22 novembre 2005

Saccade finale

Mon esprit s'est presque complètement délogé de mon corps. Engourdissement. Perte pentagonale des sens. Déception généralisée. Plaisirs localisés et encabanés. Passions devenus habitudes. Finitude du temps, de l'espace, de l'âme, de l'énergie, du destin. Un pas en arrière de moi-même. Émotions que je crées de toutes pièces pour palier à mon insensibilité. Épuisement profond qui s'enracine.


Travailleur, adulte, employé, citoyen, contribuable, ouvrier, prestataire, salarié, tous des synonymes d'esclave.


Je n'arrêterai jamais de le penser, de l'écrire, de le dire. Tout mon être me hurle que c'est une abomination. N'est-ce pas clément de ma part que de transformer ce hurlement en un banal petit soliloque que seule une poignée recevra?Peu importe. C'est la dernière fois. J'en ai assez de commenter ma réalité immédiate, directement ou par l'allégorie. Je n'ai pas (plus?) envie d'être un "fou divertissant".


Tout mon être m'ordonne d'écrire des histoires; ce n'est pas qu'une lubie. À partir d'aujourd'hui, je choisis volontairement de taire mes doutes, ainsi que la problématique complexe de la valeur objective de ma création, pour atteindre la seule réussite que je connaisse, la seule qui ne se démente pas: terminer une histoire, l'ajouter à mon arsenal, et puis la polir au fil des années.


Je cherchais à partager mon écriture; au lieu de ça j'ai compris que je suis condamné à ne pas pouvoir le faire. Pourquoi? Qu'est-ce que je ne fais pas correctement? Est-ce que je travestie le rôle premier (ou le dernier usage) de l'écriture? Est-ce que mes attentes sont irréalistes? Est-ce que le fait de privilégier l'idée (et la clarté d'expression) plutôt que le style, me confine à un ghetto artisanal? Est-ce que mes préoccupations sont dépassées ou difformes? Suis-je trop étrange ou tout simplement ennuyeux? Suis-je "trop proche" de ce que j'écris? Est-ce qu'une lacune primordiale mine mon Intellect? Ou est-ce tout simplement que l'Écriture est un art mort qui n'intéresse plus que ceux qui écrivent?


Je ne sais pas. Je ne le saurai jamais puisque personne ne veut (ou ne peut) se prononcer là-dessus, et que moi je n'y vois pas très clair non plus. Je suis un solitaire. Je vivrai donc avec une écriture solitaire. C'est une réalisation qui n'est pas négligeable, que je ne ressens plus comme une résignation, et pour ça je ne peux pas décrier toute l'entreprise. Je n'attaque pas non plus vos entreprises, Amis et Amies. Je dois tout simplement éliminer les distractions pour focaliser mes énergies sur ce qui compte le plus pour moi: ma famille et mon écriture. Tout ce qui ne vient pas directement y contribuer est de trop.


Et puis --- c'est peut-être la seule bonne chose à ressortir de mon épuisement --- je comprends enfin que c'est faux de dire que le travail est fatiguant, et la détente reposante. Personnellement, à ce stade-ci de ma vie, tout me fatigue. Alors tant qu'à être fatigué, autant faire en sorte que je sois content de moi à posteriori.


Pour résumer tout ça, et vous donner une bonne idée de l'énergie dont j'arrive parfois à m'investir moi-même (écho constructif de ces "sentiments créés de toutes pièces"), je vous laisse sur une redite d'une citation d'Alan Moore, que j'avais précédemment mise dans la bouche d'un "Grand Mage" dans une de mes allégories:


"The way that school seemed to me was that there was an overt curriculum --- reading, writing and arithmetic --- and a covert curriculum, which was more or less punctuality, obedience and the acceptance of monotony… In a lot of cases it seemed that school was like aversion therapy. It wasn’t there to teach you knowledge, it was there to put you off learning. You’d associate learning or reading with work and you’d associate work with drudgery. This is why most people are happy to just sit down in front of the television at night. “I’m not actually doing any work, therefore I must be having a perfect time.”"


* * *


Mes amitiés,


Simon G.



9 commentaires


La Fée Blackstick a dit...
On peut choisir de vivre, ou de mourir; ou d'être entre les deux, dans les limbes d'une écriture qui n'ira probablement nulle part ailleurs que dans nos archives personnelles. Mais il y a les restes; tous ces restes abandonnés le long des boueux chemins scriptuaires; ces millions de lettres éparpillées au vent, qui n'attendent que leur accouplement, pour assouvir enfin le Roman Ultime, celui-là seul qui survivra à son Auteur, celui-là même qui se fera concevoir des lumières de son Obscurité. Merci cher Simon, pour toutes ces histoires que nous avons tout d'abord lues dans la blancheur de ces lumières, puis dans l'Obscurité bleutée du Noir Corbeau.
22 novembre, 2005 22:06

Simon a dit…
Merci, Fée Noire, vos mots sont sucrés comme de la réglisse.J'ai presque envie d'écrire un deuxième dernier message, juste pour avoir un autre aussi beau commentaire...À la revoyure.
23 novembre, 2005 21:33


La Fée Blackstick a dit...
Pas besoin; avec ce que je viens de lire; mais si vous y tenez, très cher cher Xavier...;-)
23 novembre, 2005 23:25

Patrick Brisebois a dit…
Au fond, c'est toi qu'on devrait surnommer "Kafka' des blogues... ;-)Bonne écriture.(moi aussi je mets de côté le style au profit de la clarté, de l'histoire... on verra bien ce que ça donnera..)à+***Bonjour dame Blaquestique!
24 novembre, 2005 13:31

