1 novembre 1993

Je m'ennuie.
Je décide qu'il est temps de me noircir.
L'ivresse d'un ancêtre tente de me retenir,
essaie de me poignarder de culpabilité.

Je résiste, et sors.

Enfin, je suis libre de pensée,
enfin, la nuit m'offre une appartenance.

Je ne suis bien que seul, ou ailleurs.
Car je suis le rêveur rêvant,
car je suis condamné.

La seule statue que l'on érigera en mon honneur,
c'est celle que tous on en commun.

Je la veux ainsi:

25 octobre 1993

Carte de fête à un Ami

H.  Le prétexte, c'est bien sûr ta fête, mais j'aurais pu te dire ça n'importe quand.  N'importe quand… mais finalement peut-être jamais, puisque je parle de moins en moins.  J'veux pas être déprimant

(ça va avec moi de toute façon, le déprimant)

mais de la façon dont je me sens, ça me surprendrait pas que ça soit la dernière fête que je passe avec toi.

(Ta gueule Simon)

En tout cas, j'voulais te donner quelque chose que tu aimerais, mais qui serait propre à notre lien, à la nature de notre lien.

Tu m'avais dit une fois que tu aimais mieux te faire lire une histoire que de la lire.  C'est mon cadeau.  Ce livre, je te le donne, mais l'important du cadeau, je te l'ai pas encore donné.  C'est le "racontage".  J'espère que ça te fait plaisir, parce que, comme tu m'as dis dans ta carte de fête, t'es un chic type.  Et d'autant plus parce que tu m'endure, m'écoute sans t'endormir (ça doit être dur) et que tu continues à rechercher ma présence.  Merci… je m'excuse.

                                                               Simon

1 octobre 1993

Quand chaque jours viennent s'ajouter
au poids qui pèse sur vos épaules;

Quand, dans un brouillard flou,
chaque visage semble vous dévisager de sa laideur;

Quand vous pouvez sentir,
mais non voir;

Ou bien tout simplement quand vous ne sentez plus du tout,
quand tout est loin.

Quand le fil de votre vie est coupé
par un gouffre séparant réalité et souvenirs;
vie et non-vie;
lumière et noirceur;
plaine et béton;
espace et sang;
étoile et rêve (rêve vécu et rêve qui fait vivre);

Quand le futur s'impose à votre conscience,
mais que seul le présent est réel (seule la mort);

Quand vous ne voulez personne,
sauf les habitants fantomatiques du passé;

Quand personne ne vous veut,
sauf les rêveurs de demain (ceux qui survivront);

Quand ce que vous savez, ce que vous réalisez,
ne vous laisse qu'une issue… la plus ancienne des issues;

Quand votre support n'entre que dans l'irréalité,
dans la contemplation,
dans le rêve,
et dans l'émerveillement (aussi rare soit-il);

Quand ces abstractions intouchables
sont (seront) devenues vos réalités,
alors,
vous êtes (serez) comme moi.
"Écris n'importe quoi," elle dit.

J'écris.

Fatigué, je lui demande "Est-ce que je peux respirer?"

"Non," en riant.

* * *

Elle est partie.
Moi aussi.
"Vos gueules!".  Comme il est téméraire ce petit diable!
J'aimerais bien avoir la paix.  C'est simple, mais tant pis.
Après tout, ne dit-on pas que le cœur est dans la simplicité?
Je ne sais plus.  C'est bien ça le problème.  La faille.  Le trou.
Oui… le trou.
Je n'y pense pas souvent, mais je devrais.
Pas m'y accrocher, mais comprendre.
Je devrais…
Je devrais…
"Je devrais" beaucoup de choses.
J'ai de vilaines

(ah ah ah, tu as, oui tu as de bien vilaines, tu tu as de bien vilaines vilaines vilaines pensées.  Vilaines, oui tu as, oh oui.  Vilaiaiaiaiaines!  Oooh ouuuui!  Vilaines vilaines, vilaines, vilAINES!)

intentions.

13 juillet 1993

Les cavernes sont vides…
Le ciel, tout est loin.
La découverte de couteau nous effraie,
mais, pendant un court moment,
elle nous fait espérer.

Ce fourneau ne s'éteindra jamais.

Le vide ne sera jamais plein.
Il ne sera que distrait.
Ou, pour certains, oublié.

