27 novembre 2006

Mythologies [en partant de Lande-au-Faucon]

Qui peut m'apprendre
les secrets de Montréal?

Me montrer ses signes cachés,
ses obélisques centenaires,
pyramides enfouies,
souterrains occultés,
ossatures géographiques
et alchimies architecturales?

Qui peut me conduire
jusqu’à son étang sacré où
--- purifiée par l'Algue des algues ---
coule une source inviolable,
le Nectar qui nous infuse
de l'Esprit du Lieu?

Où puis-je trouver les Lignes Maîtresses
qui régissent le flux urbain des flots humains?

Qui peut me dévoiler
le Fixe derrière le Précaire?

Qui peut voir clair
dans le Grand Brouillard de Montréal?

20 novembre 2006

Attente

[Premier et unique jet de mes pensées et réflexions ambiantes en ce lundi 20 novembre] [1]

Le bébé pèse contre les parois de sa sphère englobante, et avec une anxiété subliminale sent que quelque chose tire à sa fin.

D'un jour à l'autre, d'une minute à l'autre, tout pourrait changer de registre. Arrêt de travail pour moi (officiel et encadré et prévu et rigoureusement défini), métamorphose temporaire de la vie familiale de notre petit cocon.

Mais d'abord, à plus court terme, l'accouchement lui même. Chez nous. Seuls. En 2006, mais de manière primaire, épurée jusqu'à l'essentiel, libérée des conventions médicales mais avant tout bureaucratiques qui entravent l'expérience de tous ceux que ça implique (la mère surtout). Les écrans cathodiques nous montrent des cris et du sang et des drames et des complications, si bien qu'on en vient tous à ne plus croire qu'à ça, alors qu'en fait ce sont des fabrications sensationnalistes. (De la même manière que si un extra-terrestre étudiait nos émissions de télé, il en viendrait à croire qu'il y a des tueurs en série à tous les coins de rue.) Et tout ça fait bien l'affaire de bien du monde. Pour les hôpitaux, tout est une question d'argent, qu'on ne se raconte pas d'histoires. S'ils prônent tellement les césariennes, on peut être certain que c'est parce que c'est la solution la plus économique (time is money is time is money).

Oui, il y a des risques, mais ils sont encore plus grands quand on accepte toutes les "précautions" sans se poser de question. La Mort est partout, qu'on le veuille ou non.

Tout ça pour dire que nous tournons le dos à notre époque, là dessus et sur bien d'autres points. Fuck la médecine, fuck l'éducation, fuck l'argent, fuck la bureaucratie, si nous avons décidé de fonder notre famille ce n'est pas pour jouer le jeu. On est condamné et on ne peut rien contre une machine aussi puissante qu'aveugle, mais on va résister quand même.

Quand notre troisième enfant va arriver, nos portes seront fermés, le téléphone sera déconnecté, et il n'y aura que Simon, Mélissa, Xavier, Colin, et une cinquième créature humaine dont nous ne savons encore rien, ni le sexe ni le nom. Et vous pouvez être certains que le Gouvernement ne saura son nom que quand ça nous conviendra de le lui apprendre, personne ne nous mettra de la pression cette fois-ci. [2]

On passe notre vie dans les mensonges et dans les faussetés. Autant que possible, moi et ma Compagne tentons d'exclure ces contaminants de notre maison. On ne peut pas toujours réussir, mais parfois --- comme maintenant --- on gagne de petites victoires.

Une Femme, un Homme, des enfants, et un nouveau bébé. Un toit pour les garder au chaud contre l'Hiver qui s'installe. Une vérité simple mais infinie dans ce qu'elle contient.

Et un Homme qui --- ayant perdu depuis longtemps le goût de vivre --- profite de chaque instant de vérité comme si c'était un cadeau divin ou une magie de druide. Et qui parfois s'oublie et --- s'oubliant --- arrive à sacraliser son existence en une incantation écrite.


[1] Relisant ce texte je redoute --- à tort ou à raison --- le cynisme potentiel de certains lecteurs, leur jugement et leurs critiques et leur haine de tout ce qui bouge, mais je pense aujourd'hui qu'il ne faut pas qu'on les laisse tout s'approprier, et que personnellement le seul moyen de perdre mes réflexes d'auto-défense c'est en arrêtant de douter de moi-même, le plus possible.

[2] Je fais ici référence au fait qu'à la naissance de notre premier, tout avait débuté dans une maison de naissance mais à cause de certaines soit-disantes "complications" ça s'est fini à l'hôpital, où à peine cinq minutes après la naissance des fonctionnaires en habits stérilisés me faisaient remplir des foutus questionnaires à la con. J'avais envie de leur étamper une main pleine de sang sur leur beau papier propre.

