contacts humains m'exaspèrent, tout en moi est brulé, en cendres, ne reste plus que la charpente.

L'impatience, cet État où, justement, on n'a aucune patience pour toutes ces choses inacceptables que pourtant on avale, quotidiennement, faisant habituellement preuve d'une répugnante tolérance.

Ce n'est pas ma candeur qui étonne, mais le désemparé maladroit que celle-ci laisse voir. On se sent obliger de me donner des conseils, comme si on voulait protéger ou donner un petit coup de main à un être faible.

J'ai en moi des livres, mais ne ressens plus le besoin de les écrire. Ils sont prêts, formés et matures, et je sais par expérience que si je m'assoyais ça sortirait avec aisance et même une certaine assurance; c'est le geste lui-même qui a perdu son sens, sa valeur. Il ne reste que le trip d'écrire, mais je suis trop fatigué/démoralisé/morose/épuisé pour tripper.

Ironie du sort: un jeune, qui me connaît depuis sa naissance et qui m'aime beaucoup (pour une raison que je ne m'explique pas), qui veut que je l'aide avec son projet d'écrire un livre. L'impression que je ne peux que lui empoisonner les idées.

Maudits soient mes yeux… lucides ou pas, quelle importance… le fait est qu'ils voient Noir, de plus en plus.

Des fois je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas alcoolique. Toutes mes douleurs se confondraient, comme des couleurs sur la palette d'un peintre […]

10 novembre 2008

How It Ends

Des fois c'est comment je me sens...
des fois c'est comment j'aimerais me sentir...
des fois j'en ai juste besoin...



"Hold your grandmother’s bible to your breast
Gonna put it to the test
You wanted it to be blessed
And in your heart
You know it to be true
You know what you gotta do
They all depend on you

And you already know
Yet you already know
How this will end

There is no escape
From the slave catcher’s songs
For all of the loved ones gone
Forever’s not so long
And in your soul
They poked a million holes
But you never let them show
Come on its time to go

And you already know
Yet you already know
How this will end

Now you’ve seen his face
And you know that there’s a place in the sun
For all that you’ve done
For you and your children
No longer shall you need
You always wanted to believe
Just ask and you’ll receive
Beyond your wildest dreams

And you already know
Yet you already know
How this will end"

--- How It Ends, de Devotchka

21 octobre 2008

Le chapeau me fait

Imposteur, nom masculin
Sens Personne qui trompe les autres en se faisant passer pour ce qu'il n'est pas.
Synonyme menteur
Anglais impostor


je me sens dériver parmi les pod people
affaibli par des efforts d'imagination
que je ne suis même pas conscient de fournir
affaibli au point d'en avoir envie de me regarder mourir
dans une cabane
dans le bois
regarder les feuilles tomber
se coller dans les fenêtres, mouillées
tout seul
ma respiration se faisant de plus en plus visible
à mesure que l'automne progresse
seul, avec des livres, et du papier, devant un feu
et puis Gulag Orkestar
encore et encore et
encore;
seul
pendant des mois
seul
fumer de l'herbe
comme remède à la complaisance
antidote à la banalité de la répétition
la répétition de la banalité
seul
parce qu'autrement je suis un imposteur
ou bien trop fatigué
pour être quelqu'un de bon
de bien
de plaisant

15 octobre 2008

2008 / Amérique du Nord

Les horreurs de la conjonction temps/espace --> 1942-43/Stalingrad me dégoulinant par les oreilles, je passe mes journées à penser à la Guerre, à ce à quoi elle nous réduit, et je me dis qu'on a tort de se croire au dessus de ça, on a tort, et c'est bête, et c'est un odieux manque de compassion envers ces pauvres gens qui l'ont reçue en pleine gueule, et qui --- s'ils survivaient --- devaient composer, tant bien que mal, jusqu'au bout ou pas du tout.

On ne sait pas jusqu'où on peut aller, et c'est presque criminel de prétendre savoir, d'oser juger.

Je pense à la Guerre, à la Propagande qu'elle engendre, et je ne crois plus en rien. Ou plutôt, je crois en tout, et donc je ne me laisse berner par aucune promesse, aucun réconfort.

J'ai retrouvé, très exactement, ce stade de mon enfance où j'avais dans ma tête --- à parts plus ou moins égales --- Peur et Folie, Solitude et Désespoir, Extase et Besoin d'Extase.

Très exactement.

11 octobre 2008

Refrains de la Dump

Il est plus que possible de plonger dans la dépression --- nerveuse ou autre --- sans que personne ne le sache, et d'y demeurer pendant des années, sans que ça ne paraisse trop. Il est aussi possible d'être suicidaire sans que l'entourage ne s'en doute qu'occasionnellement, presque aléatoirement. De s'immoler les organes vitaux, à grands assauts de bombes incendiaires, sans que ça fasse de fumée. Possible, de n'être plus rien sans toutefois arrêter de bouger. De rire alors qu'on ne croit plus en rien (et même quand on n'a jamais cru en rien), et d'aimer quand on est vide.


Pris (et protégé) par la répétition des invocations occultes scandées dans le noir par le Cadran, je vois sur moi, en moi, que l'usure et les dommages de la résignation perpétuelle me sont burinées dans la peau, tatouages secrets qui s'intensifient au lieu de pâlir.


N'essayez pas de me réjouir, de me consoler ou de me raisonner. Si je suis encore ici parmi vous c'est que j'ai réussi par moi-même à me donner une raison de continuer. Vous ne pouvez rien pour moi. Je suis un automate, je ne me plains pas ouvertement et j'ai le sens du devoir (c'est-à-dire ce qui dirige et ordonne les gestes que je me sens tenu de poser, que je le veuille ou pas). Je n'espère plus rien pour moi, je ne peux concevoir d'aucune situation qui équivaudrait à une "amélioration". Si je continue, si je fais des efforts, ce n'est pas pour moi.


Ellivret Sam est en ruines, et moi aussi. Ce qui autrefois m'était le plus cher, est lentement devenue une habitude épuisante. C'est la plus claire manifestation de qui je suis et de qui je pourrais être, mais qu'importe, c'est mort et presque enterré.


Il ne me reste finalement que les automatismes, ces actes et ces pulsions que je me suis déjà appropriés et puis que j'ai installés dans ma salle des machines. Des mécanismes qui apaisent le pantin, à défaut de le nourrir ou de le réjouir.


Seul, le Simon de toutes les époques préfère toujours s'enfermer dans sa chambre; là, tournant le dos au Monde, il peut l'examiner (et l'animer) par le Jeu & l'Imaginaire.

2 octobre 2008

Débat?

"I am really sorry to see my countrymen trouble themselves about politics. If men were wise, the most arbitrary princes could not hurt them. If they are not wise, the freest government is compelled to be a tyranny. Princes appear to me to be fools. Houses of Commons and Houses of Lords appear to me to be fools; they seem to me to be something else besides human life."

-- William Blake

Hantise Nocturne

"And in the end they'll find her name
stitched to my heart"


[Ceci, après que sur l'heure du dîner, au travail, j'aie discuté avec mon ami F. des rêves, de ceux dont on se souvient, et qu'il ait fait la remarque que des "beaux rêves", il n'en a presque jamais, c'est toujours quelque chose de dérangeant, de désagréable ou de franchement effrayant.]

Je rêve à Julie, ma Julie. D'abord, ça se situe dans le contexte de mon travail actuel, étrangement. Les mêmes décors, les mêmes collègues, sauf que Julie travaille là aussi, et parfois quand je passe près de son bureau je la regarde rapidement. Et parfois quand je la croise, je lui parle. Mais elle n'a pas l'air d'avoir une grande estime de moi, et m'ignore presque. Il me semble que mon ami F. est au courant de mon amour pour elle, et essaie de m'aider, va déposer quelque chose à son bureau. Je ne sais plus.

Plus tard, je suis sur le terrain avant de mon ancienne maison, à McMasterville, et c'est le printemps. De gros blocs de neige glacée sont en train de fondre, et rendent le terrain boueux. J'aide quelqu'un à faire quelque chose, je sais plus quoi, je sais plus avec qui, mais à un moment donné je suis surpris par l'arrivée de Julie. Elle nous adresse la parole, c'est comme si elle habitait le même immeuble que moi.

Puis je me retrouve en voiture avec elle et d'autres amis, une belle journée ensoleillée, et je pense que nous roulons sur la route qui longe la rivière Richelieu. La voiture est décapotable, alors quand elle se retourne vers le siège arrière où je suis assis, elle est bénie par la lumière, et elle me sourit, et je réalise à cet instant qu'elle vient de tomber en amour avec moi. C'est le plus beau jour de ma vie.

Il y a une autre transition; cette fois je me retrouve seul avec elle dans une église. Je viens d'obtenir un poste d'organiste ici, et elle est mon assistante, officielle ou pas. Je me mets alors au travail, devant construire mon orgue. Je me vois alors le faire, et ça se passe exactement comme dans les jeux vidéo de Lego que je joue avec mes enfants (c'est-à-dire machinalement, rapidement).

Je ne me souviens plus du reste du rêve, mais j'étais avec elle.

