20 octobre 2006

Smoke screen

Contre le vide asphyxiant,
entre les yeux & le cerveau,
ériger une grande tapisserie-miroir
où sont reflétés
les spasmes & les éclats
de l'Imagination.

Berner la Vision,
mentir aux Sens,
afin de se détourner
du Sentier Organique
où tout est Viande,
tout est Sexe,
tout est Cannibalisation.

Avec un peu de chance
l'Illusion se fera Contagion
pour qu'alors tous les Galériens
arrêtent de ramer
en même temps.

1 Commentaires:

La pirate said...
Imagination, Vision, Cannibalisation, Illusion, Contagion...
Beaucoup de mots en ion Moussaillon, mais j'ajouterais à ton gouvernail de mots-maison, ceux de l'Évasion, la Grande, ceux de la Pendaison, la Courte, ceux de la mi-Saison, Automnale, et pour plus tard, ceux de la Feuillaison Vernale...

Derrière les Fumées de nos Écrans,
voir flotter Marla dans son Étang.
Retourner sur le Dos de ma Galère,
Balayer le flancs salés de la Mer..

16 octobre 2006

Gribouillages [dans un autobus le vendredi 13 octobre]

Encore une fois, bonheur imprévu du hasard, je suis amené à me soustraire à mon joug de Travailleur Occidental ordinaire, en début d'après-midi, faisant le trajet pour aller rejoindre mes Amours, par des chemins inhabituels dans des circonstances inhabituelles. Je me retrouve dans l'autobus 8 de Longueuil, une des trois que je prenais encore pour aller au Cégep il y a de ça presque quinze ans ("8/28/88", c'était ma prière d'étudiant à Édouard-Montpetit quand venait le temps de prendre l'autobus). Je revois le Chemin Chambly d'automne… je retrouve cette sensation d'être un étudiant en lettres, paisible et perdu, le cœur brisé par la vie et ne désirant plus rien d'elle. Le cimetière où j'aimais à me promener, seul, avec C. parfois (lieu si influent qu'il se retrouve dans mon chapitre 2). Le Cégep… quelle horreur! quelle joie! Je comprends ceux qui en arrivent à parler de "belle période de ma vie" alors qu'à ce moment là tout les faisait chier.
Période fertile, intéressante. La douleur, finalement, c'est présent partout, tout le temps, et pour tout le monde.
Le Harvey's est fermé, ses fenêtres condamnées par du papier brun portant encore les logos orange. Après le Cégep, le Chemin Chambly devient aride et commercial… et me voilà lancé dans cette ambiance vaguement déprimée où je l'observais quasi quotidiennement, assis dans le bazou bruyant de mon cousin S., ou dans la petite auto rouge de C.
Longueuil, banlieue sous-Montréalaise qui n'est sauvée d'une pittoresque pauvreté généralisée que par sa proximité avec la métropole.
Longueuil, néant surpeuplé (au même titre que Lasalle) où chaque jour des nouveaux nés ont la malchance de naître puis de grandir puis de mourir à l'âge adolescent puis de mourir à l'âge adulte puis de mourir à la vie.
Longueuil, ghetto hybride et labyrinthique qui n'a même pas de pitié pour ses ciels bleus.
Longueuil, grande petite ville ayant le luxe répugnant de diluer son poison urbain sur une grande superficie de contamination morale et bétonnée.
Longueuil, terrain involontaire de bijoux humains, splendides et créatifs et lucides et déterminés.
Longueuil, colonie invivable qui presque honteusement nous montre parfois de petits îlots de nature et de beauté, comme gênée de ne pas avoir été capable de tout pacifier, de tout standardiser par le ravage total.
Long-œil, ville perfide et animée par l'ennui, un autre microcosme parfaitement représentatif de ce que je considère comme le Fléau Moderne, et que je nomme la Concrétisation du Réel.
* * *

Je suis en retard et anxieux de l'être, mais inutile de m'en faire, ce n'est pas de ma faute, inutile de regarder l'heure, je n'arriverai pas plus vite.

C'est maintenant St-Hubert que je vois passer. Longues avenues désarbrées où la ligne droite règne, impériale et dominante.

Ça parle en avant de moi.

-As-tu vu le char passer?
- Wow man! Full GT man!

Je vois une école secondaire où les jeunes vont loin des portes, près de la route, pour fumer illégalement leurs cigarettes; là encore la ligne droite impose son carcan tyrannique; dans le stationnement de longs monolithes jaunes attendent, endormis, leur cargaison galérienne.

- Check le char.
- Cool.
- Ah, c'est ça, c't'un esti d'baby-boomer de merde.
- C't'un enculé, man.

Tous les terrains vagues sont zonés commercial; tous de futurs domaines du vague-à-l'âme.

Crapuleuses intimidation du Passé par le Futur, avec la collaboration tacite (ou aveugle) du Présent.

Il n'y a pas assez de révolutionnaires, pas assez de réactionnaires, de terroristes ou de kamikazes, pour renverser ce Flot de Matérialisme mercantile et anéantissant.

2 Commentaires:

La pirate said...
Un texte qui a du nerf, mais pas assez de kamikazes...;-)

« Longueuil, terrain involontaire de bijoux humains, splendides et créatifs et lucides et déterminés... »

J'aime beaucoup comment tu as décrit (ou décrié) Long-Oeil...

Comme véritables bijoux humains
j'ai bien sûr pensé à Carl NokturA et à Stéphane HellRider, deux artistes remplis d'un talent exceptionnel, deux artistes qui n'ont pas peur de renouveller l'Art sous toutes ses formes..On portera d'ailleurs leurs nouveaux abîmes vers la fin de novembre...Novembre un moi rempli de morts mais aussi de naissances...de re-naissances, un temps pour le moins propice pour tous genres de lancements...Merci d'écrire d'aussi beaux textes.

Simon said...
Merci, Pirate.

Voyez-vous, moi ce texte je le trouve ordinaire, je n'y tiens pas plus qu'il faut, sauf pour la fin.

C'est comme si au début, un peu endormi, je me forçais à l'exercice, et puis un rythme s'installe ("Longueuil... Longueuil..."), entraînant une rêverie plus profonde, et puis graduellement je dépasse l'Ici/Maintenant et j'en arrive à une réflexion plus vive, plus réchauffée (j'aime beaucoup l'idée de l'intimidation du Passé), sauf qu'à ce point, malheureusement, je parviens à destination et je dois interrompre l'exercice.

C'est toujours ce qui m'arrive.