26 juillet 2005

Esquisse Estivale [dans un autobus le 8 juillet]

Et voilà que je rejoins le Monde, pour trois semaines du moins, au moment où les plantes s’épanouissent et affichent leurs vraies couleurs. Leurs odeurs se mêlent à celle du fumier que les cultivateurs --- au stade le plus occupé de leur année --- répandent sur les terres qui leurs appartiennent et qu’ils cultivent, symbiose ancestrale entre un homme, sa terre, et sa famille.


Trois semaines pour jouir de ce Monde, pour faire sortir mes yeux des sentiers battus, pour enfin décrasser ces régions de mon cerveau qui sont réservées aux Jeux, et au Plaisir d’exister.


Des horizons verts et montagneux. Une bouée verte sur le fleuve. Une maison bicentenaire que l’effondrement d’une cheminée a éventrée. Des clapets où on garde des lapins à vendre. Les petites pousses qui deviendront ces majestueux plants de maïs qui me feront rêver dans un mois. Des usines malpropres et malsaines. Des fleurs... blanches, oranges, jaunes, mauves, qui jamais ne cessent de surprendre. Un petit ruisseau dissimulé par les plantes qui poussent sur ses berges, m’offrant la vue d’une intimité naturelle que je m’empresse de transformer par l’imagination en un lieu résonnant de drame et de danger. Des cantines aux noms fièrement absurdes, de toute évidence aussi nécessaires que des toilettes publiques. Des monuments religieux, statues ou immeubles, qui à chaque année me semblent de plus en plus déplacés, négligés, ignorés, en voie d’extinction. Partout, des arbres que l’on ampute ou que l’on abat, fiers géants qui eux aussi sont négligés et lentement vont disparaître. Des garages et des cabanons bric-à-brac, remplis d’outils usés et de métal rouillé, entrepôts minus où les rebuts dorment plus ou moins longtemps avant d’être envoyés au dépotoir, ou d’être vendus dans une vente de garage. Des potagers et des serres, où on imite à plus petite échelle la grandiose culture des fermiers. Des chevaux et des vaches qui broutent et qui repoussent les mouches avec leur queue. Les marques parallèles des tondeuses à gazon sur des pelouses stériles et plates à mourir. Des constructions et des rénovations, royaumes invaincus de l’homme musclé qui travaille torse nu. Des enfants qui envahissent leur ville et les transforment en Jardin des Délices Terrestres. Des bassins d’eau artificiels, que l’on emménage et entretient pour quelques mois, pour l’œil ou pour le corps. Les fourmis qui manigancent leur empire souterrain. Des adultes qui arrachent au Temps et à la mort quelques instants de plaisir qu’ils appellent ‘vacances’, et qu’ils s’efforcent de remplir.


L’Été.


posté par Simon à 1:27 AM 2 commentaires



alexie a dit…
Ça y est, je commence à m'ennuyerJ'avais aimé ce texte, assez cynique, qui m'a rappellé très vivement ma petite ville natale..J'ai hâte que tu nous revienne !
04 août, 2005 08:11

Simon a dit…
C'est bien gentil à toi... j'ai plusieurs petits textes qui s'en viennent d'ici un jour ou deux. Je me dépêche!À bientôt.
04 août, 2005 11:47