28 décembre 2007

Constat de fin d'année

Il y a quelques années, il s'est passé quelque chose en moi. Je ne sais pas si c'est d'ordre psychologique ou physiologique, mais c'est bien réel. Lentement, j'ai commencé à réaliser que mes sensations étaient moins intenses. "Plus rien ne me fait rien," je disais. Ou encore: "Je ne prends plus plaisir à rien."

Plus tard, j'ai appelé ça La Perte des Sens, et c'est un peu ce texte qui a donné le coup d'envoie à La Citadelle.

Aujourd'hui, fin 2007, ça persiste toujours. Ce qui était un malaise est devenu une maladie, un cancer qui se répand. Aujourd'hui, j'en suis là: je n'ai même plus envie de voir les gens.

Sans aller jusqu'à dire que je pourrais très bien ne plus voir ma famille, mes parents, ma sœur, ce qu'il me reste d'amis, j'affirme cependant que je pourrais passer de très longs moments sans que l'on se voit, sans que l'on s'appelle, et ça me conviendrait parfaitement.

Je ne m'en réjouis pas, je le constate. Et je m'en désole, aussi. Je n'aime plus voir les gens. Les conversations me semblent insignifiantes et répétitives, les incompréhensions ne font que s'accentuer, les conflits ne font que s'envenimer, et je suis toujours mal à l'aise, avec tout le monde, alors je ne sais plus quoi dire, le silence devient embarassant, et mon malaise empire. Il ne reste finalement que ma Compagne, mes trois enfants, et F. (collègue de travail devenu ami) avec qui je peux être moi-même, avec qui j'ai plaisir à échanger, et avec qui j'ai l'impression qu'il y a une progression dans notre relation.

Et le cerveau comprend vite. Sociabilité = angoisse. Solitude = relative paix d'esprit. Et le cerveau se décourage, et se fatigue d'avance à l'idée d'une rencontre prévue.

27 décembre 2007

24 décembre 2007

À vous qui
d’une certaine façon
m’accompagnez
dans tous mes Vertiges
je tiens à prononcer
des paroles:
fermez les yeux
et pensez à ceci:
de deux points en : : :
on multiplie les points
dans un ciel de Noir
pour atteindre
aux Étoiles Miroir.

Pensez à ceci:
ces jours-ci
la Nuit est Impériale
elle nous rappelle que
ce n’est qu’un Hasard
si nous subsistons;
un rien et l’Hiver
serait Éternel.

Alors réjouissons nous
non pas de la naissance
d’un être devenu fiction
mais de notre propre
Existence,
Jadis et Maintenant et
— peut-être —
Demain.

Non pas Joyeux Noël,
donc,
mais Joyeuse Vie.

Seule la nature de mon Errance reste à préciser

Ces merveilles, eux,
ces enfants sont
la poutre-maîtresse
de ma Maison;
plus tard,
eux partis,
je redeviendrai
Vagabond.

19 décembre 2007

24 décembre 2000

Soirs de Noël
ou Soirées Athées,
dans la cire d’une chandelle
le résultat d’une soirée.

Domovoïs et elfes,
ils fouillent nos meubles.
Ils mettent de petites étoiles incroyables
entre nos vêtements,
et repartent avec les poches
pleines de nos rêves.

15 décembre 2005

Je quitte l'édifice (édifié à qui, à quoi?). Il fait froid mais ça s'endure très bien, le vent est doux, et je vois pas de quoi tout le monde se plaint… c'est l'hiver, ça arrive à chaque année, et il y aura bien pire d'ici à ce que l'hiver s'achève. J'ai faim, trop faim, ça m'abat et induit toutes mes réflexions en erreur (et je ne peux m'empêcher de penser que dans "erreur" il y a le début de "errance", et il y a aussi le verbe anglais to err, qui signifie se perdre, se tromper, échouer). Je m'en vais juste à côté, manger une bonne assiette de shish taouk. En mangeant je lis le Voir, chose que je ne fais pas souvent, et ça me démoralise encore plus… toute cette soit disante "vie culturelle" me dégoûte. Dire que j'ai déjà voulu me faire une place dans le Monde par mon Écriture… alors que je n'avais qu'à me faire une place dans l'Écriture, tout simplement. Je ne suis bien que loin du monde; minimalement, loin par la pensée; préférablement, loin par la géographie. L'abandon avec lequel vous embrassez la vacuité… me désole. La facilité avec laquelle vous vous glissez partout, dans toutes les circonstances, me stupéfie. ("Vous" étant des interlocuteurs imaginaires.)