Et au réveil, je ne l'étais pas.

30 septembre 2008

Little Birds

Jeff Mangum, le 5 décembre 1998: "It's the beginning of a story where a boy is in a not-so-nice situation. One day, little birds start to form around him in his room. They start coming into his body and he was very happy about this. But unfortunately he tries to share it with other people and they get very upset because this is something that he finds to be very beautiful but they don't find very beautiful and they want to destroy it."




Extrait de mon Journal, le 5 décembre 1998: […] moi je me dépêche d’écrire (en pensant à mes parents, ma famille en général): "Des vieux peureux qui ont mal guéris des étapes de leur vie".

26 septembre 2008

Lectures [Retenances]

"Les présidents et directeurs généraux de cette époque pouvaient, à l'instar de Néron ou Dracula, se permettre toutes les fantaisies sous les yeux de leurs cadres les plus intelligents sans que ceux-ci réagissent, tant il était vital pour eux de conserver leurs hauts salaires. Les démocraties occidentales avaient donc leurs despotes; mais, au lieu que ceux-ci fussent logés dans les palais de l'État, ils trônaient dans d'immenses et luxueux bureaux au faîte de leurs immeubles de verre et d'acier. La maladie se propageait aux étages inférieurs, car chacun s'estimait le roi de quelqu'un d'autre. Cette consternante psychologie du commandement influença lourdement le processus de dégradation qui rongea le foie des pays libres."

--- Tiré de L'Imprécateur (1974), de René-Victor Pilhes

25 septembre 2008

Lectures [Retenances]

"La construction d'usines et d'immeubles sur toute la surface du globe apportait du travail et de la nourriture aux peuples maigrement pourvus, accélérait leur marche vers le progrès et le bien-être. C'est pourquoi ces gens qui, en fabriquant, en emballant et en vendant, édifiaient le bonheur de l'humanité en vinrent à se demander à quoi pouvaient servir les assemblées politiques et les gouvernements. Voici ce que ces néo-patriciens, qui décidément avaient pénétré les secrets de l'âme humaine, répondirent: "Nous qui fabriquons, emballons et vendons, nous créons les richesses et nous en remettons une part importante aux institutions politiques, librement ou non élues, qui les redistribuent. Ces richesses, nous ne voulons pas les répartir nous-mêmes, car nous serions juge et partie. Ainsi, le monde, après tant de soubresauts et de déchirements millénaires, a enfin trouvé sa voie: fabriquer, emballer, vendre, distribuer le produit de la vente. En somme, de même qu'en des temps préhistoriques on avait séparé les Églises et l'État, on séparerait aujourd'hui la justice et l'économie. D'un côté, on ferait beaucoup de "social", de l'autre, beaucoup d'argent. En quelque sorte, le pouvoir temporel appartiendrait aux entreprises et aux banques, et le pouvoir intemporel aux gouvernements. Les temples, les églises, les synagogues le céderaient aux grands ministères.

Fabriquons et emballons en paix! criaient-ils, vendons en liberté, et nous aurons en échange la paix et la liberté!

Une pareille grandeur d'âme ne laissait pas indifférents les peuples et les États. Entre tous, les États d'Amérique du Nord apparurent comme le peuple élu. Le monde changea de Judée. Jérusalem fut peu à peu remplacée par Washington. Quant à la politique, elle s'adapta à la religion nouvelle et forma ses grands prêtres. Que serait un dirigeant qui n'aurait ni lu ni compris les Tables de la nouvelle Loi? Alors surgirent dans les Conseils des hommes d'un type nouveau, compétents, capables de gérer aussi bien une administration qu'une entreprise ou une grande compagnie. Le mot GESTION rompit un carcan multiséculaire, jeta bas ses oripeaux et apparut en cape d'or aux citoyennes et aux citoyens ébahis. Jadis, on cherchait à savoir d'un homme s'il était chrétien ou hérétique, à droite ou à gauche, communiste ou anglican. À l'époque dont je parle, on se demandait: celui-là est il ou non un bon gestionnaire?"

--- Tiré de L'Imprécateur (1974), de René-Victor Pilhes

13 septembre 2008

Soir


[Tiré de Wake the Devil, de Mike Mignola]

* * *

"I've been trying hard lately...
Ah, fuck it, I'm a monster, I admit it!"
--- The Curse of Millhaven, Nick Cave

10 septembre 2008

Ce que je ne dis pas, je l'écris. Ce que j'écris, quand je juge que ça en vaut le coût, et qu'après de longues délibérations internes j'en trouve le courage, et bien il arrive que je finisse par le dire. En ce sens, mon écriture se veut parfois une base passive menant à l'action, au geste, à la parole.

En dépit de ce que j'en pense donc la plupart du temps, il m'en incombe donc de croire que je ne me remue pas les tripes, les méninges, les bébittes, pour rien.

8 septembre 2008

FLAK! [Dépôts colériques & remaniements caractériels]

Mots du père: "En tous cas, je suis triste de savoir que vous allez déménager si loin. On va pu se voir souvent..."

J'ouvre la bouche mais rien ne sort
sauf ma respiration
directement de mes poumons
qui s'affaissent.

Je n'ai jamais été
capable de m'exprimer
et au lieu d'aller
en s'améliorant
ça s'embourbe
dans ma colère
qui part de pointe
et se pyramide
jusqu'au Tout.

J'aimerais savoir pourquoi tu me confies ta tristesse, Michel. En fait ça n'est probablement qu'une réaction candide comme celle d'un enfant, sans calcul ou préméditation, mais peut-on bénéficier du luxe de l'Innocence quand on a dépassé les soixante ans? Tu ne peux pas être sans savoir ce que ça me cause comme tourments, tout ça, alors pourquoi tu en rajoutes? S'imagine-t-on que parce que je suis solitaire, indépendant, secret, je suis au dessus d'une chose aussi simple que le support moral? Il faudrait que tu te demandes pourquoi je m'engage dans cette voie, que tu penses au dilemme que ça a préalablement nécessité. Il faudrait que tu retournes à cette question que tu m'as posée, il y a quelques mois ("Es-tu heureux? Je ne te sens pas heureux..."), et qu'ensuite tu songes à ce que je t'ai répondu, très exactement.

Que tu te désoles de la distance que ça mettrait entre nous, sans que visiblement tu te soucies de celle qui existe déjà (depuis toujours?), a de quoi me rendre perplexe.

Il faudrait que l'on se parle de ça en face-à-face, seul à seul, mais ça n'arrivera jamais. Pour que le courant passe entre nous deux, il faudrait que tu sois complètement sobre et moi complètement ivre (deux choses qui sont rares individuellement, mais qui jamais ne se produisent quand on se voit) .

Et c'est ainsi avec
presque tout le monde:
redevenu moi-même
après un long séjour
dans le Couloir des Masques
je ne suis à l'aise que Seul
ou avec mes Plus-Que-Proches.

Je baigne, schizoïde,
dans plusieurs Univers à la fois,
me dissipant
sur tous les tons &
tous les registres,
raffinant mes Hantises
en une absorbante Dévotion.

Ça fait de moi
un être sibyllin,
farouche et halluciné
comme un enfant,
se méfiant de tous ceux
qui prennent tout
(incluant eux-mêmes)
trop au sérieux.

29 août 2008

Archives: 2 septembre 1999

Il y a deux Esprits Révolutionnaires.

Il y a celui qui appartient à la Jeunesse, qui s'indigne de voir la Médiocrité de la Réalité Existante, et qui conçoit Mieux. Il voit tout ce qui pourrait être créé, tout ce qui n'existe pas mais qui le pourrait. Il conçoit l'Utopie.


Puis il y a celui qui appartient à la Vieillesse, qui s'indigne de voir tout ce qui – depuis sa naissance – a disparu, tout ce qui était bon et qui s'est dégradé, tout cette richesse qui disparaît au nom de l'Innovation.


L'un voit le Mieux qui pourrait être; l'autre le Mieux qui a déjà été. Les deux visions sont aussi puissantes.

20 août 2008

Image du passé

Image tiré du module B4: The Lost City de la version "basic" de Dungeons & Dragons

Ce que ça me fait de revoir cette image, c'est indescriptible (à moins de m'étendre sur des pages et des pages). Il y a là une grande partie de ce que je suis, encore à ce jour.
"And you, young man, how are you? Isn't it hard to keep silent? I can well imagine. But it's good for you. Sociability is a burden. Not all of us can bear it."

-- Extrait de dialogue, tiré du film Offret (Le Sacrifice) d'Andrei Tarkovsky.

7 août 2008

BC

A general shabbiness;
a hobo playing harmonica
--- badly ---
next to his overburdened
harnessed bicycle;
hippies everywhere,
of both the
has-been &
wannabe
variations.

They were "far out",
"out there",
"there for you",
"you kiddin' me?",
"me myself and I",
"I love you",
but now they're
numbing themselves
with TV
like everybody
else.

And me,
well I never
enjoy myself
stuck
in a perpetual
crisis,
and I just can't
escape into
anything
anymore...
alcohol makes me
sleepy,
weed makes me
panicky,
and my normal self
is just
not cutting it.