On le remplie,
ou il nous engouffre.

Et ce trou nous…
Non, me suit…
J'ai beau voler, il est toujours sous moi.
Prêt.  Maigre.  Douloureux.  Assoiffé.  Dangereux.  Final.

N'est[-ce] pas assez d'être aux aguets?
Doit-on en plus être fort?
On doit remplir?
Je n'en ai plus
(n'ai jamais eu)
la force.

Je suis triste.  Je suis mort.  Je me meurs.  J'agonise.  J'ai mal.  J'ai besoin.  On m'ignore.  Je ne veux pas donner d'explications.  Je veux seulement pleurer.  Avec quelqu'un.  Mais on ne peut tirer de moi.  Je suis vide.  Je suis le fourneau.  Vaste.  Les étrangers prennent des allures de fétiches.  Les familliers aussi.  Significations différentes.  Même destin.  On m'observe pour ma familiarité, non pour ma particularité.

Je m'ennuie.  Je m'endors.
Je m'ennuie.  Ça me manque.
Je suis vide.
Pas de personnalité.
Y'a rien qui me rejoint.
Ça fait seulement me réconforter, me distraire, me changer les idées.

L'école, ça fait juste couvrir le vide.  Couvre le trou.
Je peux pas passer ma vie avec le trou seulement couvert.
Je dois le remplir.  Ou tomber dedans.

J'aimerais danser sous les étoiles, l'esprit ailleurs.

Je voudrais être convoqué.

Avec l'ennui vient le sentiment de "déjà vu".
La familiarité.

Quand on perd l'esprit un peu, on ne veut plus le faire.
Mais plus tard, on veut.  Même si on sait.
Dans la nuit sereine et magique,
Nous courons, nous, les invités de la lune.
Les arbres nous accueillent, dans notre stupeur.
Les étoiles nous supportent,
Et la solidité nous reçoit.
J'aimerais t'aimer,
Mais tu m'es inconnue.
L'étoile est plus facile à aimer.
Mais toi, tu es près de moi.
Tu peux être approchée.
Tu pourrais…
Je n'en suis pas CAPABLE.
PAS CAPABLE.

Je cours.
Nous ne courons plus, car on tente de me retenir.
Sans succès, heureusement.

Je suis malade de saleté.
Je me laisse aller aux allers rapides d'un cheval.
Un cheval moderne.
Je suis ivre.
Ivre.
Ivre.
Ivre.
IVRE!

UN JOUR, J'AIMERAIS BIEN ÊTRE L'INVITÉ DU SOLEIL.
J'AIMERAIS BIEN…

1 juillet 1993

Le Bloc

Hier, j'ai vu le bloc de pierre
qui est poussé depuis longtemps
et qui n'est jamais au même endroit.
C'est le seul à ne pas s'ennuyer.

Lâchant le bloc pour quelques moments,
trêve nécessaire mais douloureuse par ses contrastes,
j'ai tenté de m'élever.
Comme je faisais souvent avant.

Avec les nouveaux habitants de ce terrain vert,
j'ai poussé jusqu'à la branche.

Les chaînes étaient sèches,
et le ciel blanc.

Et entre deux feuilles,
j'ai entrevu la densité
de cette autre condition.

Cette condition où des invités remplissaient,
et rendaient le bloc moins lisse.

Maintenant, la trêve est finie,
et je reviens à ce qui me remplit et
me pousse sur la pierre.

Le jour, je monte sur ce bloc
pour mieux voir autour,
et le soir,
je tâte et touche et scrute
cette pierre en bloc,
pour me convaincre qu'elle n'est pas complètement
pas complètement lisse.

Je n'y sens pas souvent de bosses.

Je me suis coincé la cheville.

Je sens ma tête et mon corps
tourner vers l'avant au même rythme qu'un pupitre.

Mon estomac s'émoustille de brefs sursauts.

Ma vision se décompose en images pointillées,
et ça je n'aime pas en parler.

Ces petits pics me grattent la poitrine,
et m'enlève l'envie de ne rien faire contre ça.

Une masse d'eau me frappe le visage,
me coupant le souffle,
par choc et par surplus,
et seule la continuité d'un vivant devenu habitude
m'empêche de m'asperger la noirceur que j'ai sur le visage.