Vingt minutes après avoir fini de manger, je marche dans les avenues surpeuplées du Centre Ville, sous terre et sur terre, et mon attitude est toute autre. Vous êtes si beaux, dans ce froid inhospitalier et hostile vos vies me semblent improbables et miraculeuses… la parfaite élégance de vos accoutrements… la splendeur de vos visages innocentés… l'insouciance des rires qui roucoulent vers le haut dans vos gorges enfoulardées… votre énergie festive… votre empressement vivace… tout ça m'enchante, je suis au Centre de la Ville mais aussi dans l'élément Central de ma Province, tout converge vers ici… je vous observe, cette observation m'arrache à vous… et je suis bien.

[On a ici un exemple de l'arbitraire de mes états d'âmes… tout peut venir les aggraver ou les élever… le simple fait de manger m'enivre au plus haut point, et me fait momentanément oublier une amertume pourtant toute récente. J'ai appris à me servir de cette fragilité… ça m'aide à profiter de tous mes instants quand ils sont plaisants, et à relativiser ma douleur quand ils ne le sont pas… ne pas trop me prendre au sérieux, me regarder aller avec un peu de recul, sans pour autant tomber dans le détachement émotionnel total.]

Chansonnette

Ô, le beau petit Cauchemar que j'ai. Fertile et vaste, plein d'arcs-en-ciel et de rebondissements. Ô, le beau petit Cauchemar, qui me suit partout et jamais ne me lâchera.

18 décembre 2007

Soir d'Hiver [21 décembre 2005]

Je reviens de dehors
(sortir les ordures,
bouger de la neige),
et moi
--- l’attardé ---
je me suis attardé,
le nez
vers les étoiles.



Le froid ne m’atteignait pas
les puits épuisant
ne m’attiraient plus
et seul au monde
je voyais ma respiration
me quitter à jamais.

Mes yeux avaient la preuve de leur vie.

Je
souris.




(Illustrations d'Arthur Rackham réalisées en 1931 pour le poème The Night Before Christmas de Clement Clarke Moore, publié pour la première fois en 1823)

Émietteur sur le carreau

Vendredi dernier, comme les quatre humains avec qui je vis, je me suis trouvé malade. Lentement, au travail, j'ai commencé à me sentir mal. Après le dîner mon repas ne descendait pas bien, alors j'ai décidé de partir plus tôt.

Dans l'autobus du retour, je me suis endormi. Quand je me suis réveillé, j'étais tout en sueurs, je grelottais, et je sentais que j'allais être malade. Je me suis fermé les yeux, j'ai pris de grandes respirations, me suis concentré pour essayer de maîtriser mon malaise, mais rien n'y faisait.

Enfin c'est arrivé. J'ai fait ça discrètement, personne n'a vu, entendu ou senti quoi que ce soit. Et grâce à un des Ziplocs du Projet Miettes, je n'ai pas laissé de dégât dans l'autobus.


But I feel much better now!

13 décembre 2007

Burroughs

J'ai face à Jack Kerouac une compréhension instinctive qui va bien au-delà de l'admiration. Ce qu'il a été, ce qu'il a écrit, l'ensemble de sa vie et de son travail, me permettent de voir, de sentir et de comprendre une foule de phénomènes et de réalités, sur son époque, sur le 20ème Siècle, sur l'art, l'écriture, moi-même…

Ginsberg et Burroughs, pour moi, sont donc des figures importantes, mais envers qui je n'ai pas la même connexion, et donc que je connais moins, n'ayant pas de grands enthousiasmes m'incitant à plonger dans leurs œuvres. Ils sont en quelques sortes importants parce qu'extensions de Kerouac.

Mais dernièrement j'ai lu Word Virus, une anthologie des textes de Burroughs, car je n'avais lu qu'un seul livre de lui (Junky) et voulait le connaître davantage.

Au bout du compte, je suis plus intéressé par l'homme que par son œuvre. C'était un grand esprit, cultivé et expérimenté, et il y a dans les textes que j'ai lu des passages d'une grande colère, d'une grande tristesse aussi, avec une très grande virtuosité pour la description, mais en général sa fiction me laisse froid. Je m'explique mal pourquoi, mais c'est comme ça.