Simon a dit…
Merci Patrick. À la prochaine.
24 novembre, 2005 20:18


sebastien chabot a dit...
Superbe note qui porte des doutes honnêtes et une volonté ferme de faire quelque chose de «durable» pour soi. Je signe à tout ce que tu dis; tes doutes sont si sincères qu'ils portent, en quelque sorte, le quotidien de biens des gens qui veulent écrire, et qui arrivent, un jour ou l'autre. Ce continent scriptuaire, pour reprendre un peu la fée (que je salue, il va s'en dire), n'est peut-être pas aussi loin que tu le penses. À bientôt, donc. Salut Pat, omniprésent, tel un Dieu sur cette blogosphère! ;)
01 décembre, 2005 02:56

Simon a dit…
Merci de ton passage et ton intérêt, Sébastien. Je garderai tes mots en tête.
01 décembre, 2005 11:51


Marie-Chantal a dit…
Quel texte, Simon, tu as vraiment du génie; tu dis vraiment la condition de l'esclave contemporain. Je te lis avec bonheur.
03 décembre, 2005 06:47

Simon a dit…
Merci, Marie-Chantal. À la prochaine.
07 décembre, 2005 05:43


robin a dit...
Un petit bonjour, Simon.Et une distante compassion.Je te souhaite la paix.
20 décembre, 2005 16:54

Simon a dit…
Quoi souhaiter de plus significatif? Le bon monde existe, et tu me le prouves un peu aujourd'hui.La compassion, aussi distante soit-elle, est un miracle que tous les dieux inventés du monde, dans tous les torchons sacrés du monde, ne pourront jamais expliquer.Et c'est dans un monde sans explication --- religieuse autant que scientifique --- que mon Amour des autres peut germer et se développer.Encore une fois, je me perds dans mon propre labyrinthe.-------------------------------------Traduction: Merci Robin.
20 décembre, 2005 20:29


Vidoc a dit...
Mes amitiées aussi cher SimonPasses un joyeux temps des fêtes, mais attention, reviens en bonne et dûe forme.
23 décembre, 2005 17:09


La Fée Blackstick a dit...
Pendant le congé tant espéré du Conteur, peut-être lui serait-il possible de mettre quelques extraits de ses si belles histoires, ici, sur ce blogue qui s'ennuie de ses mots. Joyeuses Fêtes...
24 décembre, 2005 07:41

14 août 2005

DÉCONFITURE

Je sens pondre
la pointe de ma révolte;
mon seul obstacle:
l'incohérence de ma colère.

Encore
et toujours
je reçois ma fatigue
comme un affront personnel,
mais suis tout de même suis assez naïf
pour croire qu'un jour je serai reposé.

La moindre petite éclisse
--- si elle s'enfonce dans une chimère
gonflée avec le moindrement d'amplitude ---
peut causer des dégâts irréparables.

PAFFffff!
Par terre
les restes caoutchouteux
d'un ballon crevé,
ses parois internes dégoulinantes
d'une condensation salivaire.

Quand on s'est rendu aussi loin que moi
dans la complexe élaboration de Rêves,
on ne devrait plus être assez pitoyable
pour continuer à espérer
quoi que ce soit de la Réalité.

posté par Simon à 11:34 PM

9 commentaires

Un utilisateur anonyme a dit…
Je viens de voir un film sur Peter Pan et je pensais à toi. T'as un imaginaire qui va très loin et j'aimerais qu'on en parle un de ces jours.
à+
Pat B
16 août, 2005 02:38

Simon a dit…
Avec plaisir.
16 août, 2005 05:57

Doc a dit...
...sinon de nous permettre de nous laisser rêver tranquille encore un peu.
18 août, 2005 06:40

Simon a dit…
Bonjour, Doc.Oui, ça serait une bonne fin. Je dirais même que c'est presque un sous-entendu silencieux.
18 août, 2005 11:35

Un utilisateur anonyme a dit…
non-non, t'as raison, faut la laisser flotter cette fin, qu'on entend sans qu'elle soit dite. je pensais à voix haute, c'est tout.
18 août, 2005 12:35

doc a dit...
oups! oublié de signer mon message précédent...
18 août, 2005 12:35

Mo a dit...
La deuxième strophe me plaît beaucoup.
18 août, 2005 12:38

Simon a dit…
Merci, Monik.Et Doc, je savais que c'était toi. (Sourire)
18 août, 2005 20:11

Un utilisateur anonyme a dit…
Bien reçu et apprécié ton dernier courriel, Simon. Je te réponds sous peu; il y a matière à réflexion.Bonne journée.Pat B
19 août, 2005 07:47

12 août 2005

Esquisse Estivale #2 [dans un autobus le 8 août]

Un mois plus tard, me revoilà fermement chaussé de mes souliers de travailleur. Les circonstances font qu'une fois de plus j'ai le temps, la poussée psychique, de Décrire ce que je Vois. Je choisis une fois de plus de le faire sous l'optique de l'Été.

Dans le fleuve, les algues abondent, profitant de la chaleur pour étendre leur Domination sur les basses profondeurs de ce grand cours d'eau. Sur terre, le Maïs est roi, il explose en épis, et ces épis --- qu'ils soient destinés aux Bêtes Bovines ou aux Bêtes Humaines --- ne pourraient pas avoir meilleur goût. (J'en mange sans me lasser, y trouvant l'essence même de la saison, mais étant simultanément amené à penser à l'automne, où les épis deviendront décoratifs.)

L'Été, au mois d'août, ça commence à ressembler à ce que ça serait si c'était notre unique saison.

Les Innocents --- Bénis par leur Handicap --- y voient l'Éternel et Inchangeable moment présent, le feront encore demain, et dans un mois, encore et encore, jusqu'à ce qu'ils perdent l'innocence et ne pensent plus qu'au Futur. Si j'étais définitivement libéré de cette nécessité de Travailler, je pourrais retrouver une partie de cette innocence, être capable de voir un Tout dans le Ratio, regarder la colline pour ce qu'elle est et non pour ce qu'il y a derrière.