Not by a long shot.

What am I supposed to do,
here,
where everybody
is so
grown up,
so self-reliant,
so resourceful,
so independent &
brave?

I'm just a clueless
& weak
bookworm.

Here
--- like everywhere else ---
I feel lost,
and I don't belong,
and I'm alone,
and uneasy,
barely able to
function and
maintain
whatever's left
of my Self.

I'm sick,
sick of everything,
and I just want
to drift off
into Imagination
for the rest of my Life,
with whoever
is willing
to be by
my side.

Alone, if it comes to that.
Or not at all,
if I ever find myself
There.

4 août 2008

Nothing but diluted
polluted
tarnished
Experiences;
poisoning my Body
with sick liquids
which make me queasy
but bring me
no Pleasure.

Aack!

2 août 2008

The Mountain Peek
might look
like it's
deaf
but it's
keen
and
a thousand times
more responsive
than this
faraway mansion;
both Consciousnesses
blazing,
one in jagged darkness,
one in windowed light,
both complete
Universes.

28 juillet 2008

Épicentre: Telford Block

Fleur blanche;
plante grimpante;
clôture branlante;
terrain abandonné
(qui recèle peut-être
une fleur mauve qui chante)
immeuble plein d’Histoire,
les fenêtres placardées;
quartier qui tente
la résistance
contre le Développement Vertical
à coup de vieilles maisons,
de vieux saints barbus,
& de rêvasseurs qui se
construisent des chaloupes...

27 juillet 2008

What a good day
to crawl under
the blinding wright
that is the White
overcast Sky,
and to die
a little more
under its petrifying
basilisk gaze.

26 juillet 2008

Au Parc

Une tonne d'enfants
gâtés-énervés-adorables,
supervisés (plutôt qu'accompagnés)
par des adultes
ruisselants de l'indécence
bien intentionnée
des confidences matures
et potines,
l'apothéose de la sériosité,
artério-sclérose des synapses.

Du moins, ça m'apparaît
ainsi, moi le Perdu
que rien ne concerne
et qui n'a que ses Sacrifices,
strates par-dessus strates
d'abnégations égoïstes
et anxieuses.

La certitude ne me fait pas bien.

25 juillet 2008

Sushi place

Lots of people,
lots of smiles.
Silly little unimportant
conversations,
that mean such
a whole lot
while they are
happening.

24 juillet 2008

West Coast

Wanting to die
means not caring
one damn bit
about yourself,
thus freed
to take care
of others.

21 juillet 2008

Sur l'écriture

"Writing will consume your life, because so much of writing happens in your head – you don't need to be ‘at work', you don't even need to be awake. You're not gonna get a respite from writing when your head hits the pillow, you're not gonna get a respite from writing when you go on a holiday caravan to Great Yarmouth, or anywhere – the moon – you can't get away from it, it's in your head. And if it's working properly, it's probably obsessive. If you've got a story on the boil, and if you're a writer you probably will have, you're probably thinking about problems with that story, good things about it that you wanna enhance and make even better, and you're probably thinking that all the time. You might be thinking that when you're having sex. You might be thinking that when you're eating dinner, you might be thinking that on public transport. This is something that will take over your life. Surrender. Surrender to it right from word one. Don't fight. It's bigger then you are, it's more important than you are, just do what it says. Even if that seems to be completely ruining your life, do what it says. Even if it tells you to do something stupid – if it tells you to jump off a cliff, do it."

--- Alan Moore, dans une entrevue datant de 2002

Été

"It was this then, the mystery of man seizing from the land and the land seizing back, year after year, that drew Douglas, knowing the towns never really won, they merely existed in calm peril, fully accoutered with lawn mower, bug spray and hedge shears, swimming steadily as long as civilization said to swim, but each house ready to sink in green tides, buried forever, when the last man ceased and his trowels and mowers shattered to cereal flakes of rust."

--- Tiré de Dandelion Wine (1957), de Ray Bradbury

14 juillet 2008

Tiré du Journal de [anonyme]

Nous revenons du party de fête du petit X., le fils de M., qui va avoir six ans. Il y avait pas mal de monde, pas mal d'enfants. J'y ai rencontré S., le mari de M., pour la première fois. Type curieux.

J'ai jasé un peu avec lui, et je sentais qu'il était là, qu'il m'écoutait et qu'il suivait ce que je lui disais, mais j'avais la curieuse impression de parler tout seul. Je regardais ses yeux, et il n'y avait rien derrière. Quand il parlait, sa voix était morne et hésitante.

Je ne sentais rien se dégager de lui. Pas de personnalité. Pas d'enthousiasme. Ou bien il ne laisse rien sortir, rien paraître, ou bien il est complètement mort à l'intérieur. Ou peut-être qu'il est juste super gêné, et qu'il a de la misère à s'exprimer.

En tous cas, une chance que j'étais pas tout seul avec…

12 juillet 2008

SEND

O, Jean-Louis,
I won't even acknowledge their Scorn
enough to defend you,
that petty put-down
they keep laying on you
--- even now ---
39 years after you're dead.

I just won't.

26 juin 2008

Ranting Against the All-Father

I did what you wanted. I'm living this fucking 21st Century North American Responsible Adult Working Every Day thing, OK? I did it! So get off my case.

You wanted me to enter the Race, so I did. For you, all of you who wanted what's best for me. But I knew that I wouldn't enjoy it, and I said it then, and I was right, so please don't act so surprised, so scandalized, if I'm not overjoyed at the prospect of feeling like an empty shell for the rest of my life. Can you, in all honesty, tell me that I should love this existence? That I should go with the flow and turn a blind eye to all the shit that's festering under our paved-up Civilization? That I should relax and just "chill", with the help of pills if need be? Are you telling me that you don't understand why I'm so unhappy, so beaten, so empty?

You taught me the Joys & the Importance of Knowledge, and I listened to you. One way or the other, all I ever did was try to know, to see, to feel, to understand. Having fun was one way of doing it, way back when. Reading. Role-playing. Losing myself in all kinds of imaginary worlds and settings. Writing, eventually, was also a way to further this quest. Getting drunk, getting high.

All of this led me to the State of Mind that I am in now, where this Gift that you gave me has morphed into a nightmarish cursed Looking-Glass, in which everything everywhere is either damaged, corrupted, irretrievably lost, degenerated or just plain bad. I've opened up the "doors of perception", and I now have the power to be properly horrified by what's around me.

To have some Knowledge, and to have it be useless (a hindrance, even) in my day to day existence, and to have seen it become an ever-persisting self-torturing tool of increasing insanity… I can't even begin to describe how it makes me feel.

"Are you happy?" you all ask me. And I say no, or --- confused --- I mumble something to that effect, not being one to boldly declare what I feel or what I think, but you don't listen, you don't hear, you only want to get your worries of your chest. Nobody can help anybody anyway, so why pretend? Why bother? Why insult me with your condescending "I'm not unhappy therefore I must be doing something right and not you" attitude.

À défaut de publier, quoi?

[Voici ce que je propose, bien humblement, pour le plaisir de jouer avec les idées, le tout étant pitché un peu n'importe comment, espérant qu'il n'y a pas trop de redites suite aux commentaires échangés avec Al.]

Multiplier les exemplaires de ses textes au besoin, à la pièce. En faire des artefacts uniques & travaillés, comme le faisait William Blake. Cracher au visage de la révolution industrielle et de ses "innovations". Si la pollénisation virale vous plait, alors au moins faites le sur Internet.

Passer outre les éditeurs (et leur "travail", et les échéances arbitraires) que sous-entend une publication officielle, cataloguée, et enregistrée. Nous sommes tous névrosés, bénificions tous d'un imaginaire merveilleusement craqué, alors --- dites-le moi --- quels avantages peut-on bien tirer de voir cet esprit créateur passer sous le scalpel d'un autre, dont la soit-disante "expérience" ne fait que rapprocher le texte des idéaux efficaces de la marchandisation?

Qu'il y ait des longueurs, des inconsistances, des redondances, des plagiats même, dans le fond, quelle importance? Et qui de mieux pour en juger que l'auteur lui-même? Vous tenez à plus de rigueur? D'accord. Mettez le manuscrit dans un tiroir, patientez, et revenez-y dans quelques années. Apportez alors vous-même les corrections qui s'imposent. Que ça soit votre œuvre à vous, avec ses verrues, ses asymmétries, ses imperfections. À vous. Sinon, à quoi bon se démener? À quoi bon prendre la peine de s'articuler?

(Ça fait autour de 14 ans que je travaille sur mon roman. La patience, je connais.)

De même pour la musique (privilégier la permormance musicale plutôt que l'impression de CDs, ça pourrait n'être disponible qu'en petites quantités, en vente lors de spectacles), le cinéma (le Hummer du domaine des Arts). Prenons la peinture: une œuvre, se trouvant à un endroit à la fois. Le théâtre: une œuvre, présentée pour une durée de temps limitée, par un groupe mobilisé.

Oui, je sais, c'est plus compliqué que ça, bla bla bla. Moi je dis: si c'est si compliqué, et bien il est peut-être temps de prendre la hache, et de simplifier.