Voici certains passages que j'ai retenus de Word Virus.

D'abord, tiré de l'introduction, "punching a hole in the big lie": the achievement of William S. Burroughs, écrite par Ann Douglas:

How did this happen? How did Western civilization become a conspiracy against its members? In his second trilogy, Cities of the Red Night (1981), The Place of Dead Roads (1984), and The Western Lands (1987), which taken as a whole forms his greatest work, Burroughs fantasized the past which produced the present and excavated its aborted alternatives, the last, lost sites of human possibility. The first is the United States that disappeared in his boyhood, the pre- and just post-WWI years when individual identity had not yet been fixed and regulated by passports and income taxes; when there was no CIA or FBI; before bureaucracies and bombs suffocated the American landscape --- “sometimes paths last longer than roads,” Burroughs wrote in Cities of the Red Night. In the heyday of the gunman, or single combat, and of the fraternal alliances of frontier culture, the promises of the American Revolution were not yet synonymous with exclusionary elite self-interest. Now, however, Burroughs wrote, there are “so many factors and so little action”; little room is left for the independent cooperative social units he favored, for the dreams he saw as the magical source of renewal for whole peoples as well as individuals.



Globally, Burroughs located a brief utopian moment a century or two earlier, a time when one’s native “country” had not yet hardened into the “nation-state” and the family did not police its members in the interests of “national security”; before the discovery by Western buccaneers and entrepreneurs of what was later known as the third World had solidified into colonial and neo-colonial empire, effecting a permanent and inequitable redistribution of the world’s wealth; before the industrial revolution had produced an epidemic of overdevelopment and overpopulation and capitalism had become an instrument of global standardization.


Burroughs had no sympathy for the regimented, Marxist-based Communist regimes of Eastern Europe. He saw the Cold War administrations of the U.S. and U.S.S.R. not as enemies but as peers and rivals vying to see who could reach the goal of total control first. Yet both Burroughs and Karl Marx had an acute understanding of just how revolutionary the impact of plain common sense could be in a world contorted by crime and self-justification, and in a number of areas their interests ran along parallel lines. […] He, too, saw the colonizing impulse that rewrote the world map between the sixteenth and the nineteenth century as a tactic to “keep the underdog under,” an indispensable part of capitalism’s quest for new markets and fresh supplies of labor.

Et puis ici, un extrait de Cities of the Red Night:

The chance was there. The chance was missed. The principles of the French and American revolutions became windy lies in the mouths of politicians. The liberal revolutions of 1848 created the so-called republics of Central and South America, with a dreary history of dictatorship, oppression, graft, and bureaucracy, thus closing this vast, underpopulated continent to any possibility of communes along the lines set forth by Captain Mission. In any case South America will soon be crisscrossed by highways and motels. In England, Western Europe, and America, the overpopulation made possible by the Industrial Revolution leaves scant room for communes, which are commonly subject to state and federal law and frequently harassed by the local inhabitants. There is simply no room left for “freedom from the tyranny of government” since city dwellers depend on government for food, power, water, transportation, protection, and welfare. Your right to live where you want, with companions of your choosing, under laws to which you agree, died in the eighteenth century with Captain Mission. Only a miracle or a disaster could restore it.

Ero

Souvent, me réveillant dans l'autobus, un peu confus quant à l'heure qu'il destination, il m'arrive de voir une fille, à côté de moi ou sur le banc voisin, et d'avoir un subit et puissant désir pour elle. C'est rattaché à l'espèce de chaude sensualité du sommeil, cette proximité avec son propre corps qui prend quelques instants à se dissiper après le réveil.

De façon similaire, parfois quand je marche, je me perds dans mes pensées, et puis tout à coup, disons à une lumière rouge, je m'arrête et vois une Beauté Rare à côté de moi, et j'ai envie de lui dire: "Excuses-moi, est-ce que je peux t'embrasser?"

À ce moment précis, c'est la pulsion qui prime et c'est complètement naturel, mon esprit n'y voit absolument rien de répréhensible, et j'ai du mal à comprendre pourquoi on ne pourrait pas se laisser aller à ce geste inoffensif… pourquoi, disons, je ne pourrais pas l'embrasser, lui souhaiter une bonne vie, et puis continuer mon chemin.

Puis la raison s'active, et la logique du désir ne tient plus.