2 Commentaires:

swan_pr said...
pour avoir vécu deux césariennes (d'urgence, après plus de douze heures de travail dans les deux cas) je suis tout à fait d'accord avec toi. plus tard j'ai appris que mon travail avait très certainement été perturbé par les médicaments qui m'avaient été administrés.

que d'amour! l'image de votre famille, à l'écoute, fébrile, heureuse... c'est très fort.

je vous souhaite tout plein de bonheur.

Simon said...
Je compatis avec tes expériences.

Merci beaucoup pour tes souhaits.

Oui, nous vivons actuellement des moments privilégiés, tous les quatre (cinq). Je m'efforce de ne penser qu'à ça.

17 novembre 2006

Piquot, Tobie et moi

C'est complètement par hasard que j'ai appris la semaine passée qu'une réédition des Quatre Saisons de Piquot de Gilles Vigneault était maintenant disponible en CD. Comme je ne l'ai qu'en vinyle, je me suis précipité pour l'acheter. L'ayant maintenant écouté, je dois avouer que je suis déçu. Pas déçu par l'histoire elle-même, non ça jamais, mais par le produit version 2006. C'est qu'en fait c'est une captation effectuée devant public, avec un orchestre pour enrober le tout. On entend le monde tousser, et puis à tout bout de champ on se retrouve dans des envolées symphoniques qui sont complètement superflues, complètement étrangères à la nature même de ce conte. Peut-être que c'était approprié le jour même, si on se trouvait dans la salle de spectacle, Vigneault devant nous. C'est possible. Mais tout seul, les écouteurs dans les oreilles, voulant retrouver cet univers qui m'habite depuis que j'ai 6 ou 7 ans, je le ressens comme une violation de mon intimité. Quoi de plus, le livret est du petit format carré d'un CD habituel, ce qui est beaucoup trop petit pour pouvoir pénétrer les illustrations. Je ne vais probablement pas le réécouter. Pas cette version là. Je vais définitivement ressortir mon vinyle pour me le numériser.

Mais ça a cependant ça de bon que ça réactualise cette histoire pour moi, qui faute de pouvoir m'y plonger souvent (ma vieille table tournante est encore dans une boîte) a prit une stature presque mythique.

Je l'ai d'abord reçu en cadeau quand, comme je le disais, j'avais environ 6 ou 7 ans. Mes parents ne peuvent me le confirmer à 100%, mais ils pensent que c'est un cadeau d'un ami de mon père. [1] Enfant assez solitaire, ou du moins n'étant pas incommodé par la solitude, j'écoutais beaucoup de disques. Celui-ci, mais aussi tous ces disques de Disney avec le ding-a-ling pour indiquer les changements de pages. Un disque de Monsieur Tranquille, de Passe-Partout, les Chiboukis, La Flûte à Six Schtroumpfs, Goldorak, j'en avais plusieurs et je les aimais tous, mais celui-ci avait ce je ne sais quoi de spécial.

Quand je me transporte dans ces souvenirs, je me vois assis sur le divan dans le salon (plutôt que dans ma chambre), le grand livret du disque ouvert sur mes jambes croisées en Indien. La journée est plutôt sombre, mais je choisis tout de même l'éclairage naturel que m'offre la fenêtre (avec vue sur la rivière Richelieu et, à gauche, le Mont St-Hilaire). Ma mère fait de la popotte dans l'autre pièce, je l'entends et j'en reçois des odeurs riches et familières. Mon père n'est pas là, ou bien il est dans son atelier dans la cave, travaillant sur ses bijoux. Sa présence ne fait pas partie de ces souvenirs, et celle de ma sœur non plus puisqu'elle n'est pas encore née. J'ai peut-être un chat à côté de moi (Frisbee mon chat roux adoré, ou peut-être Pitchounette la petite énervée, ou Balou le gros matou magané), me réchauffant et meublant les silences d'un ronron chaleureux. [2]

C'est avec révérence et un sérieux presque cérémonial que je m'engageais dans cette expérience, cette Histoire, où m'était offerte une vision des saisons, du passage du temps, de l'aventure, de l'amitié. Tout ça s'inscrivait plus que profondément dans mon Esprit. Je m'identifiais à Piquot, évidemment, mais ce qu'il y avait de particulier c'est que le personnage de l'Oncle Tobie représentait pour moi la seule occurrence connue d'un adulte qui ne soit pas condescendant ou paternaliste. (Oui, même à cet âge j'étais sensible à ça, quoique de manière informe, impressionniste et confuse.) Il devait concrétiser le concept du grand-père pour moi qui n'en avait point. [3]