Piler sur notre égo, et refuser de jouer le jeu. Se demander pourquoi on tient tant à publier, ce qu'on espère obtenir, et s'il n'y aurait pas un autre moyen d'y arriver.

(Ceci étant dit, il est clair que si je pense ainsi, c'est précisément parce que mes quelques essais de publications ne sont aboutis à rien. On se forge les opinions qui aident à justifier qui nous sommes. C'est en chacun de nous la démonstration irréfutable de nos imaginaires infinis, que nous sommes tous capables d'en arriver à se créer des idées, des arguments, qui appuient nos positions, quelles qu'elles soient. On est tous convaincus d'avoir raison, et de comprendre quelque chose que personne (ou peu de gens) sont en mesure de comprendre.)

Ralentir la cadense. Arrêter de penser en termes de qualité ou de quantité. Créer davantage. Quitte à ce qu'on lise plus de trucs artisanaux, en constante évolution, brochés à la main, mal foutus, avec des fôtes, sans belle maquette de couverture, sans jamais en avoir lu une critique préallablement dans Nuit Blanche ou dans Lettres Québécoises (des "Protégez-Vous" dont le consommateur averti doit prendre connaissance pour ensuite faire un choix informé).

Blah.

12 juin 2008

Sujet tabou

OK, j'hésite à en parler parce que j'ai l'impression que ça touche à une corde sensible, comme si le seul fait de poser la question était presque une insulte, une attaque personnelle, alors disons que c'est un "ami" dont toutes les pensées sont empoisonnées qui m'aurait posé la question, que ça fait un bout de temps que ça le préoccupe, et que moi ça m'intrigue aussi assez pour que j'en parle ici.

La question, donc:

"Pourquoi publier?"

Juste ça. Mais il faut être sévère et aller jusqu'au bout de sa réponse, car les racines du questionnement sont profondes.

2 juin 2008

Mon parcours m'ayant amené à être enfoncé dans une aliénation certaine, j'en viens à ressentir la vacuité de ma position, mais aussi de toutes celles qui m'entourent… de même ce que j'aurais voulu être, si le Hasard ou une plus grande Volonté personnelle m'y avait aidé: écrivain. Un travailleur comme un autre, contraint comme un autre, dont les effets réels se limitent à un cercle concentrique plus ou moins limité, plus ou moins corrompu, et plus ou moins égocentrique. Le monde des idées est mort, il ne vit que dans les consciences individuelles, alors que celui qui griffonne dans un café se détrompe, que celui qui est train de parader son prochain manuscrit se rende à l'évidence: votre travail ne sert à rien, et vos prétention au contraire sont mensonges, et donc nuisibles.

How strange it is to be anything at all, disait Mangum. How sweet it would be not to be anything at all, je variationne. Et je ne parle pas de mort, seulement de n'être rien d'autre que soi, en retrait, observateur.

Mots Dépressionnistes #2

Un texte à lire. Quelques extraits:

"L’idée fonctionnaliste et marchande, concrétisée dans le réel, dont les signes sont, entre autres, la pléthore d’automobiles, d’édifices hideux, de complets gris, de fast-foods ou de publicités, influence la pensée dans ses ultimes retranchements, jusqu’à ce qu’elle l’accepte d’emblée, ne lui reprochant plus que les détails de sa concrétude. […] La disparition de la critique radicale – celle qui prend, étymologiquement, le mal à la racine – correspond au moment où l’intériorisation de la contrainte de l’étant est complète : il n’y a non seulement aucun autre monde possible, mais surtout aucune faculté qui permette de l’imaginer. Cette absence de discours, de possibilité de celui-ci, consacre le règne du fait : il n’y a pas de choix, c’est comme ça. On attribue à Alain Minc, l’idiot du village global, cette assertion qui devait réfuter toute velléité critique : « Ce n’est pas la pensée qui est unique, c’est la réalité. » De fait, la liberté de choisir ou non de vivre dans ce système est la liberté fondamentale qui est refusée à tous, à moins de vouloir être libre comme un assisté social ou un punk, c’est-à-dire carrément paralysé et impuissant. Nous faisons tous le choix, un certain moment, de nous accommoder d’une certaine forme de coercition – le travail salarié, son costume, ses exigences – en échange de la possibilité de la réalisation d’un projet de vie qui dépasse la trivialité et la violence pas toujours soft du travail et de l’existence dans un monde qui se meut par l’échange marchand. Mais justement, ce choix, nous le faisons tous, nous y sommes contraints. Autrement dit, il est inexistant. […] À vrai dire, il est admirablement structuré ce monde, elle est parfaitement balisée cette vie : les rêves sont tous les mêmes ici, avoir une bonne job, gagner 35000$ à 26 ans (twenty years of schoolin’ and they put you on the day shift), avoir une voiture, une maison pour mettre les enfants (Little boxes littles boxes littles boxes made of ticky-tacky), qui auront une vie meilleure, qui iront plus longtemps à l’université, qui habiteront d’autres petites boîtes vertes et bleues et roses. Des urbanistes décident de la forme des villes en fonction de ce bonheur universel, quitte à passer des autoroutes à travers elles; des conseillers en orientation s’assurent de la main-d’œuvre nécessaire au marché, si jamais les écoles ne suffisaient à leur mission répartitrice; les médias s’assurent du conditionnement : la découverte d’un gisement de pétrole dans le fleuve Saint- Laurent est une bonne nouvelle, la chute de la bourse une mauvaise. L’économie est un moloch caché derrière une porte aveugle qu’il faut nourrir sans cesse. La bourse ne souffre pas la mauvaise humeur. Les mois sont balisés par la récurrence des comptes à payer, les années par quelques fêtes bien policées dans tous les sens du terme; la jeunesse se termine lors de l’entrée au travail, l’âge adulte lors de sa sortie; après on meurt, non sans avoir fait auparavant quelques économies pour la retraite et les enfants, ce qui justifie le travail aliéné. Et ce monde, dont la télévision fait la promotion chaque jour, tourne ainsi dans une belle unanimité. La part de créativité, celle des affects, celle des rires et des espoirs, celle de la réalisation de soi, cette part est reléguée aux temps dits libres… deux jours par semaine. C’est le vrai conformisme de notre époque : non pas celui d’un individu qui alignerait ses idées sur celles qui ont cours de manière générale, veillant à ne pas trop choquer les différents pouvoirs en place, et espérant peut-être tirer quelque bénéfice de cette absence de personnalité trop prononcée, mais simplement celui de tous ceux dont les réactions et les rêves furent balisés par les télévisions et les automobiles, les lave-vaisselle, les comptes d’électricité et les belles carrières, par tout ce monde qui se donne à la fois comme si naturel et si souhaitable, comme s’il devait encore ce faire aimer après la tautologie qu’est son existence et l’image de celle-ci. Ce n’est plus la conscience qui réprime les mauvaises pensées, mais le monde lui-même, et finit même par les empêcher d’apparaître. Le décor génère ses codes, ses exécutants une force d’inertie. […] Ces cruelles vérités, qui ne se disent ni quand on parle à ses parents, ni quand on drague, ni à un professeur, ni à un employeur, et encore moins à la radio ou dans les journaux, pensez-vous, ces cruelles vérités, donc, et finalement, ne se disent pas. Elles forment l’assise ontologique de notre belle société post-moderne – même si on aimerait parfois dire qu’elle ressemble atrocement à celle du XIXe siècle, celle de la foi au progrès et du développement économique. On n’est pas sorti de l’usine. Quiconque n’a jamais éprouvé la dureté de telles contraintes morales, sociales et économiques, ne peut être qu’un imbécile ou un collaborateur. Que ce soit dit. Il est extrêmement pénible d’être en désaccord avec ce monde, puisqu’il est à peu près impossible d’y échapper. De ne pas se laisser faire, ne pas être réifié en créature économique fonctionnelle; plus difficile encore de vivre sans emploi, ou volontairement désargenté. Signaler l’opprobre général dont sont victimes les assistés sociaux n’est pas tout à fait hors sujet. Il faut payer pour manger et travailler pour payer, cela va de soi."

28 mai 2008

Mots mystères

Je
ne
sais
plus
ce
que
je
[...]
mais
je
[...]
quand
même
car
leurs
[...]
me
laissent
penser
que
je
n'ai
peut
être
pas
encore
tout
[...]
.