* * *

Si je te voyais, Julie… si après toutes ses années je te revoyais enfin… le Désir serait Tout. Grâce à toi j'ai appris l'amour, le désir, l'obsession, la passion… investi de ton Existence toute la résonance de ma Géographie en était altérée… partout où j'allais je te cherchais, et ta Présence me suivait dans mes plus lointains déplacements… j'étais marqué au fer rouge… et c'est parce que j'étais atteint d'un amour incurable pour toi que je n'étais intéressé par aucune autre fille… je ne pouvais pas concevoir qu'un jour nous ne serions pas Ensemble.

Et pourtant c'est ce qui est arrivé.

Je ne t'ai pas vu depuis plus de dix ans, mais pourtant je n'ai rien oublié de toi. Si je te voyais aujourd'hui, maintenant dans la jeune trentaine tout comme moi, je suis certain que je serais conquis par la splendide maturité de ta Beauté. Et --- pourtant complètement éveillé --- je ressentirais indubitablement le désir (le besoin) quasi irrésistible d'embrasser ce succulent petit sourire moqueur qui contracte ta bouche…

Ma belle Lionne, il est préférable que l'on ne se revoit plus jamais.

12 décembre 2007

Coup de fouet

Hier, je lisais une entrevue récente avec Peter Ackroyd, un écrivain que j'aime beaucoup, autant pour ses romans que pour ses biographies.

Voici à quoi ressemble son horaire quotidien:

"[...] he organises his days with the ritual and rigour of Catholic mass. At the moment, he starts off with 500 words about Venice ("
Thames was quite a visceral book; I needed to do something alien to me"), translating 17 lines of The Canterbury Tales, 120 words on a new novel, then a spot of journalism or a play followed by a bit of work on a book of English ghost stories, rounded off by reading for his biggest project yet - a six-volume history of England."

Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'a "eau-glacée-dans-le-visage".

11 décembre 2007

Enchaînement

Le hasard ayant fait que ma Compagne s'est hier trouvée malade, je suis resté à la maison pour m'occuper de mes trois enfants. Un rythme lent, pour un lundi, me rappelant mon congé parental de l'an passé.

Le soir, les trois enfants se sont endormis rapidement, la mère aussi, alors je me suis retrouvé seul à quelque chose comme 20h15. J'ai rangé un peu, ai lancé un backup sur l'ordinateur (chose que je me promettais de faire depuis deux semaines) puis j'ai profité de l'occasion et je me suis couché, moi aussi.

Aujourd'hui, j'étais donc en forme. Pas en grande forme, mais tout de même, j'avais l'Esprit fluide, j’arrivais à jongler avec des idées, avant même d’avoir fini mon café. En route vers le travail, j’ai terminé The Anti-Christ de Nietzsche, puis j’ai entamé un recueil des meilleurs contes d’Hoffmann (étant puissamment stimulé à la seule introduction!).

Puis le travail. Puis l’heure du dîner, me promenant dans le Centre Ville avec mon ami F., jasant. À la fin, parlant du Temps des Fêtes, il me dit à quel point il déteste cette période de l’année, il ne le cache pas chez lui. Il dit que pour moi c’est peut-être différent, de par l’âge de mes enfants, de la manière que l’on célèbre ça. Je dis quelque chose comme: « Bien, de la même façon que je vois dans cette période là tout ce que j’haïs à l’année longue, mais exagéré de façon presque caricaturale, et bien de la même façon je dois me battre mais encore plus fort, pour que chez moi ça ait un sens, que ça ait une valeur. » Et il a dit que c’est dur de vivre en dehors de son époque, à quoi j’ai répondu par l’affirmative.

Puis le travail, encore. Puis je quitte le bureau, prends le métro, écoutant un MP3 d’une nouvelle de Neil Gaiman, A Study in Emerald. Une histoire brillante qui se déroule dans un univers parallèle où un détective à la Sherlock Holmes (mais complètement différent) doit élucider un meurtre qui implique des créatures de l’univers de Lovecraft. Je n’en dis pas plus, mais c’est très bien mené, amusant, et — si on y pense un peu — très critique de la Royauté.