Les soirées estivales me le soufflent à l'oreille… me le laissent deviner… me laissent croire à ce qui pourrait être, alors que jadis mon cerveau étouffait dans toutes ces choses qui pourraient être.

Le jaune du soleil qui se couche: une constante qui dans l'histoire personnelle de n'importe quel individu se rattache presque exclusivement qu'à des bons souvenirs. (Même si je repense à ce Jour Funeste où je me suis écroulé, en 1994, il y avait eu avant la Chute un merveilleux moment sur le Pain de Sucre du Mont St-Hilaire, mangeant des noix d'acajou et regardant le soleil --- et ma jeunesse --- se coucher.)

Pour plusieurs, c'est l'heure de la relaxation dans le jardin et les plates bandes, extirpant les mauvaises herbes, arrosant les diverses plantes, et zieutant la progression des légumes dans le potager. C'est l'heure des parties de baseball pour ces adultes costumés qui se prennent bien au sérieux. (Je pense qu'il n'y aurait eu que Jack pour me faire aimer ce jeu.) D'autres tondent leur pelouse, ayant préféré remettre cette corvée au lundi soir plutôt que d'y sacrifier une portion de leur fin de semaine. (Et je peux concevoir un certain plaisir à le faire tranquillement, paisiblement, réchauffé par cette belle lumière jaune de fin de soirée.)

D'autres pauvres connards comme moi viennent juste de sortir du travail, ont manqué le trois quart du seul 8 août 2005 qu'ils vivront, et n'en retiendront béatement que ce BEAU / SOLEIL / JAUNE.

Rêver de monter dans un arbre et --- seul --- d'y rêver; de manger une crème glacée dans un lieu qui n'est pas le nôtre (au coin de la rue ou chez un ami); de jouer une partie de badminton avec ma sœur, jouissant de ma sobriété au lieu de chercher à m'en débarrasser; jouer au parc (enfance) ou y fumer un joint (adolescence) ou y jouer avec mes enfants (âge adulte); faire un feu, et m'abandonner aux braises primordiales; déclencher mon imaginaire dans cette lumière, soit en lisant, soit en me tapant une partie de jeu de rôles ou vidéo, soit en allant finir la soirée au ciné-parc (ce que je n'ai pas fait depuis presque deux décennies). Rêver, rêver, il n'y a que ça, je ne veux que ça, seul ou avec des Êtres Aimés.

Le personnel prend le dessus sur l'observation. La rêverie, l'introspection mélancolique, c'est ça, aussi, le mois d'août.

Des centaines de maison qui défilent devant mes yeux, et je ne vois presque personne profiter de leur terrain. Sont-ils tous connectés à l'intraveineuse de leurs écrans? Je ne vois que des Jardineux, mais eux aussi manquent la Descente de l'Astre. Ils s'affairent, sérieux, sérieux toujours, trop sérieux. Quelques losers qui gossent après leur bateau. Un camp de vacances, une trentaine de fillettes qui s'amusent. Ça me remonte le moral de savoir que certains en profitent. On les oblige à en profiter! Des animateurs sont là pour surveiller, et s'assurer qu'elles ne pourront pas s'ennuyer deux secondes, même si elles en ont envie.

Le Doré est de plus en plus intense, le Soleil voyant ses carats prendre de la valeur à chaque instant qui passe.

Où sont les camions de crème glacée?

4 août 2005

Cri (Soupir) d'un Cœur Désordonné

Ils ont perdus l'équation du plaisir au profit de la multiplication des besoins. Ils ne voient pas que la descente est déjà amorcée. Ils s'imaginent que ça va durer encore longtemps, que les Futurs d'Antan sont garants des Futurs à venir. Et Ils pensent que --- parce qu'Ils veulent notre bien --- nous sommes automatiquement avec Eux, d'accord avec ce qu'Ils font, partageant les mêmes objectifs. Nous leur obéissons, non par docilité mais parce que nous n'en avons pas vraiment le choix. Nous jouons le jeu, parce que nous n'avons pas encore trouvé le moyen de tricher, parce que "Serpent & Échelles" ça ne pardonne pas. Ils s’imaginent que parce qu’on se prostitue on aime nécessairement se faire fourrer. Ils ont élaboré un stratagème complexe selon lequel en assommant le Fauve de la Jeunesse à coups de Distraction, on retarde la révolte assez longtemps pour que se pointe la Vieillesse, la Fatigue, et --- avec --- l'abandon de la colère. Ainsi de suite, génération après génération.

Ils ne comprennent pas que la nuit des singes verts se cachent dans nos murs; Ils ne savent pas que nous constituons les morceaux éparts d'une rébellion par la création (nécessairement pacifique mais triplement en colère). Ils ne soupçonnent pas l'existence d'Ellivret Sam, de Kubla Kan, de la Butte Suivante, de Golgonooza, de Galloway, de la Syldavie, des Zombies à l'Aneth, de Gormenghast, de l'Amérik, du Continent des Deux Lunes, des Plateaux de Ling, des Glaces de Hoth, des Plaines de Mordor, de la Procession des Cœurs Noirs, des ruines de Pax Tharkas, d'Interzone, du Théâtre des Vampires, des égouts de Derry, des champs de maïs d'Ariennette, d'Imajica, du Docteur Triton, de la Maison Usher, de Doctor Sax, de Sir Uphus, du Golem du quartier de Limehouse, de Coraline et de sa fausse mère, de Max Cockrell, des Orphelins Baudelaire, de Lukar Chambaux, du Manoir de Champignac, des Chiens de Pluie du Grand Tom, de Rip Van Winkle, de Fiam-Fiam Boum-Boum, de Yoshimi et de ses Robots Roses, des Tlöniens d’Atrabilaire, de l'International Fichuationniste, de Goldaline et du Garçon à Deux Têtes, de Melmoth… de milliers de bunkers imaginaires qui forment la Tapisserie des Aspirants Insatisfaits.C'est du moins ce que je me dis quand l'envie d'aller avaler la rivière devient trop forte.