2 mai 2008

Lectures [Retenances]

“On the American desert are horses which eat loco-weed and some are driven mad by it; their vision is affected, they take enormous leaps to cross a tuft of grass or tumble blindly into rivers. The horses which have become thus addicted are shunned by the rest and will never rejoin the herd. So it is with human beings: those who are conscious of another world, the world of the spirit, acquire an outlook which distorts the values of ordinary life; they are consumed by the weed of non-attachment. Curiosity is their one excess and therefore they are recognized not by what they do but by what they refrain from doing, like those Araphants or disciples of Buddha who were pledged to the ‘Nine Incapabilities’. Thus they do not take life, they do not compete, they do not boast, they do not join groups of more than six, they do not condemn others; they are ‘abandoners of revels, mute, contemplative’ who are depressed by gossip, gaiety and equals, who wait to be telephoned to, who neither speak in public nor keep up with their friends nor take revenge on their enemies. Self-knowledge has taught them to abandon hate and blame and envy in their lives until they look sadder than they are. They seldom make positive assertions because they see, outlined against any statement (as a painter sees a complementary colour), the image of its opposite. Most psychological questionnaires are designed to search out these moonlings and ensure their non-employment. They divine each other by warm indifference for they know that they are not intended to foregather, but, like stumps of phosphorus in the world’s wood, each to give forth his misleading radiance.”
--- The Unquiet Grave, de Palinurus (Cyril Connolly)

Dilemme [Un peu de clarté]

Bottom line: Elle veut déménager, et moi je veux être capable d'écrire plus. C'est simple, mais tellement compliqué dans ma tête.

Ça existe, un conseiller en relocalisation?

22 avril 2008

Mots Dépressionnistes

[J'ai rassemblé ici les passages du dernier Bulletin Dépressionnistes qui m'ont le plus interpellés. Ça résume très bien mon passage du secondaire au Cégep, puis de là jusqu'à l'Université, que j'abandonnerai avant la fin de la première session, pour finalement me retrouver où je suis, aujourd'hui, à me morfondre dans un bureau. Il faut aller faire un tour sur ce site.]

"Il n’est désormais plus possible de remettre en question le fait que chaque individu est obligé de mouler son horizon de possibilité sur le monde de l’échange des marchandises. En fait, il n’y a tout simplement aucune autre façon disponible d’organiser sa vie. On ne voit donc pas de raison justifiable pour empêcher de qualifier cette société de totalitaire, au sens étymologique de ce mot : cette société forme une totalité, une fusion du penser et du faire. […] De ce fait, on ne remet pas en cause la nécessité de payer pour manger, et de travailler pour payer. […] Du reste, énoncer pareille vérité semble désormais tellement énorme, et paradoxalement tellement rabâché, qu’elle est frappée d’inanité : heille, man, tu capotes… […] S’endetter pour étudier, c’est agréer à ce monde, et quitter l’autre, celui de l’autonomie, c’est-à-dire de la possession de sa personne, qui est pourtant une condition sine qua non de la liberté. […] Non seulement il serait grossièrement injuste que des individus n’aient pas accès aux études pour des raisons d’argent, mais il n’est pas plus juste que les plus pauvres en sortent endettés, ce qui hypothèque sérieusement leur avenir économique et donc leur position dans la pyramide. […] Car dans le régime de l’égalité des chances, tous n’ont pas la même chance; certains, même, n’en ont pas du tout. Les prêts étudiants entérinent cet état d’injustice pour ceux qui auraient l’infortune de naître en un mauvais milieu. Mais comme la surface doit apparaître plane, et qu’il faut cacher ces aspérités, la démocratie libérale les laissera se creuser sous le niveau de la mer, dans le solde négatif. […] À travers le prêt étudiant, le jeune citoyen entretient ses premières relations avec les deux piliers de la société contemporaine, l’État et la Finance. […] Angoissé, l’étudiant développera les sentiments de la fable kafkaïenne : la culpabilité, le sentiment de la faute, et de la nécessité de sa réparation : ici, la dette et son remboursement. […] L’étudiant doit mettre la main à la pâte le plus rapidement et efficacement possible car les banquiers – ou leur équivalent «coopératif» – ne sont pas du tout chauds à l’idée de prolonger, même minimalement, le mince sursis que l’État lui a laissé pour respirer. Dans une entente qui rappelle la corruption des régimes de banane, le gouvernement garantit les prêts de milliers d’étudiants, et paie les intérêts encourus pour toute la durée des études – trois, cinq, huit ans. De l’argent donné aux banques, qui en retour n’assument aucun risque. Ceux dont c’est le métier que d’accumuler de l’argent veulent encore se faire dédommager par des intérêts, par des prolos incapables de se payer l’école, pour les sommes qu’ils leur prêtent… […] Quant à celui qui se sera fait voler, d’abord comme prête-nom, puis comme emprunteur, il pourra alors se faire voler au travail. […] L’endettement est une promesse de produire. Une promesse de collaboration. […] Ici, la logique d’intégration du monde post-industriel est claire et irrécusable : mentir et rementir et imiter l’horreur pour survivre à un monde faux. Que veut dire être libre quand on n’a pas le choix de travailler? […] Quelle est cette étrange promesse d’émancipation – cette promesse de parvenir, en s’endettant, au niveau social de ceux qui ne s’endettent pas? Pour pouvoir occuper un poste de choix, un emploi payant et avec des conditions seulement correctes, afin d’être en mesure de rembourser ses créanciers sans stress et sans menaces, le jeune travailleur endetté devra tendrement se conformer au merveilleux monde de la culture industrielle. […] D’ailleurs, que l’étudiant ne tente pas de se libérer d’une autre manière, on lui a coupé les ponts. C’est encore sous le couvert de responsabilisation qu’on lui a enlevé la possibilité même de faire faillite, c’est-à-dire de faire reconnaître par la loi qu’il ne peut, en toute sincérité, rencontrer ses obligations (alors que le citoyen moyen peut acheter n’importe quelle voiture ou produit de luxe à crédit et déclarer faillite lorsqu’il réalisera que, en dépit de ce que racontent sa banque et la télé, il ne fait pas partie de la bourgeoisie). […] Aussi, la seule chance de l‘étudiant réside dans sa désolidarisation complète d’avec ses losers de semblables : il va, lui, être capable de s’en sortir, pogner une grosse job et foncer tête baissée dans la domination pour s’en sortir. […] Soumises aux pressions économiques et nationalistes, les études sont doublement aliénées. Contrairement à ce que croient certains humanistes venus d’un autre siècle, il ne faut pas croire que l’école émancipe. C’est au mieux, aux niveaux inférieurs, une bonne garderie, au pire, aux supérieurs, un instrument de reproduction des élites. L’enseignement mécanique et spécialisé que l’étudiant reçoit est aussi profondément dégradé que son propre niveau intellectuel au moment où il y accède, du seul fait que la réalité qui domine tout cela, le système économique, réclame une fabrication massive d’étudiants incultes et incapables de penser. […] Certes, l’étudiant est toujours libre de choisir son parcours, mais on en sait déjà long sur la liberté particulière dans une société globalement aliénée. […] La conséquence la plus prévisible de la marchandisation de l’éducation est la disparition rapide des sciences humaines, des lettres et de la philosophie. Cela prendra vraisemblablement la forme d’un cantonnement incestueux à l’américaine, où ce qui reste d’un savoir synthétique de l’ensemble des connaissances de la société demeure dans ses quartiers, et parle dans son jargon, alors que cette même société, qui est son objet d’étude, la méprise. L’obsession de la production et de la nécessité de payer, en ce qu’elle met en jeu un processus essentiellement contraire à la réflexion, est la parente proche de l’anti-intellectualisme. L’élitisme, lui, fonctionne en vase communicant : après avoir franchi des étapes économiques et académiques si importantes, l’universitaire ne pourra que fréquenter son milieu et parler sa langue, pendant que dehors, il se butera à l’incompréhension des foules et ne saura que faire de son savoir inutile. […] L’endettement étudiant est un formidable outil de régulation répressive, de reproduction du même au service de la domination. […] Il n’existe pas de meilleure manière de pousser au travail un individu sans son consentement."

Dilemme [Annexe inexplicable]

Encore et encore, j'écoute la musique de Phil Elvrum (The Glow, Pt. 2 et Mount Eerie, surtout), et j'ai l'étrange impression qu'à la longue ça pourra m'aider à voir plus clair dans tout ça. C'est un aide-mémoire, c'est un enrichissement par la démarche d'un autre que soi, c'est l'éblouissement interne des athées carbonisés. Ou peut-être que j'essaie de me convaincre de quelque chose.


[Détail de la pochette de l'album Don’t Smoke/Get Off the Internet (2007)]

20 avril 2008

17 avril 2008 [Soirée]



Bosquet expansif,
oasis isolé,
où un elfe
tanné à en finir
s'est pendu
l'Immortalité.
En vain.


17 avril 2008

Dilemme [quatrième partie]

[Ici, quelques autres aspects qui doivent être mentionnés, mais que je n'ai pas réussi à inclure dans mes réflexions précédentes.]

- La fatigue. L'épuisement. Le manque d'énergie face à tout. Découragé d'avance juste à penser à tout ce que je devrais me taper si jamais on devait vendre la maison, trouver un nouveau logis, me trouver un nouvel emploi, se déménager, toutes les démarches bureaucratiques que ça implique… découragé. Je m'endors à tout moment. Même devant un film ou un livre qui m'intéresse. Même dans les moments les plus sacrés, comme quand je lis une histoire à mes enfants. Il m'arrive même, des fois, de cogner des clous en mangeant mon souper. Il me semble que je resterais au lit pendant un mois au complet, à ne rien faire d'autre que dormir, lire, dormir, rêver, dormir.