Puis une autre séance de lecture, continuant l’introduction des contes d’Hoffmann. Et puis… c’est l’étincelle. L’angle qu’il me fallait pour mener mon roman jusqu’à la fin, pour savoir comment ré-aborder un de mes deux personnages principal. C’était là, devant moi, j’avais même pris les premiers pas, sans le savoir, et depuis quelques temps, un peu sous l'influence de ma lecture du Black Dossier d'Alan Moore, je songeais au moyen d’élever la teneur de mon imaginaire à un autre niveau, à un potentiel que je sais que je peux atteindre, si seulement je m’en donne la permission, si seulement je peux m’en convaincre. Et voilà, tout ça s’est mis en place.

Demain, fatigué, peut-être que ça ne voudra plus rien dire, ou justement que je ne m’en sentirai pas capable. Mais aujourd’hui c’est clair, la proximité de cette radiation créatrice irrigue mon histoire d’un élixir qui — avec un peu de temps — pourrait en faire un beau mutant inespéré.

7 décembre 2007

Vendredi soir

Ne suis plus qu'un mort-vivant vivant-mort. Ai envie, comme un imbécile, de rappeler aux gens que l'on va mourir. Il y a des jours où c'est tout ce que j'ai à dire.

Qu'est-ce que je fais ici déjà?

Tarkovsky

Récemment, j'ai été ébranlé par le Andrei Rublev (1969) de Andrei Tarkovsky.

Dans son livre, Sculpting in Time, Tarkovsky a écrit:

"The beautiful is hidden from the eyes of those who are not searching for the truth, for whom it is contra-indicated. But the profound lack of spirituality of those people who see art and condemn it, the fact that they are neither willing for ready to consider the meaning and aim of their existence in any higher sense, is often masked by the vulgarly simplistic cry, 'I don't like it!' 'It's boring!' It is not a point that one can argue; but it is like the utterance of a man born blind who is being told about a rainbow. He simply remains deaf to the pain undergone by the artist in order to share with others the truth he has reached.

But what is the truth?

I think that one of the saddest aspects of our time is the total destruction in people's awareness of all that goes with a conscious sense of the beautiful. Modern mass culture, aimed at the 'consumer', the civilisation of prosthetics, is crippling people's souls, setting up barriers between man and the crucial questions of his existence, his consciousness of himself as a spiritual being. But the artist cannot be deaf to the call of the truth, it alone defines his creative will, organises it, thus enabling him to pass on his faith to others. An artist who has no faith is like a painter who was born blind.

It is a mistake to talk about the artist 'looking for' his subject. In fact the subject grows within him like a fruit, and begins to demand expression. It is like childbirth… The poet has nothing to be proud of: he is not master of the situation, but a servant. Creative work is his only possible form of existence, and his every work is like a deed he has no power to annul.
"

revolution

Le film Duck, You Sucker (Giù la testa, AKA A Fistful of Dynamite AKA Once Upon a Time... the Revolution), de Sergio Leone, commence par cette citation de Mao (tirée d'un texte de 1927):

"[A] revolution is not a dinner party, or writing an essay, or painting a picture, or doing embroidery; it cannot be so refined, so leisurely and gentle, so temperate, kind, courteous, restrained and magnanimous. A revolution is an insurrection, an act of violence by which one class overthrows another."

5 décembre 2007

Humbug? Bah...

Éric McComber s'est récemment attardé à Noël sur son blog.

Il y dit entre autre: "Le moment clé de la soirée, même chez les croyants les plus fervents, n'a rien à voir avec la Christ-messe. Le clou du spectacle est la longue session d'adoration en demi-cercle autour des produits, rassemblés, décorés, emballés, miroitants, rutilants, disposés, étalés au pied de l'arbre moribond. Enfin, moment suprême, la fin du mystère, la révélation du secret, le déballage et ses promesses d'accession à la connaissance. On enseigne dès le berceau à nos petits amours à espérer la jouissance dans le déballage d'un produit."

C'est une vision lucide, mature, mordante, grinçante. On ne peut pas contester ces observations. Mais c'est comme dire à quelqu'un: "L'étoile que tu trouves si belle, que tu contemples pendant des heures, et bien elle s'est éteinte il y a 3,000 ans, tu es en train de te recueillir devant la lumière d'un astre qui n'existe plus…"