posté par Simon à 8:41 PM

12 commentaires



La Fée Blackstick a dit...
Manifestement l'un de tes meilleurs textes, ellivret sam..Nous n'avions plus qu'à rétablir les anciens dialogues, pour qu'on apprenne que La Tapisserie des Aspirants Insatisfaits existe depuis si longtemps en fait, qu'Ils croient encore qu'Elle ne se multipliera et ne frappera que dans leur flasque imaginaire...Des cellules, indépendantes des leurs, se forment et cogitent dans le silence souverain et elles se feront entendre d'une manière ou d'une autre; l'Autre étant toujours l'écho de l'Un...
04 août, 2005 21:02

Simon a dit…
Merci à Sébastien Chabot, dont le texte "verser des larmes à 5% d'intérêts" a inspiré cette note.
04 août, 2005 21:38

alexie a dit…
Ah ! Ça fait du bien ça.Ça vole très haut.
05 août, 2005 17:36
Un utilisateur anonyme a dit…
Un sapristi de bon texte! Tu connais tes mythes hum?Pat B
05 août, 2005 22:18

Doc a dit...
Woah! tonique, vivifiant, une vraie décharge électrique.quelle belle énergie, tu nous transmets par ce texte!
06 août, 2005 13:25

Simon a dit…
Fée, Alexie, Patrick, Doc, vous ne pouvez pas savoir comme vous m'encouragez. Merci!
06 août, 2005 20:09

Darnziak a dit…
Puisque tu venais me saluer, je passe ici aussi... oui je suis d'accord avec tout le monde, c'est un très bon texte, ça propulse.La bloguosphère évolue, il apparaît de plus en plus de voix intéressantes, quand on prend la peine d'écouter, c'est bien de voir ça.
08 août, 2005 14:23

Evlyn M a dit…
Ce n'est pas en lien avec le texte, mais le Domovoï c'est bien le petit lutin poilu russe qui prend soin des maisons?
09 août, 2005 01:41

Simon a dit…
Darnziak: Merci, j'apprécie.Evlyn: Oui, c'est en plein ça. Je suis surpris que tu connaisses, c'est assez obscur comme figure mythique.
09 août, 2005 05:48

Evlyn M a dit…
J'ai mon bac en anthropologie ;-)
09 août, 2005 18:36

sebastien chabot a dit...
WOW! Ton texte est d'une belle colère, intelligente, forte, poétique, portée par une bave d'insoumission tenace! C'est toi, maintenant, qui m'inspire.
25 septembre, 2005 15:25

Simon a dit…
Merci Sébastien, pour ces précieux compliments.
26 septembre, 2005 20:20

26 juillet 2005

Esquisse Estivale [dans un autobus le 8 juillet]

Et voilà que je rejoins le Monde, pour trois semaines du moins, au moment où les plantes s’épanouissent et affichent leurs vraies couleurs. Leurs odeurs se mêlent à celle du fumier que les cultivateurs --- au stade le plus occupé de leur année --- répandent sur les terres qui leurs appartiennent et qu’ils cultivent, symbiose ancestrale entre un homme, sa terre, et sa famille.


Trois semaines pour jouir de ce Monde, pour faire sortir mes yeux des sentiers battus, pour enfin décrasser ces régions de mon cerveau qui sont réservées aux Jeux, et au Plaisir d’exister.


Des horizons verts et montagneux. Une bouée verte sur le fleuve. Une maison bicentenaire que l’effondrement d’une cheminée a éventrée. Des clapets où on garde des lapins à vendre. Les petites pousses qui deviendront ces majestueux plants de maïs qui me feront rêver dans un mois. Des usines malpropres et malsaines. Des fleurs... blanches, oranges, jaunes, mauves, qui jamais ne cessent de surprendre. Un petit ruisseau dissimulé par les plantes qui poussent sur ses berges, m’offrant la vue d’une intimité naturelle que je m’empresse de transformer par l’imagination en un lieu résonnant de drame et de danger. Des cantines aux noms fièrement absurdes, de toute évidence aussi nécessaires que des toilettes publiques. Des monuments religieux, statues ou immeubles, qui à chaque année me semblent de plus en plus déplacés, négligés, ignorés, en voie d’extinction. Partout, des arbres que l’on ampute ou que l’on abat, fiers géants qui eux aussi sont négligés et lentement vont disparaître. Des garages et des cabanons bric-à-brac, remplis d’outils usés et de métal rouillé, entrepôts minus où les rebuts dorment plus ou moins longtemps avant d’être envoyés au dépotoir, ou d’être vendus dans une vente de garage. Des potagers et des serres, où on imite à plus petite échelle la grandiose culture des fermiers. Des chevaux et des vaches qui broutent et qui repoussent les mouches avec leur queue. Les marques parallèles des tondeuses à gazon sur des pelouses stériles et plates à mourir. Des constructions et des rénovations, royaumes invaincus de l’homme musclé qui travaille torse nu. Des enfants qui envahissent leur ville et les transforment en Jardin des Délices Terrestres. Des bassins d’eau artificiels, que l’on emménage et entretient pour quelques mois, pour l’œil ou pour le corps. Les fourmis qui manigancent leur empire souterrain. Des adultes qui arrachent au Temps et à la mort quelques instants de plaisir qu’ils appellent ‘vacances’, et qu’ils s’efforcent de remplir.