- À toutes fins pratiques, on peut dire que je n'ai plus d'amis. La fin de semaine on sort rarement, et quand ça arrive c'est surtout pour aller voir des amis de ma Compagne, pas les miens. Je me suis détaché de tout et de tous. Même de ma famille. Je ne vois plus mon père, ma mère, et ma sœur, qu'à l'occasion.

- Ma Compagne a passée son enfance en Colombie-Britannique, et se sent donc plus à l'aise en anglais qu'en français. Par conséquent, à la maison quand je ne suis pas là, elle parle en anglais avec les enfants. À ce jour, bien qu'ils comprennent parfaitement les deux langages, ils ne parlent pas vraiment en français, au-delà de quelques mots. Si on déménageait là-bas, ça faciliterait donc leurs échanges.

- Nous faisons l'école à la maison, et ici, au Québec en général mais particulièrement dans notre région, c'est assez mal vu. Il faut presque le faire en cachette, risquant de se faire dénoncer à la DPJ par la commission scolaire. Tandis qu'en Colombie-Britannique, c'est non seulement assez courant, mais c'est reconnu par le gouvernement. Il y a même des encouragements fiscaux pour les parents qui décident de le faire.

- J'ai beau occuper un poste de "programmeur-analyste", ça ne veut pas dire que je pourrais le faire dans n'importe quelle compagnie. Je ne suis pas si compétent que ça. La programmation ne me passionne pas (au contraire), et je ne maintiens pas mes connaissances à jour. Si j'arrive à programmer, c'est principalement parce que je suis un bon lecteur (je "lis" un programme, en saisi la logique, et puis ça me permet de le modifier sans avoir à comprendre le moindre petit mécanisme). J'ai donc peur de me retrouver dans un emploi où je serais entouré de cracks de l'informatique, un amateur parmi les pros, ce qui me ferait vivre des anxiétés supplémentaires, etc.

- Le monde me dégoûte, et je me dégoûte moi-même depuis l'âge où j'ai commencé à y participer. Je ne me sens le moindrement bien qu'en retrait, en observateur, dans mon petit monde. Mon idéal? Ne plus travailler. Utiliser ce que j'ai accumulé de chômage (9 ans de travail à temps plein), puis devenir un assisté social. Je ne sais pas si c'est possible, combien ça me donnerait, si j'arriverais à nourrir mes trois enfants. Ce que je sais, c'est que ça me conviendrait parfaitement, et que je n'aurais pas du tout honte (parce que ne plus contribuer, c'est aussi ne pas contribuer à l'infamie; voir les propos cités ici). Passer des journaux et des circulaires pour nous faire un peu plus d'argent. Faire des jobines occasionnelles de pelletage ou de tonte de gazon ou de je-sais-pas-quoi d'autre, en autant que ça ne soit pas plus que quelques heures par semaine. Devenir le fou du village que nous nous choisirons (des flashs de la série Northern Exposure, série télé que j'aimais beaucoup, qui se déroulait dans un petit village en Alaska… je serais comme un espèce de Ed, le cinéphile/shaman).

- ...

13 avril 2008

Dilemme [troisième partie, là où lentement je perds le fil de ma réflexion]

Quand ma Compagne m'arrive avec ce projet, donc, de déménager, de drastiquement tout changer, il y a comme une étincelle qui se produit en moi, là où je ne vois que du noir depuis des années.

Le fantasme s'installe, dans lequel nous partons, nous installons loin, dans un milieu plus libre et libéré. Je me vois moins accaparé par le travail, voire sans emploi, passant mes journées à tripper avec mes enfants, faisant partie d'un foyer familial pauvre mais uni et sain d'esprit, pouvant me baigner plus souvent dans mes envolées imaginaires, retrouvant le plaisir de me laisser aller à l'écriture. Retrouvant le goût et la texture de qui je suis, ai toujours été.

Et puis le pendule revient, et je me dis que non, ça ne marcherait pas, ou du moins pas pour longtemps. Je devrai occuper un emploi stable et relativement payant, si je veux être capable de nous supporter.

Un autre emploi en informatique? L'idée me donne envie de vomir mes organes vitaux.

Un autre genre d'emploi? Je ne vois pas en quoi ça serait mieux. "Trade in your hours for a handful of dimes," dans les mots de Jim.

On essaie alors de m'enchanter en me disant que je pourrais me dénicher quelque chose de mieux, travailler dans une librairie, être facteur, mais je n'y crois pas. Je n'y crois pas.

Je suis donc devant la réalité suivante: ma Compagne veut partir, et c'est moi qui a le rôle de salarié dans cette famille, alors je dois me faire à l'idée de transporter ma Mélancolie ailleurs, tout en prétendant (sinon à moi-même disons pour le reste du monde) que de changer quatre vingt-cinq sous pour un dollar me convient parfaitement.

Et le dialogue interne se poursuit:

- À moins que… avec un peu d'audace et un peu d'efforts…
- Non, tu rêves.
- Oui mais si…
- Si, si, si… on n'a pas le luxe de tout miser sur des possibilités et des "peut-être".
- Oui, mais…
- Non. Il est trop tard. Tu as fait tes choix, il faut vivre avec. Tu as des bouches à nourrir.
- Oui mais…
- Non. À quoi bon tout chambouler?

Etcetera.

Au final, je me retrouve avec ces constats, et ils me semblent indéniables:

1) Un changement s'impose pour ma Compagne
2) Nous n'avons pas les moyens de réduire de beaucoup notre rentrée d'argent
3) Il faut donc que je garde le cap dans mon orientation actuelle, soit l'informatique

Découragé par le cul-de-sac mental dans laquelle ça me laisse, je dois donc me résigner à:

1) Fournir avec ma Compagne les efforts de réflexions menant au changement dont elle a besoin
2) Trouver un emploi qui serait à peu près aussi payant que celui que j'occupe actuellement (ce qui, implicitement, viendra orienter la nature du changement)
3) Aller poursuivre ma désintégration solitaire ailleurs

Encore et encore, j'essaie de reprendre l'équation du début, question d'en arriver à une autre issue, mais invariablement j'arrive au même résultat.

Et la pression augmente. Et je suis de moins en moins capable de communiquer avec ceux qui m'entourent. Et la pression augmente. Et de plus en plus ma géographie intérieure est secrète et cloisonnée. Et la pression augmente. Et on le remarque, et on me demande si je suis heureux, et même si ce n'est pas "Oui" que je réponds on interprète mes réponses ambivalentes comme tel, on est soulagé que je ne dise pas que j'ai envie de me tuer, et rapidement on passe à autre chose.

8 avril 2008

Dilemme [deuxième partie]

Pour expliquer mon dilemme, il faut en quelques sortes que je m'explique, moi.

Je suis parfaitement conscient d'avoir un intellect inhabituel (pour employer un terme assez neutre). Je maintiens que je suis à la limite de l'autisme, et même si ça ne veut rien dire, les tests disponibles sur le Net (comme celui-ci) semblent le confirmer, ou du moins mettre en évidence une déviation significative de la norme. Ce qu'il importe de mentionner, c'est que les confrontations, les changements, me rendent anxieux, au plus haut point.

Enfant, le début de l'école primaire m'a plongé dans de profondes (et secrètes) angoisses, mais je m'y suis fait. Le passage au secondaire a été (tout aussi secrètement) traumatique, mais éventuellement je m'y suis fait aussi, malheureux mais trouvant le moyen d'endurer la chose en intensifiant mes doses d'Imaginaire. Puis, ça a été le Cégep. Angoisse. Double angoisse, parce que le Réel lentement me rattrapait, et avec lui l'obligation imminente de me choisir une branche, de m'enligner vers un "métier". À défaut d'autre chose, je me suis dirigé vers la littérature. Pourquoi? Parce que j'écrivais, et que j'ai toujours aimé les livres. Je ne voyais pas vers quoi d'autre je pouvais me diriger, entrant lentement dans cette Déprime qui me suit depuis, commençant à avoir envie de mourir, et me sentant si irrémédiablement attiré vers l'Écriture et les dévouements qu'elle rend possible.

Après quelques années difficiles mais où je n'avais pas eu à me poser de questions quant à mon avenir, je me suis retrouvé avec un diplôme symbolique mais des dettes étudiantes bien réelles (mes parents --- pauvres d'avance --- ne pouvant pas m'aider, étant maintenant séparés, ma mère étant sur le BS et mon père guère mieux, et moi ne m'étant pas trouvé d'emploi, préférant passer du temps avec ma jeune sœur, l'aidant avec ses devoirs, me disant que ma présence ne pouvait que lui être bénéfique).

"Ah, what the fuck, je vais jouer le jeu et continuer. La suite logique. Suivons la meute, et allons à l'Université."

L'angoisse de la nouveauté, encore une fois, à la différence que je me sentais dorénavant protégé par l'Écriture, celle que j'avais derrière moi, et celle que je sentais, puissamment, devant moi. Quoi qu'en disent mes proches, mes profs, mes poches. L'appel sacré de l'Art, et les convictions que cela alimente.