Alors je me retourne m'envoyer dans
une tiédeur envahissante et traditionnelle.

Une branche d'arbre contre un ciel particulier,
ramenant des bouts de passé, de pensées,
rendant impossibles les interactions communes.

De l'humidité sur une voie,
est beaucoup plus captivante
que des jeux inventés nouveaux obligatoires rapetissants.

Une comparaison sucrée
me rattache à ce qui est dur et durable,
m'enlevant l'envie et le moyen
de m'étendre ainsi sur du vert sans vers.

1 juin 1993

Pas Dodo 2

Au moment d'une aptitude accumulée,
l'incessant demande de recommencer,

Avant de s'endormir, des images.

Une voiture qui passe sur une route idolée, le soir,
les phares allumés.  Par une fenêtre, à la gauche.

Sur le noir de l'intérieur de ses yeux, des taches
rouges et des armes rudimentaires de pierre qui
sans bouger sont pointées sur son dedans de
tête.

Ces taches rouges… comme cette fois où les nuages
avaient l'air d'une flèche de Monopoly.

Et toujours dans le coin  bas-droit de son œil
cette tache de plus clair que noir, qui le nargue
de sa présence.

"Moi je reste et toi tu ne subsistes pas."

Cette fenêtre!  Pourquoi elle pousse et tire,
m'agite du bout des membres de ces blancs-formes
hurlant et grinçant.
La bouche très ouverte.

La défiance par le secret me semble beaucoup
moins infantile qu'une hypocrite proclamation
d'auto-dépendance.


"Viens que je te vois et te mange…
tu vas voir comme je fais ça
vite.  Ça sera pas long."

1 mai 1993

Pas Dodo 1

Le sable me coule
entre dans mes oreilles.

Des agissements de mes ongles
raniment des creux
enfoncent
éloignent le sommeil.

Je ne bouge pas mais
je ne bouge pas et
rien ne bouge et
tout se fixe
sans qu'il n'y ait rien pour changer.

Non, il faut vite regarder ailleur
et tenter de brasser ces dunes
aiguës et sans motifs.

Ces proies faciles qui me montrent
comment raciner ces parties sans liens.

Je décide de marcher sans agripper de
pensées de mouvements de tenues de conditions.

Regarder dans cette flaque
et se forcer à ne pas être rapide.

Rues surplombées d'arbres surplombées de lumières
et vides.

Assis je rencontre le nouveau et
je me sens coupable
ou du moins malaisé
de prendre ça
sans que l'on sache que je l'ai
et que je le suis sur ce qu'ils
n'ont pas profités,
n'ont pas mordus.

Non, je suis mieux de partir.
Ces remplissages remplis de replis
ne font qu'aider le filage à s'installer
dans ses parméables englueuses.

Douleur de pâtes — suis encore là-las? — particulières.

Comme l'observation emmène la perplexité!
Comme on l'a souvent répété…

J'arrive à talonner les arrivés et venues
de ces oubliettes sans voix.
Ces languines tirent sur les câbles et
n'arrêtent de lancer leurs fixables pirouettes.

Non.
Mes yeux ne voient que pas que plein de
ces choses.

Décidément, cette bouche ne dit que des
arpenteries traîtres et entraînantes.

1 mars 1993

1993 -- Bribes variées

                J'viens d'avoir un flash, une illumination sur ma vie.  Ma vie, ça n'a été qu'une longue existence remplie de conclusions (par conclusions, je veux dire des aboutissements de pensées) qui eux emmenaient des résignations face à la vie.
                J'arriverai à rien.  Là, j'en suis sûr.  À moins d'un gros facteur extérieur… mais y'en a presque jamais, de ça… Non, j'arriverai à rien, parce que je ne suis rien…  Je me lamente, je me fais des pensées qui expliquent mon triste sort (sniff, sniff), mais j'peux pas aboutir.  J'ai pas assez de qualités requises dans ce monde.  J'ai pas assez de qualités point.  Ça vaut même plus la peine de continuer.  Là, j'en suis sûr.  C'est plus qu'une question de temps parce que… j'arriverai pas à vivre ici…  Imaginez vous… Simon, à 35 ans.
                Dans une vie, tout a son impact.  Tout.  Et moi, je suis sensible à ces choses là.  Et ça m'a beaucoup "modelé".  Et je ne suis pas modelé pour passer l'âge de… 22 ans?  J'pourrai pas vivre en "adulte responsable".  Déjà, à 17 ans, la corde de ma nature est très tendue…  J'aurais dû mourir à 13 ans.
                Je n'aurais jamais dû naître.