L’Été.


posté par Simon à 1:27 AM 2 commentaires



alexie a dit…
Ça y est, je commence à m'ennuyerJ'avais aimé ce texte, assez cynique, qui m'a rappellé très vivement ma petite ville natale..J'ai hâte que tu nous revienne !
04 août, 2005 08:11

Simon a dit…
C'est bien gentil à toi... j'ai plusieurs petits textes qui s'en viennent d'ici un jour ou deux. Je me dépêche!À bientôt.
04 août, 2005 11:47

14 juin 2005

Égarements

Il y a longtemps, je me suis personnifié dans un poème en un personnage appelé Le Rêveur Rêvant. Rien de si glorieux; je n'étais, ne suis, et ne resterai, qu'un simple Perdu.

Perdu depuis si longtemps, mais maintenu en vie dans cette Forêt métaphorique, par de la nourriture, des jeux & jouets de toutes sortes, et l'attention diminuante d'êtres chers. Armé de ce strict minimum, le Perdu que je suis fini par se sentir chez soi dans l'inconfort, fini par cesser de chercher la sortie.

Jamais je n'aurais cru
que c'est en étant gentil
que je gâcherais ma vie.

Tout donner aux uns,
puis tout donner aux autres,
sans que jamais on ne me demande
"Toi, pauvre Perdu,
que veux-tu?"

À elle seule
la question
aurait de quoi
faire frémir mes yeux.

Et parce que je me méfie
de ce qui est trop
facilement intelligible,
on me croit niais,
on me juge muet.

Et puis parce que je me tais,
on en conclue une indépendance farouche,
et un coeur de pierre.

Ne comprenez-vous pas que je suis perdu, et l'ai toujours été? Que l'incertitude est ma seule certitude, et la confusion la seule paix d'esprit dont je dispose? Que j'ai le coeur brisé de constater que je peux survire à mes coeurs brisés? Que je ne vois de l'amour dans les yeux de personne, même pas dans ceux du Perdu qui se tient de l'autre côté du miroir? Que les pires prophéties toutes se réalisent, et que ça empoisonne la vie de tous ceux qui ne font même que les entrevoir? Que je souffre d'être un imposteur parmi les Étrangers, ayant adopté le costume mais non les stratagèmes psychiques de l'ouvrier responsable? Que je ne comprends rien aux Banques, aux Hypothèques, aux Piscines, aux Rapports d'Impôts, aux Assurances et aux traditionnels Devoirs Familiaux... je ne sais que survivre en étant Perdu, perdu toujours, et de plus en plus fatigué. Comme si à tous les jours un vampire venait se saucer les dents.

posté par Simon à 12:28 PM 7 commentaires



Lady Guy a dit…
Sur votre blogue règne le spleen de l'homme "correct", plutôt anachronique à notre époque délurée. C'est assez fascinant. Et une résignation d'une tristesse absolue qui me trouble profondément.Êtes-vous vraiment résigné? Vous le serez si vous attendez des autres le geste salvateur que seul VOUS pouvez poser. Vous n'avez pas gâché votre vie en étant gentil, si vous en retirez tant de peine; on n'est pas gentil lorsque ça nous rend malheureux. On est plutôt prudent ou obéissant. Ce n'est pas être méchant qu'être vous-même. Et ce n'est pas la faute des autres si vous n'avez pas encore choisi d'être. Vous devriez lire le journal de Kafka. Et aussi sa Lettre au père, qu'il n'a jamais osé lui remettre...Je ne vous reproche rien. Mais vous lire me cause souvent bien du chagrin.
15 juin, 2005 01:50

Lady Guy a dit…
Et puis, "A la recherche d'Ellivret Sam", ne serait-ce pas une sorte de "Délivrez Simon"?
15 juin, 2005 02:02

Simon a dit…
Chère Lady, avant tout je dois vous remercier de prendre le temps de brasser ma cage (car c'est ce dont il s'agit, n'est-ce pas?). Et pour que le ton de ce qui suivra soit sans équivoque: je ne suis ni fâché ni blessé, et nullement sur la défensive. Tout simplement pressé et même empressé d'éclaircir mes propos.Mais pour ce faire, je dois moi aussi vous poser des questions. Qu'est-ce qu'un homme "correct", et en quoi est-ce que j'en suis un? Pourquoi est-ce anachronique?Suis-je vraiment résigné? Oui, non, je ne sais pas. Ça dépend des jours. Il ne faut pas l'oublier: ma dernière entrée de blog est le reflet de ce que j'étais le jour où je l'ai écrite, à l'heure où je l'ai écrite. J'ai hésité avant de partager ce texte ici, me doutant bien qu'on le (et me) jugerait d'un pathétique profond. Mais mon soucis d'honnêteté (envers moi-même, avant tout) m'y a poussé. Je me retrouve souvent dans un État de Résignation, oui, mais je ne suis pas complètement résigné.Je n'attends pas de geste salvateur; en tout cas je n'en attends plus, et depuis un bon moment déjà. Ni de la part des autres, ni de la mienne. Je n'y crois pas. Je continu d'essayer, je fais tout ce que je peux pour ne pas me décourager, mais je n'y crois pas.Je vous trouve un peu hâtive de déclarer tout de suite que je n'ai pas vraiment été gentil si j'en suis si malheureux. Hormis ce que j'ai pu en raconter ici, vous ne connaissez pas mon histoire personnelle, ni ce qui se cache derrière ces mots. Mais je comprends ce que vous voulez dire. Prudent, je le suis. Obéissant, pas vraiment, je ne sais pas, ça dépend de ce que vous voulez dire par là. En effet, ce n'est pas la faute des autres, vous avez raison, et je me désole si c'est les accusations qui ressortent le plus de ce texte, ou même de mon blog en général. Si vous saviez... je n'en veux pas à grand monde. J'ai de l'amertume, mais elle est avant tout dirigée envers moi. Ce dernier texte, par exemple, est beaucoup plus un constat qu'une charge.Délivrez Simon? Peut-être. Ça serait plutôt "Réveille toi Simon," une prière que je m'adresse.Désolé pour le trouble, le chagrin.
15 juin, 2005 13:03