La conviction de m'opposer à ce qu'on voulait m'enseigner. La conviction de mettre un terme à mes études, après une seule session. La conviction de rentrer chez moi, au propre et au figuré, et de passer quelques mois à ne rien faire d'autre qu'écrire, lire, penser, rêver, dans un appartement avec ma mère et ma sœur. La conviction de prendre ce qu'il me restait de prêts étudiants, et de m'en aller passer deux mois en France. La conviction, à mon retour, de m'enligner vers le Travail la tête la première, me disant que peu importe où je me retrouverais, peu importe ce que je me trouverais à faire, j'aurais l'Écriture.

Utilisant la logique (l'outil le plus pratique des gros bêtas comme moi), je me suis dit: "Pour continuer à écrire, je dois me supporter. Pour me supporter convenablement, je dois trouver faire appel à mes 'habiletés', peu importe ce qu'elles sont. En quoi est-ce que je suis bon, pour utiliser la formulation sempiternelle? En informatique, j'imagine."

Me lancer dans des cours de rattrapage en mathématiques, donc, et puis me lancer dans des études intensives me donnant un autre diplôme, plus que symbolique celui-là. Me retrouver, à peine quelques semaines après l'obtention de mon diplôme, avec la possibilité de travailler pour ce qui est finalement une des plus grosses shop informatique du Québec, un emploi stable, avec de bonnes conditions.

Je me suis alors dis, naïvement, paresseusement: "Je peux enfin respirer, j'ai mon emploi, je peux maintenant arrêter de penser à tout ça (l'aspect terre-à-terre de ma vie), et me concentrer sur ma Vie, ma Compagne, et l'Écriture."

Ce fut sans doute ma première grande erreur (à moins que ça ne soit la deuxième, la première étant de m'être dirigé en informatique).

Depuis ce temps, je m'enfonce. Oui, je suis comblé par ma Compagne et les trois enfants que j'ai eus, mais faut croire que ce n'est pas assez puisqu'intérieurement, je sens que je dépéris, que je me désagrège.

Dans le moment, je n'écris presque plus. Je lis à rythme de tortue. Je vois un film de temps à autre. Je ne suis plus rien qu'un Esprit qui pense. Je déteste mon emploi, ai l'impression de gaspiller ma vie, mais ne peux pas arrêter, parce que nous avons trop d'obligations financières. Je suis important pour ma Compagne et mes Enfants, mais je me dis parfois que si je mourrais, ça serait peut-être mieux pour eux (car un mari/père aussi déprimé que moi, ça ne peut pas être bon, à long terme, pour eux).

Mais j'endure et je persiste, dans le silence. Et quand je traverse un pont, à 3h30 du matin, je prends une grande respiration et je regarde vers l'avant, parce que l'envie de sauter est grande.

2 avril 2008

Dilemme [première partie]

[Ruminations exigées à moi-même, pour aider ma réflexion et la forcer à aller plus loin, confiées à ce blog parce que la notion de "partage" astreint à une certaine rigueur quant à la clarté du propos, quant à la précision du parcours.]

Dans une entrée récente appelée
Sur le vif, je faisais état d'une certaine rêverie qui m'habite depuis quelques temps, suites aux discussions de plus en plus fréquentes (et de plus en plus sérieuses) que j'ai avec ma Compagne au sujet d'un potentiel changement à notre vie.

Ce projet de transformation de tous les paramètres de notre quotidien, il commence avec elle, mais il est clair qu'il vient aussi me chercher.

Elle n'est pas heureuse. Elle aimerait déménager. Soit se rapprocher de Montréal, question de faciliter ses démarches de mère faisant l'école à la maison (dans l'optique "
unschooling", plus précisément) avec ses trois enfants, soit retourner en Colombie Britannique, endroit où elle a passée son enfance, et où elle croit que la vie serait à la fois plus simple et plus remplie. Elle s'y sentirait moins seule, moins marginalisée, se rapprochant de toute une "famille" avec laquelle elle a encore des liens forts, malgré la distance et les années.

Elle n'aime pas la mentalité fermée de l'endroit où nous vivons actuellement. Elle n'a pas vraiment personne autour d'elle sur qui elle peut compter (elle n'est pas proche de sa famille, et elle ne s'entend pas vraiment avec la mienne). Et elle sent aussi que je ne suis pas heureux. Elle ressent le besoin de changer sa vie.

Si ça n'était de moi, elle aurait déjà fait quelque chose, je pense. Elle serait peut-être déjà à l'autre bout du pays.

Ça ne dépend donc que de moi.

Moi. Je ne continue à vivre cette vie, à occuper cet emploi, que pour elle et mes trois garçons. Si, disons, ils disparaissaient du jour au lendemain, je pense que je deviendrais soit vagabond, soit suicidé, soit complètement à l'écart du marché du travail (peu importe les différentes formes que ça peut prendre). Je n'ai aucuns espoirs, aucunes ambitions, aucuns projets. Je suis dans La Citadelle, je ferme ma gueule et je fais ce qu'on me dit de faire, juste pour être capable de permettre à mes Amours de vivre en paix.

Mais si ça ne convient plus à ma Compagne, si mes enfants ne sont pas aussi heureux qu'ils pourraient l'être, alors à quoi bon m'entêter dans cette voie qui ne me convient pas?

27 mars 2008

Sátántangó

Sátántangó. Un film de Béla Tarr. 7h30. Presque tous les films que j'ai vus depuis me semblent ternes et bâclés. Un constat terrifiant, recelant à mon sens plus de violence dans sa portée spirituelle que n'importe quel film essayant de façon puérile de "briser les tabous" (les tabous, je m'en câlisse, je n'ai plus 11 ans).

Un film à revoir, encore et encore. Il me semble parfois que je pourrais ne plus regarder que ce film là, et ne jamais avoir faim pour une autre nourriture ciné-visuelle. Mon rêve: le voir en une seule séance, idéalement sur grand écran.

[Irimiás, le Faux Messie, interprété par Mihály Vig]

Sátántangó: C'est en utilisant la Vérité que le Fourbe peut faire le plus de mal.

OU

C'est avec la Vérité que l'on peut façonner le plus gros Mensonge.

OU

Utiliser la Vérité pour Manipuler et Détruire.

20 mars 2008

Salutations

Bonjour. Je m'appelle Simon, j'ai souvent envie de ne plus vivre, mais je continue.

Après des années
à ressentir l'Horreur
--- bâillonné par mon envie de vomir ---
ne reste finalement plus
que presque plus rien.




Feeling yourself disintegrate, The Flaming Lips

Mes blogs (et mes écrits) ne m'intéressent plus beaucoup, mais les vôtres (et --- par extension --- vous) oui. Ces petits messages, c'est ma manière à moi de vous rendre hommage, et de vous saluer, discrètement.

* * *

Darnziak: Bonjour à toi. Je tenais à te dire que je continue d'aller voir (et d'apprécier) tes dessins, et tes textes quand tu en partages. Une mention particulière pour l'entête de ton site, que je trouve épique, foisonnantes de détails. On aurait envie de la regarder à la loupe, cette image, d'y plonger (et j'avais cette même envie il y a un bon bout de ça, quand tu avais fais ta carte de la blogosphère).

* * *

L. des Fenêtres Ouvertes: Tu le sais, je suis ton blog tous les jours, et je trouve la variété de tes différentes notes à la fois rafraîchissante et déconcertante. Je ne vois pas toujours où tu veux en venir, ce qui motive telle ou telle entrée, à qui tu t'adresses (ou même si tu t'adresses à quelqu'un), mais qu'importe, ça fait partie du voyage que tu rends possible, et pour ça je te remercie.

* * *

Meth: Ah, que dire... tes souffrances récentes (et plus lointaines) sont palpables. Honnêtement, je ne sais pas ce que je deviendrais si je ne pouvais pas voir mes trois garçons…

Je souhaite (comme je le souhaite à tous et toutes) que ces souffrances s'estompent, s'éloignent, et restent loin. Pour le bien de tous. Ça me fait penser à ce que disait récemment Efrim Menuck (de Godspeed, Silver Mount Zion): "going through this really difficult time and feeling like there is a cumulative stress that adds up and adds up and adds up the older you get and at a certain point people around you just start buckling under the pressure." C'est l'effet domino, une personne qui Chute en entraîne inévitablement d'autres, et c'est en partie dans cette optique là que je me sens profondément interpellé par tes souffrances, ainsi que celles des autres.

We're all in this together, whether we know it or not, whether we want to or not.

* * *

Bonjour Evlyn.

Dernièrement, tu disais:

"J'aimerais cela travailler activement sur un projet avec quelqu'un de motivant, il me semble que je fonctionne mieux lorsque je travail avec des amis, mine de rien je suis une personne très sociale.

Mais bon personne n'a de temps ou d'énergie pour me renvoyer la balle activement et intensément, ah si un jour je rencontre quelqu'un avec une imagination combinatoire aussi fertile que la mienne je l'épouse sur le champ! Je suis en manque de retour d'imagination!
"

Comme beaucoup de monde sûrement, en lisant ça je me sens interpellé, c'est comme une belle invitation à tous les créateurs… en quelques secondes, je pense aux histoires que je pourrais t'envoyer, et qui grâce à ta vision deviendraient autre chose. Au haut de ma liste de projets potentiels, il y a deux trucs: mon histoire de Mortifer (un espèce de personnage fantômatique qui déambule le soir de l'Halloween), et mon roman, celui sur lequel je bûche depuis 1995, Marla & Philippe (les voyages de deux personnages qui fuient leur milieu, se rencontrent, et puis s'établissent ensemble).