C'est vrai, mais c'est loin d'être toute la vérité (et une vérité partielle est souvent aussi trompeuse qu'un mensonge), et ça passe complètement à côté d'un aspect que j'appellerais "spirituel" (Ô le mauvais mot, Ô qu'il est vilain le môssieur!). Je maintiens qu'il est possible de tirer du bon de la pire des situations, et je refuse de me sentir coupable (rétroactivement ou présentement) pour tirer plaisir d'une Fête. J'arrive encore à retrouver un "esprit de Noël", année après année, et ça n'a rien à voir avec la consommation. C'est une ambiance, c'est l'Hiver, c'est la Mort Saisonnière et c'est la Vie et la Chaleur qui persistent malgré tout. (C'est mon Mortifer qui défait les laisses de tous les chiens attachés dehors, le 24 décembre.) C'est païen. La Fête Hivernale existe depuis des siècles, sous une forme ou une autre. (Je vous réfère à un texte appelé Le Père Noël Supplicié, de Claude Lévi-Strauss, pour un survol éclairant.)

J'ai des enfants, et à Noël, oui, je leur fais des cadeaux. Ce n'est pas conditionnel à leur comportement, ce n'est pas une récompense, et ce n'est pas le seul de temps de l'année où je leur manifeste mon amour, et je le manifeste de toutes sortes de façons, pas juste matériellement. On n'essaie pas de leur faire croire au Père Noël, on s'y attarde comme on le ferait avec une autre histoire (le Cavalier Sans Tête, Bugs Bunny, Tintin ou Lord of the Rings). Nous sommes athées, alors il n'y a pas de blabla et de Messe de Minuit. Nous faisons l'école à la maison, alors il n'y a pas de brainwashing externe. On ne dépense pas des fortunes, et autant que possible on essaie de faire en sorte que ce qu'ils reçoivent soit des "canalisateur d'imaginaire", et j'essaie de faire en sorte que la période soit propice aux jeux dans la neige, aux chocolats chauds, et aux lectures sous les couvertures. Chaleur. Avec ma famille, mon père, ma mère, ma sœur, et bien j'essaie de minimiser les névroses, je ne veux pas qu'ils se cassent la tête pour des cadeaux, et j'essaie d'éliminer la culpabilité (si on peut se voir, tant mieux, sinon, tant pis... j'ai moi aussi déjà eu l'impression qu'on me forçait à être joyeux, alors maintenant je ne veux forcer personne, et laisser les gens s'amuser comme ils le veulent, à commencer par mes propres enfants).

Fuck, la vie est tellement plate et pénible et angoissante, il n'y a tellement rien dans l'avenir, il y a tellement d'horreurs partout, en dedans comme en dehors, est-ce que c'est si méchant que de profiter d'une occasion pour avoir du fun? Rejeter complètement une fête juste parce qu'elle a été métamorphosée en quelque chose de répréhensible, c'est comme vouloir quitter son pays à cause de son passé historique horrifiant. C'est comme décliner l'amour de quelqu'un parce que sa famille est détestable. C'est comme se suicider parce que Dieu n'existe pas. C'est comme refuser de manger parce qu'ailleurs il y a la famine. Ça ne sert à rien. Autant faire ce que l'on peut avec ce que l'on a, me semble, en ne se racontant pas de mensonges et en étant conscient de ce que l'on fait, et pourquoi.

À tous ceux qui prétendent (ou accusent, ou insinuent, ou sous-entendent, ou laissent entendre) que de fêter c'est devenir un Collaborateur à l'Infamie, je lance donc une grosse boule de neige.
(Et puis en passant: The Christmas Carol a été écrit par Charles Dickens, non pas par Oscar Wilde, et si vous trouvez ça "mièvre", c'est parce que vous ne l'avez jamais lu, mais vous êtes contentés d'une des adaptations télévisuelles qu'ont a extirpée de l'histoire originale...)

4 décembre 2007

Vince Tinguely

Depuis quelques temps, je me retrouve souvent sur les différents blogs de Vince Tinguely, et j'aime beaucoup ce qu'il écrit. Que ce soit ses opinions politiques (http://mylifeasanabortion.blogspot.com/), ses créations (http://confessionsofawelfareartist.blogspot.com/) ou ses rubriques culturelles (http://funkymonkeyaintnojunkie.blogspot.com/), c'est politique et cultivé, engagé et sensible, complètement désillusionné mais néanmoins vif et tranchant.

Je vous recommande de commencer par ici: http://mylifeasanabortion.blogspot.com/2007/09/words-of-advice-to-old-farts-with-fall.html. Comme avec un poème, il s'agit ici non pas précisément de ce qui est dit, mais plutôt du sentiment qu'il y a derrière.