Lady Guy a dit…
Simon, vous êtes trop sensible...Je ne trouve pas du tout que votre billet est pathétique et ne vous excusez surtout pas de m'avoir causé du chagrin - ça prouve que ce que vous écrivez me touche! Et je mentionne Kafka car vos thématiques m'y font penser...Je m'adresse au "sujet" du texte, pas à vous personnellement, car, effectivement, je ne vous connais pas. Ce n'est pas à vous que j'écris, mais à ce narrateur-blogueur nommé Simon. Malheureusement, les gens reçoivent souvent les commentaires en plein coeur, en oubliant ce détail: qu'ils sont avant tout des êtres fictifs dans l'écrit.Vous avez bien écrit: "Jamais je n'aurais cru que c'est en étant gentil que j'aurais gâché ma vie..." C'est à cela que je répondais et ce qui se cache derrière ces mots n'a aucune importance dans mon argumentation. Comment pourrais-je le savoir? Doit-on connaître la vraie vie d'un auteur pour discuter ses textes? J'ai trop lu Roland Barthes, probablement..J'ai bien compris que ce n'était pas une charge. C'est ce "constat" que je nomme résignation! C'est terrifiant, la résignation! Ça me fout les boules!!!Quand à l'homme "correct", je le vois comme l'homme qui ne fait que son devoir et honore ses responsabilités, sans jamais se rebiffer, comme Kafka... C'est anachronique en ce sens que de nos jours, tout tourne autour de l'épanouissement individuel et de la liberté personnelle. Vous êtes l'un des rares blogueurs à aborder la vie responsable, avec boulot, enfants, etc.C'est moi qui m'excuse d'avoir paru virulente. C'est le trouble, je vous dis...
15 juin, 2005 13:28

Lumi�res a dit…
Je me risquerai à ajouter un petit mot.Personnellement, la tristesse me parle du courage qui me manque, d'un choix que je n'ose faire et qui me ferait tant de bien, d'un geste que je me refuse à poser... Une série de tout petits gestes salvateurs qui me permettraient de mieux respirer et de vivre encore plus près de moi.Mais je ne sais pas...
15 juin, 2005 20:17

Simon a dit…
Lady Guy, je vais certainement retenir votre suggestion de lire la correspondance de Kafka. Je connais un peu ses écrits (j'ai lu certaines nouvelles dont La Métamorphose, et son roman Amerika), mais trop peu son œuvre globale.Je saisis mieux la nuance que vous faites entre le "sujet" du texte, et ma propre personne. Malheureusement pour moi, pour vous, ou peut-être pas, ce "narrateur-blogueur nommé Simon" n'est pas une entité distincte de ma propre personne. Mon blog n'est pas pour moi un lieu de fiction (pas consciemment du moins); je garde ça pour mes romans. Si, comme vous le dites, je deviens un être fictif dans mes écrits, c'est le résultat normal du processus d'appropriation du lecteur, et non une intention de ma part. Que les commentaires que les gens m'aillent droit au cœur, et bien c'est tant mieux ou tant pis, selon le cas, mais je ne voudrais pas que ça soit autrement. Je vais continuer de m'ouvrir à tous les coups --- bas comme hauts --- parce que la fermeture serait une mort. Hum... je deviens un peu trop cryptique. Non, évidemment, il ne faut pas connaître la vie d'un auteur pour discuter de ses textes, ce n'est pas ce que je voulais dire. Roland Barthes... je devrais lire quoi, de lui? Je n'ai lu que des bribes par ci par là.Le résignation ne me terrifie plus, sauf peut-être lors de ces cristallisations psychiques qui se produisent lors de grands moments de Lucidité (illusion s'il en est une). "J'ai des grands instants de lu-ci-di-di-di-di-di-té..."Je serais donc quelqu'un qui ne fait que mon devoir, et honore mes responsabilités, sans jamais me rebiffer. Ouais, d'accord. Mais ces mots, "devoir", "responsabilités", sont des abymes sémantiques qui peuvent vouloir dire n'importe quoi. Alors je vais vous croire sur parole, mais ne suis pas prêt à me déclarer un des rares à aborder la vie responsable. Je sais que je m'enfarge dans les fleurs du tapis, mais j'ai beaucoup de misère à accepter l'espèce de hiérarchie implicite de ces concepts. Mais dans le fond je n'ai pas à vous dire tout ça, je sais que vous le comprenez.Virulente, non, pas du tout, n'allez pas croire que c'est comment j'ai perçu vos propos. Je prends vos commentaires à cœur, oui, je l'ai déjà dit, mais --- comme vous me l'avez dit --- ça veut tout simplement dire que vos propos me touchent.
16 juin, 2005 11:28

Simon a dit…
Lumières, si je comprends bien la situation que vous décrivez, peut-être ne s'agit-il pas de manque de courage, mais d'une certaine prudence face à une incertitude. Il est difficile de voir clairement quels sont les gestes salvateurs --- petits comme grands --- qui réellement nous aideront à respirer. Donnez-vous du temps, vous y verrez plus clair, et éventuellement le geste viendra de lui-même.C'est du moins ce que je me dis.
16 juin, 2005 11:29

1 juin 2005

Cogner des clous

La Fatigue est un isoloir; emmitouflé dans cette solitude les mémoires s'estompent et les rêves se font criants.

La Fatigue est un isoloir que l'on combat non par le Sommeil mais par l'Enthousiasme.