Ça me fait rêver; ça ne m'arrive plus beaucoup, et de moins en moins. Bravo pour ton énergie, ton ouverture, et ta générosité.

* * *

Hellrider: Je veux juste te dire que j'admire beaucoup ton énergie et ta détermination, et que si je n'étais pas si solitaire, si profondément ermite dans l'âme, et si abattu aussi, je me démènerais pour essayer de me joindre à toi dans tes entreprises. Je ne peux pas m'empêcher de faire un constat d'échec face à mon incapacité à me lier --- amicalement ou artistiquement --- à des gens comme toi. Mais ça ne m'empêche pas d'applaudir tes efforts et tes réussites.

* * *

À vous, mes sincères salutations, et mes pensées les plus encourageantes.

Père, père…

[J'écris ceci après l'avoir vu la semaine dernière, après avoir jasé quelques heures avec lui, alors qu'il me rendait visite pour mon anniversaire. Je résume ici ce que je savais, ce que j'ai appris, et ce avec quoi je me retrouve maintenant comme pensées.]

Mon père est déprimé. Suicidaire, même. Je ne l'aurais pas crû. Il a toujours été si maître de lui-même, si terre à terre et si profondément hippie en même temps, si stable dans ses entêtements, ses convictions et ses angles morts. Le voilà fragilisé, désemparé, en proie à une détresse déconcertante qu'il est incapable de réprimer, y étant si peu habitué.

Ça fait plusieurs années que ça ne va pas bien. Complètement terrassé par une maladie rare, il s'est lentement remis, affaibli mais toujours déterminé. Il ne s'est pas laissé abattre par ce rappel indéniable de son vieillissement et de son éventuelle mortalité.

Il y a quelques mois, il s'est mis à prendre un médicament pour arrêter de fumer. Lentement, il a vu ses énergies diminuer encore davantage, au point de ne plus avoir envie de se lever le matin, lui toujours si matinal, passant une bonne partie de la journée au lit. Il s'est mis à broyer du noir (chose qui lui arrivait à l'occasion, de par le passé, mais --- à ma connaissance --- c'était toujours déclenché par un événement externe). Il a éventuellement été pris de crises d'anxiété, sans raison.

Un jour, en prenant son café, il s'est demandé: "Si je me suicidais, comment je m'y prendrais?"

Allant à la pharmacie, la dame au comptoir lui a demandé comment ça allait, avec ses médicaments. Spontanément, il a répondu: "Comment ça va? Vous voulez vraiment l'savoir comment ça va? J'me sens comme d'la marde, pis j'ai envie de m'flusher."

Il y a quelques semaines, n'en ayant pas envie mais ne voyant pas d'autre avenue, il a donc consulté, et s'est fait prescrire des antidépresseurs. Ça ne fait pas encore effet. Il n'a toujours pas d'énergie, a toujours le moral à terre, n'est plus capable de se concentrer.

"C'est comme si je me voyais dépérir, conscient d'être en train de perdre mes forces, physiques autant que mentales," m'a-t-il dit, dans ses mots. Je sens qu'il sent que la fin est proche, et que ça soit vrai ou pas, ça n'a pas d'importance: il souffre, sa paix d'esprit s'est volatilisée, et moi je souffre de le voir ainsi.

"33 ans... t'es chanceux, mon gars... c'est un bel âge..." m'a-t-il dit; je me suis retenu pour ne pas lui dire que moi aussi je me sens dépérir, moi aussi je sens que je suis fragile et vulnérable et sur une pente descendante. Une fois de plus, je me suis retenu.


[22 mars 2008, 12:15 am]
P.S.: Le soir où il est venu chez moi, il nous a prêté une copie du film Across the Universe, nous le recommandant avec enthousiasme. Nous venons de le regarder, et ça me laisse perplexe. De toute évidence, quoique j’aie apprécié plusieurs aspects du film, j'ai le cerveau trop surchauffé pour être capable de me laisser aller à ce genre de conte de fée. Et c’est ce qui me frappe: que l’enthousiasme de mon père, que j’ai toujours connu comme quelqu’un de pragmatique et de vaguement réfractaire au sentimentalisme, soit dirigé si sincèrement vers ce qui, de par son essence même, est un conte, une romance. Je ne sais pas trop ce que je dis, je suis confus, mais il fallait que j'essaie de l’articuler.

12 mars 2008

Optique du jour

"when I wake up
in the morning
I pour the coffee
read the paper
then I slowly
and so softly
do the dishes
feed the fishes

sing me Happy Birthday
sing it like it's going to be your last day
like its hallelujah
don't just let it pass on through ya
it's a giant among cliches
and that's why I want you to sing it anyway
sing me Happy Birthday
'cause hell what's it all about
anyway

sing me Happy Birthday
Happy Birthday
like it's gonna be your last day
here on earth"
--- The Happy Birthday Song,
Andrew Bird

3 mars 2008

[Sur le vif]

De l'abstraction plein la tête, marcher dans les rues d'une petite ville, avec ou sans musique… vivre au rythme des nuages, de la luminosité… aller marcher en montagne avec mes garçons… par la fenêtre de ma maison, voir des arbres… une promenade après le souper, les rues vides… une lenteur généralisée, souvent pleine de mélancolie, pour faciliter la respiration… me concentrer sur mes textes, que ça soit ma raison d'être sans qu'on le prenne mal… que l'infini puisse cohabiter avec la minutie des agissements quotidiens… passer beaucoup plus de temps avec ma Compagne et mes enfants, ne plus me sentir toujours pressé, toujours limité… je ne rêve qu'à ça… et voici qu'on me l'offre, vaguement… mais je n'y crois pas.

Mais j'y pense.

6 février 2008

Films [Retenance]

Monologue tiré du film Nostalghia d'Andrei Tarkovsky, écrit par ce dernier en collaboration avec Tonino Guerra:

"What ancestor speaks in me? I can't live simultaneously in my head and in my body, that's why I can't be just one person. I can feel myself countless things at once.

There are no great masters left, that's the real evil of our time. Our heart's path is covered in shadow. We must listen to the voices that seem useless. Into brains full of long sewage pipes, of school walls, tarmac and welfare papers, the buzzing of insects must enter. We must fill our eyes and ears with things that are the beginning of a great dream. Someone must shout that we'll build the pyramids, it doesn't matter if we don't. We must fuel that wish. We must stretch the corners of the soul like an endless sheet.

If you want the world to go forward, we must hold hands. We must mix the so-called 'healthy' with the so-called 'sick.' You healthy ones! What does your health mean? The eyes of all mankind are looking at the pit into which we are all plunging. Freedom is useless if you don't have the courage to look us in the eye, to eat, drink, and sleep with us! It's the so-called 'healthy' who have brought the world to the verge of ruin!

Listen, Man! In you: Water, Fire, and then Ashes. The bones, and then ashes!

Where am I when I'm not in the real world, or in my imagination?

Here's my new pact with the world. It must be sunny at night and snowy in August. Great things end, small things endure. Society must become united again instead of being fragmented. Just look at Nature and you'll see that life is simple, that we must go back to where we were, to the point where you took the wrong turning. We must go back to the main foundations of life, without dirtying the water.

What kind of world is this, if a madman has to tell you to be ashamed of yourselves?

O Mother, O Mother! The air is that light thing that moves around your head and becomes clearer when you laugh.
"

5 février 2008

Lectures [Retenances]

"Gracious reader, may I venture to ask you a question? Have you ever had hours, perhaps even days or weeks, in which all your customary activities did nothing but cause you vexation and dis-satisfaction; when everything that you usually consider worthy and important seemed trivial and worthless? At such a time you did not know what to do or where to turn. A dim feeling pervaded your breast that you had higher desires that must be fulfilled, desires that transcended the pleasures of this world, yet desires which your spirit, like a cowed child, did not even dare to utter. In this longing for an unknown Something, which longing hovered above you no matter where you were, like an airy dream with thin transparent forms that melted away each time you tried to examine them, you had no voice for the world about you. You passed to and fro with troubled look, like a hopeless lover, and no matter what you saw being attempted or attained in the bustle of varied existence, it awakened no sorrow or joy in you. It was as if you had no share in this sublunary world."
--- Tiré de The Golden Flower Pot (1819), de E.T.A. Hoffmann

"Every year more and more flowers drop away withered, their buds eternally sealed; there is no spring sun that can bring the warmth of new life into old dried-out branches. I know this well enough, but the Enemy never stops maliciously rubbing it in as the year draws to an end. I hear a mocking whisper: "Look what you have lost this year; so many worthwhile things that you'll never see again. But all this makes you wiser, less tied to trivial pleasures, more serious and solid-even though you don't enjoy yourself very much."
--- Tiré de A New Year's Eve Adventure (1814), de E.T.A. Hoffmann