* * *

                J'suis anti-social, trop rêveur, irresponsable, égoïste, exigeant de la vie, et trop désintéressé "for my own good".  De plus, tout ce que j'fais c'est amener des soucis à mes proches.  J'embête.

* * *

                Pour supporter la thèse qui dit que je deviens fou, je me rends compte que j'emmerde même H.  Je lui dis toujours des choses qui reviennent au même.  Lui, il va relativement bien et il veut partager ça avec moi, et je suis intéressé, mais mes changements font que j'agis de façon qu'on dirait que je m'en fouts.  J't'écoeuré.  Pour la première fois depuis que j'envisage le suicide, j'ai des flashs où je sais que je dois le faire.  J'y vois du bon, je réalise tout ce que [ça] implique et je l'accepte.  Ça fait peur.  Je sais que je vais le faire, ce n'est qu'une question de temps.

                À un moment dans ma vie, j'ai manqué une affaire qui faut à une personne pour vivre.  Je subsiste juste sur de l'amitié et mes propres réserves d'imaginaires.  Je voudrais être dans [la] lune pour l'éternité.
                J'veux pas vivre.  Je continue, mais je vie hypocritement parce que je prends la place d'un autre.  Ça m'arrive de voir l'étendue de ma tristesse.  Ça me remplit tellement dans ces moments, et j'ai tellement besoin de l'exprimer, que je tremble.  (Le seul moyen serait de crier.  Je l'ai jamais fait.  Je voudrais être seul au monde pour le faire.)
                Pour le moment, et jusqu'au moment où il y aura un changement, je ne veux plus écrire.  Plus jamais si je le peux.  Je fini de transcrire mes choses puis vlan.  C'est trop… exécrable.  Ce n'est que de la remodulation de l'existant.  C'est pas de la création ça.  Et encore moins de l'art.
                J'veux cesser d'exister.  Pourquoi j'le fais pas alors?  Parce que j'ai pas le courage.  J'ai juste à attendre d'être assez dérangé pour avoir le cran de le faire.  D'ici là, à la prochaine.  Après cela, bon débarras (pour vous).

20 janvier 1993

Je marche,
Dans les rues sépulcrales (?)
dans les couloirs de la formation…
Et je sens que j'y suis rejeté,
autant que je les rejette.

Je les observe,
ces gens.
Ces personnes qui,
par une évolution qui m'est inconnue,
Ont réussis à vivre.
Je les observe.
Quelques fois, tous me semblent beau.
Indifférent.
Mais souvent,
ils me semblent si horribles.
Si autres.
Si différents.

Et quand je me résignerai,
de quoi sera fait mon héritage?
Y aura-t-il héritage?
De phrases, de papier, de confusion…
de folie.
Un héritage vaut une existence.

Ces endroits qui me sont si attirants…
le soir venu,
avec ses lumières menteuses,
et ses quêtes pour sortir de l'ennui,
je les oublie.
Je n'ai plus la force d'y aller.
On me la suce, cette force.

C'est moi qui devrais sucer.
C'est moi qui devrais tuer.
C'est moi qui devrais rejeter.
C'est moi…
C'est moi qui devrais envoyer chier.
C'est moi…
C'est moi qui devrais vivre.

Je ne suis pas d'ailleurs
(sinon j'y serais).
Je ne suis pas.

8 janvier 1993

Présentement, je me sens devenir fou.  Je me sens super mal.  Je tremble.  Je me sens faible comme quand on a pas mangé depuis longtemps, mais c'est pas ça parce que j'viens d'manger.  Pis de toute façon, j'le sens que c'est pas physique.  Espérant que ça passe.

* * *

                Développement: Au cour de la soirée, le côté physique de la chose s'est dissipé.  Je ne tremble presque plus, je n'ai plus mal au cœur.  Je ne me sens plus faible.  Par contre, c'est le chaos mentalement.  Ma tête ne va pas dans ce monde.  Tout ce distorsionne (sons, pensées, sensations).  Je me sens devenir fou… (?)