14 mai 2005

TRUCS POUR RESTER FOUS

1. ne pas avoir honte d'être fou
1.1. ne pas hésiter à avouer sa folie
2. seul ou entre amis, effectuer périodiquement des séances où l'on se fait Shaman
3. se laisser aller à ses entrains spontanés, quitte à ne plus savoir retracer ses pas
4. à part égal, investir du temps dans l'observation de l'infiniment petit et de l'infiniment grand
5. se coucher par terre quand l'envie nous en prend
6. se mettre à courir quand l'envie nous en prend
7. au moins une fois par heure, rire, chanter, crier ou siffler
8. écrire l'éphémère pour ne pas l'oublier et retenir l'éternel pour arrêter d'y penser
9. fermer ses yeux quand on mange et quand on boit
10. observer ses névroses et en rire, pour être capable de les perfectionner
11. jouir de l'ordre autant que du désordre
12. ne pas tout essayer de comprendre
13. ne pas essayer d'aimer ce qui ne le mérite pas (ou, si l'on veut, détester ce qui est détestable)
13. amplifier l'importance du Jeu, et dé-dramatiser tout le reste
14. entretenir des conversations avec ceux qui ne sont pas là, et ce qui n'a pas de Voix
15. prendre les choses pour ce qu'elles nous font, non pour ce qu'elles sont
16. essayer de connaître la folie des autres, et la complimenter quand c'est possible
17. toujours essayer d'être dépaysé, même quand on connaît par cœur
18. avoir du respect pour ses personnalités multiples
19. identifier ses joies et puis les transporter avec soi, partout, dehors comme en dedans, le jour comme la nuit
20. vivre comme si on était éternel, et en même temps voir la vie comme si on était mort hier
21. ne pas hésiter à désobéir à ces trucs
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Vidoc a dit...
J'ai noté..je te tiens au courrant si ca fonctionne:)
19 mai, 2005 18:07

Simon a dit…
He he, d'accord. Et toi, ça va, tu tiens le coup?Je comprends ça, les passes difficiles. Courage.
19 mai, 2005 20:19

alexie a dit…
C'est beau ça. J'en suis toute nostalgique. Enchantée de te découvrir.
20 mai, 2005 13:24

Simon a dit…
Alexie: Bonjour, enchanté de te découvrir aussi (je suis arrivé à ton blog pour la première fois ce midi).Mais je suis curieux... nostalgique de quoi, exactement?
20 mai, 2005 20:46

8 mai 2005

22:40

"Rien ne me semble important
mais tout me semble grave."

Voilà ce que je respire, ce que j'expire.

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Evlyn M a dit…
Hôla je viens de découvrir ton ici, je vais aller te lire un peu ;)
09 mai, 2005 23:47

nøkturA a dit...
Voilà une phrase à laquelle je peux m'attacher bien souvent. Très belle réflexion. :)
10 mai, 2005 11:03

Simon a dit…
Bienvenue à toi, Evlyn.Saluatations à toi, Noktura. Ouais, une drôle de bipolarité qui est parfois difficile à vivre (et surtout diffile à comprendre pour mes proches), mais j'y vois aussi des avantages (celui de la dédramatisation, entre autre). Mais me voilà reparti... Merci de votre visite!
10 mai, 2005 12:28

Lady Guy a dit…
Ça ressemble à du Pessoa...
10 mai, 2005 17:09

Simon a dit…
Pessoa? Je ne connais pas, merci de la référence, je m'en vais voir qui c'est tout de suite.
10 mai, 2005 21:24

25 avril 2005

l'esprit en broussailles

se perdre
une clairière que je ne reconnais pas
une petite panique
la crainte d'un danger
jusqu'ici tout était paisible
mon sourire cherchait une porte
dans cette végétation
sur le mur de la Montagne
sans trop y croire
mais voilà que les oiseaux se taisent
le vent s'élève
le ciel devient plafond gris
une drôle de couleur s'égare
jusqu'à mon Cœur infiltré;
je pourrais ignorer cette tension alarmante
mais par le fait même tout manquer
passer à côté d'une trappe s'ouvrant sur un souterrain...
mais si je ne pense qu'à la menace
je deviens la proie de mes propres angoisses...
que faire? et où?

9 avril 2005

sans titre

à quoi bon, à quoi bon se fâcher, je le regrette toujours, même quand j'ai raison (et comment savoir si j'ai raison?), et pis de toute façon on est tous tristes et ça serait mal d'en rajouter, me sacrifier, après tout, est-ce que c'est vraiment un sacrifice, et pis si on se l'avoue, si on est honnête avec ce que l'on est et ce que l'on sent et ce que l'on n'aime pas, si on est honnête tout court, toujours, la culpabilité finit par disparaître, on est moins plaisant, moins populaire, moins impressionnant, mais je pense que c'est le seul moyen que j'ai de pouvoir vivre avec moi-même sans souffrir, toujours souffrir, sans toujours avec le coeur comprimé comme une roche, sans toujours avoir les intestins remplis de sable et de vitre, sans toujours être en colère... je ne peux plus me permettre d'être Enragé, je ne peux plus, il faut que je tire mon élan d'un autre État, d'une autre Énergie, il faut que la frénésie, le désespoir, soit derrière --- et non devant --- mes yeux... à quoi bon se fâcher contre nos proches, à quoi bon agir comme tous ceux que je trouve ridicules et imbéciles?

24 mars 2005

L'Empilement du Quotidien

Invariablement, le quotidien fini par s'empiler sur notre Essence, le Cœur de notre personnalité si on veut. Il revient donc à nous de s'assurer que ce que l'on empile est le plus transparent possible, le plus pur possible, pour ne pas venir obscurcir (et éventuellement même étouffer) ce Cœur.