Extrait:

"Anyway, as a public service I think I should offer a list of things you can do to help save the environment and make the world a better place. I mean, everyone else is offering 100 platitudes, so I can offer a few (it’s my blog and I’ll pander if I want to).

1. Quit your job. Whatever it is, it’s wrecking the planet. Stop working now. Go on welfare, and become a drag on the economy. The economy is wrecking the planet, so the more people who go on the dole, the slower the economy will go, and that’ll be good for the health of the environment.
2. Don’t sell your SUV or trade it in for a hybrid. Instead, destroy your SUV by driving it into the nearest fast-food restaurant or strip mall. (Strip malls are especially fun because the walls between stores are so flimsy you can just drive on through all of them.) By using your SUV to wreck Corporate Amerikkka, you have helped to shrink their ‘carbon footprint’ (ie. closed fast food store = fewer cows being eaten = less land being devoted to cattle = less greenhouse gases in their feeding, slaughter and transport, never mind the methane they produce anyway) rather than letting them get away with anything as lame as ‘carbon trading’ as an excuse to continue producing carbon dioxide until some of our favourite seaside cities are under water.
3. Instead of taking a jet to get to where you want to go, try walking the same distance. Or, if that’s inconvenient, try doing the same thing you were going to do wherever it was you were planning on going without leaving town. Imagine how much less boring anytown would be if everybody would just stop leaving it. While you're at it, visualize ‘massive globalization’ without the use of jets or cars.
4. Cancel all space exploration. Stop firing shit into space. No more satellites no matter how much we want them. Fuck HBO and all the rest. Use all that money we save from the space industry to come up with an alternative to the oil industry.
5. Turn all the vast green lawns around people’s ostentatious monster homes in the suburbs into ‘enviro-victory gardens’. If anyone objects, tear down their house, plow it under, and use that land for gardening as well. Once all the lawns are used up, start tearing up all the freeways in order to convert the underlying real estate into more gardens. By planting lots of urban vegetable gardens, we can cut down on the amount of fuel that’s used in getting veggies to market. Why, when it is summer and Quebec is producing tonnes of delicious food, am I still finding shitty-tasting, bedraggled veggies grown in Mexico and California at the greengrocers?
6. Ban eighteen-wheelers – ship everything by rail. Or, if this is too draconian, just make shipping companies pay the actual cost of the use of highways, rather than letting the taxpayer pick up the tab on all the road repairs. In which case, hey, shipping by rail really is cheaper, after all!
7. Make motor scooters the only legal personal inter-city transportation.
8. Make driving infinitely boring. Lower the speed limit to 45, say, and install governors in the cars so no-one can speed. Meanwhile, build hi-speed rail lines. See who wins then.
9. Windmills, solar panels, conservation – good. Nukes – bad. The people who are telling us nuclear power is still a good idea, are the same people who sold a ‘peaceful’ Candu reactor to India, which India then used to build bombs. No nukes are good nukes.
10. Encourage endless Montreal construction to proliferate – it might just force some drivers to leave the car at home.
"

Et ceci: http://mylifeasanabortion.blogspot.com/2007/07/unfinished-revolutions-it-isnt-so-much.html.

Extrait:

"Given the intensely programmatic nature of our current reality, where everywhere there’s some leader leading us somewhere – whether or not we want to go there – I propose a sort of anti-revolution, wherein, in order to be part of the movement, one must willfully stop doing stuff. We’re wrecking the planet with all our frantic activity, so let’s stop. Let’s stop war, but let’s also stop everything else. Stop oil exploration. Stop all mining of new resources – the only mining allowed would be the mining of dumpsites and other such unrecycled sources. Stop working – stop any work that isn’t directly involved with growing food to keep us alive. And stop all such food production that is based on profit, rather than on subsistence. Stop every industry – stop building cars, stop building houses, stop building anything. Put the whole of society into stasis, into a kind of a holding pattern. If people want to keep busy, they can fucking well figure out how to busy themselves. Keep old houses and buildings up to snuff. Clean up your local canal, creek or lake. Grow organic food instead of soaking your yard with chemical pesticides. Rather than being a tourist, go walk around your own neighbourhood for a change. No more films being filmed or books being published? Start a storytelling circle, or just lie in an open field watching the clouds and daydreaming. But just stop. Stop. And maybe if we all stop long enough, we just might be able to see the future opening up again, for all of us."