Si notre quotidien est parsemé --- à chaque jours --- de bassesses frustrées, de petites cruautés, d'insincérité chronique, de vains commérages, d'emportements agressifs, de vulgaires caprices, d'égoïsme crasse, d'égocentrisme éhonté, il vient un temps où ce sont ces choses là --- ces couches superficielles de détritus spirituels --- et non notre Cœur, qui nous définissent. Et alors nous ne méritons plus que du Mépris. Pas de la Pitié, pas de la Colère. Du Mépris.

14 janvier 2005

Déprime #24: 10 Ans Plus Tard

Je ne suis pas un homme désespéré, mais je suis sans espoirs.

Pas d'espoir de terminer mon roman, de le publier (et donc manque de motivation de l'écrire juste pour moi, comme jadis). Pas d'espoir de me sortir de mon emploi que je déteste, de la lutte quotidienne pour l'argent. Pas d'espoir d'harmonie familiale, ou même de chaleur familiale. Pas d'espoir que Mélissa et moi devenions plus proches l'un de l'autre. Pas d'espoir de retrouver l'amitié avec qui que ce soit. Pas d'espoir de voyager un jour comme je le veux (c'est-à-dire avec errance, avec introspection et observation calme, sur des longues périodes de temps). Pas d'espoir d'atteindre la sérénité. Pas d'espoir de nouvelles relations amoureuses (parce que je suis fidèle, que jamais je ne demanderai le divorce, mais --- surtout --- parce que je suis complètement incapable d'offrir quoi que ce soit à une femme… demandez à Mélissa… si elle est honnête avec vous elle vous le dira). Pas d'espoir d'habiter un jour la maison de mes rêves (une maison assez vieille, avec grenier et foyer, où je pourrais avoir une grande bibliothèque, sur un terrain presque forêt, où je ne vois aucuns voisins, avec un petit ruisseau). Pas d'espoir d'établir avec mes enfants une relation qui serait à la hauteur de mes attentes, de mes capacités (ne pouvant pas passer suffisamment de temps avec eux, tout simplement). Pas d'espoir d'accomplissement, d'épanouissement.

Une vie de travail, de consommation ponctuelle et répétitive, de remboursement de dettes diverses et variées et multiples (processus indiciblement lent), de fatigue constante et de plus en plus abrutissante, avec des passions (lecture, écriture, cinéma, musique) qui --- faute de pouvoir y consacrer mon Plein Cerveau --- ne sont finalement que des évasions divertissantes; et puis des enfants que je ne connaîtrai pas à l'âge où il est encore possible de le faire, et puis qui quitteront ma maison, et deviendront --- comme ça le fait avec tous ceux qui me côtoient --- des Étrangers; des bonnes volontés jadis irréductibles, lentement érodés par l'épuisement et le manque de reconnaissance; une vie de silence, d'abnégation involontaire, à me sacrifier pour ma famille, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus besoin de moi, et qu'alors je meurs; de la rage, à cause de ma propre impuissance, mais aussi (surtout) à cause de tous les Charlatans (Marchands & Prêtres & Ministres & Savants & Artistes) que je vois à l'œuvre autour de moi.

SUICIDE, quand vas-tu me laisser tranquille? Ça fait dix ans, peut-être même plus, que tu me harcèles; ne vas-tu pas un jour cesser de t'abattre sur moi quand je suis le plus vulnérable?

* * *

Ça fait des semaines que j'aurais dû aller me faire couper les cheveux. Ça fait longtemps que je ne les ai pas eu aussi longs.

Hier, en apercevant mon reflet dans la fenêtre de l'autobus, j'ai trouvé que j'avais des airs d'Amérindien. Il est vrai que j'ai des ancêtres Hurons en quelque part dans la moitié paternelle de mon arbre généalogiques (et il ne s'agit là que ce dont je suis au courant, j'ai probablement du sang amérindien du côté de ma mère aussi), mais c'est la première fois que j'en voyais des manifestations dans mon propre visage.

Ensuite, marchant vers chez moi, je pensais à ce que ça peut révéler sur moi, ce que ça peut expliquer ou renseigner… mon détachement (voire mon allergie) face aux Ambitions de la Civilisation où j'ai vu le jour, mon amour de la Nature et mon incompatibilité avec la Ville, mon attitude face à l'expérience de la drogue (un rituel de shaman qui ne doit pas devenir un geste routinier, qui doit rester sacré). Si tel était mon désir, je pourrais tout réexaminer ma vie par cette optique, et adopter pleinement mon "identité amérindienne". Mais ça serait de l'appropriation mensongère, de la récupération ancestrale, et --- ultimement, tout jugement moral ou éthique mis à part --- une perte de temps. Je suis un québécois, un canayien-frança, et par définition ça implique du métissage en quelque part chez mes ancêtres. Je ne suis pas différent ou distinct ou spécial pour autant.

Si seulement tout le monde comprenait cette réalité intrinsèque… on traiterait mieux nos autochtones, et on serait peut-être un peu moins moralement myope.

* * *

On commence à mourir quand on adopte de notre plein gré une existence qui ne nous ressemble pas.

* * *

En fin de semaine, mon petit carnet de poche est tombé derrière ma table de nuit, et je ne l'ai toujours pas récupéré. Cette situation aurait été impensable il y a deux ans, même un. Révélation par l'Absence.

Ce que ça veut dire? Que je laisse tomber dans l'oubli des dizaines de pensées, de bouts de poèmes, d'idées pour mes histoires. Par hasard, certaines de ces idées me reviennent par la suite, et alors je choisis de les noter (ou pas). La plupart sont cependant perdues à jamais. ET ÇA NE ME DÉRANGE PAS OUTRE MESURE. Ça me trouble et ça m'attriste, mais je laisse les choses aller quand même. Le début de la fin. Si je continue dans cette voie, je n'écrirai probablement plus d'ici quelques années. Comment survivre à ça?