N'est-ce pas que c'est rafraîchissant de lire les propos de quelqu'un qui va plus loin que la dénonciation, qui fait l'effort d'imaginer des alternatives?

3 décembre 2007

Germe

J'ai eu l'idée de ce blog, un endroit où déposer n'importe quoi, de façon irréfléchie, vendredi soir en donnant le bain à mon fils. Le samedi je l'ai créé. Peut-être à peu près en même temps que Patrick Brisebois a supprimé le sien.

Résolution

Si j'avais le guts, ou si je n'avais pas de conscience, en 2008 je m'ouvrirais la gorge pour enfin pouvoir chanter. Parce que je n'ai plus de raisons de vivre, seulement des raisons de ne pas mourir.

"I knew this girl when I was young
She took her spikes from everyone
One night she swallowed up the lake
That's how you sing amazing grace
Amazing grace
Amazing grace
It sounds like razors in my ears
That bell's been ringing now for years
Someday I'll give it all away
That's how you sing amazing grace
Oh, can you hear that sweet sweet sound
Yeah, I was lost but now I'm found
Sometimes there's nothing left to save
That's how you sing amazing grace
Amazing grace
That's how you sing amazing grace"

--- (That's How You Sing) Amazing Grace de Low, sur l'album Trust (2002)

Sylvain

"Elle n'était que bonté; je suis son ange déchu. La noirceur m'emporte et je ne m'y oppose pas. C'est la seule pente que j'ai trouvée. À chaque degré de ma chute, un livre m'échappe et je le signe de mon nom usuel, mais seule ma grand-mère connaissait mon nom secret."

Ces mots de Sylvain Trudel ont été lus par Brigitte Bouchard (son éditrice aux Allusifs), lors de la remise du prix de la Gouverneure Générale, la semaine dernière.

J'ai eu envie de pleurer, en lisant ces mots. Pour ce que ça montre de Sylvain, oui, mais aussi par ce que ça a fait remonter en moi, à propos de ma grand-mère Stella, morte en 2000, avec qui j'ai toujours eu une relation privilégiée. Au début des années '80, elle et mon oncle ont vécus avec moi et mes parents après qu'elle ait subit une sérieuse opération au cerveau.

Le matin, c'était le silence dans la maison, je sortais de mon lit et je descendais au sous-sol, là où elle était installée, et le plus silencieusement possible je m'approchais pour voir si elle était encore endormie. Souvent elle se tournait vers moi et me souriait, réveillée mais encore couchée, et elle m'invitait à aller sous les couvertures avec elle. On jasait, et éventuellement on montait pour déjeuner ensemble.

Je n'avais pas de nom secret, mais entre elle et moi les regards étaient purs et les paroles étaient directes. Elle était pieuse et douce, moi timide et effacé, tout était paisible quand nous étions seuls, et quand le cercueil s'est refermé sur elle j'ai pleuré. C'est la dernière fois que j'ai pleuré.



(Merci à L. de m'avoir dirigé vers cet article: http://www.cyberpresse.ca/article/20071128/CPARTS02/711280746/1017/CPARTS.)
http://morneglebe.blogspot.com/

J'attends la suite.

1 décembre 2007

Ok ok... [Défoulage]

... we get it! Les blogs c'est d'la marde, l'Internet c'est l'anti-christ, l'ordinateur n'est pas notre ami, il faut en avoir peur et pas juste un petit peu. WE GET IT.

Vous n'aimez pas ça avoir un blog? Supprimez-le et arrêtez de perdre votre (et notre) temps. Le contenu des blogs vous irrite ou vous décourage? Arrêtez de les lire, bordel! Me semble que c'est simple, bâtard! Et puis arrêtez de nous dire que vous êtes "accroc" ou "addict". Ça ne passe plus. Either get in or get out.

Et puis arrêtez de camoufler votre mépris, je vous en prie. Soyez assez brave pour nous cracher dans la face autrement que par un périscope.

Comme l'a dit l'autre zouïf: "'Stie qu'j'sus con de perdre mon temps à te dire que t'es con..."

Non?

Est-ce qu'on peut passer à autre chose maintenant? Prêcher par l'exemple, genre, pour s'élever un peu, style?
Tant qu'à être dans le décor autant faire partie du décor non? Un type dans les buissons, ça inspire pas confiance.