C'était un univers complet, les quatre saisons, une année, un garçon et sa famille et son ami, avec en plus une carte représentant les différents lieux du récit. Ça a installé pour moi les bases de ce qui à ce jour m'intéresse encore. Je relis ce texte, et je suis frappé par le nombre d'éléments qui se retrouvent dans mes propres textes, ou encore dans les textes que j'ai lus par la suite et qui m'ont marqués. Ma longue nouvelle (ou court roman) de Mortifer, avec les quatre saisons; Winnie the Pooh (le livre original de Milne, qui n'a rien à voir avec la mièvrerie cute à mourir que Disney Inc. en ont fait), avec le petit paradis clos des Hundred Acre Woods et la carte qui résume l'ensemble des aventures par un survol géographique; Tom Sawyer, avec sa mythologie de pirates, de trésors, et des joies et jouets (y a-t-il une différence?) d'un jeune garçon; ma petite histoire appelée Geneviève, un espèce d'amalgame entre Piquot et Tom Sawyer; la dernière partie de mon roman en cours, Marla & Philippe, alors que les deux personnages se retrouvent à vivre dans un petit domaine éloigné, isolé, entouré par la nature. Je pourrais énumérer plusieurs autres exemples comme ça.

Je vois clairement aujourd'hui l'influence que ça a eue sur moi, je peux en formuler les ramifications concrètes, mais j'en ai toujours été conscient, et j'ai toujours conservé cette histoire dans un petit compartiment secret de mon imaginaire. Je n'ai jamais vraiment partagé cette histoire avec qui que ce soit. [4] Après l'enfance j'ai été longtemps à ne pas l'entendre, n'ayant plus de table tournante, et n'ayant plus trop l’occasion de me consacrer à l'écoute de disques. Un jour, vers l'âge de 19 ans, alors que j'étais seul chez moi, je m'étais drogué et je l'avais écouté. Voici ce que j'avais écrit (à propos des Quatre Saisons, mais à propos de mes disques d'enfants en général), rapidement et de manière confuse:

"[Je ne] Pouvais plus le faire, alors [je l'avais] oublié mais en gardant l'envie constante de le [écouter ce disque] faire. Chaque fois qu'une possibilité de le faire se présentait, je pensais le faire. Mais c'était les événements qui faisaient que je [ne] pouvais pas le faire, et non mon entourage. Alors l'idée resta.

Et comme je peux le faire seul, je le fais aujourd'hui, et rien n'est changé.

À part comment je le vis. Les mêmes réactions, attentes, mais avec le recul. Le recul qui est là, mais un peu effacé par la qualité de l'expérience.
"

Ces propos datés 1994 souffrent d'une abstraction stupéfaite (et d'une maladresse presque touchante), mais ce qu'on peut en comprendre c'est que je revivais une expérience sacrée dont le fondement était (et avait toujours été) la Solitude, mais cette fois à une autre époque de ma vie, à une autre saison de mon évolution personnelle. Je ne l'avais jamais renié, et l'effet que ça me faisait était sensiblement le même, sauf que j'étais désormais investi d'un Passé, du point de vue téléscopé que nous impose le vieillissement, cette accumulation étourdissante d'événements et de répétitions schizophrénantes. J'étais dans le Présent et dans le Passé et dans le Présent-Devenu-Passé, un cyclone temporel qui ce jour là a fait de moi une âme-en-peine ayant les lèvres sur une coupe pleine d'un élixir délicieux et dangereux.

Les décennies ont passées, et --- mes réserves sur la réédition mises à part --- je suis toujours captivé, charmé et illuminé par ces Quatre Saisons. On peut comprendre Guillaume Vigneault d'avoir jadis demandé à son père de ne pas rendre publiques toutes les histoires qu'il avait faites pour lui. On peut le comprendre d'avoir voulu garder la magie intacte.
* * * * *

[1] "Bétho", ainsi surnommé à cause de son admiration sans bornes pour Beethoven. C'est un type étrange, sur le BS depuis des décennies, passant ses journées à écouter de la musique, à écrire des poèmes, à boire et à lire des revues scientifiques. Occupations admirables, je trouve. Il n'a jamais rien publié mais il a probablement accumulé assez de matériel pour un recueil gigantesque. Il y a des années de cela il a confié tous ses manuscrits à mon père (heureux hasard, puisque son appartement a passé au feu peu de temps après). Un jour il faudra que je m'y plonge.

[2] À ce sujet, voir la pièce Maxine de Sparklehorse (devenue Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain, la pièce-titre du dernier album du groupe), où le ronronnement d'un chat fait discrètement partie du tissu sonore de cette longue et mélancolique pièce instrumentale. C'est si subtil que je me demande même si c'est possible de l'entendre autrement qu'avec des bons écouteurs.

[3] Les deux sont morts bien avant que je naisse.

[4] Non, ce n'est pas vrai, je l'ai écouté avec H., une fois, un lendemain de veille, si je me souviens bien, il neigeait et le monde n'existait pas en dehors du Garage où nous étions (son repère, sa petite maison à lui). J'étais heureux de pouvoir m'ouvrir à lui par cette histoire, lui qui était mon meilleur ami, mais je ne pense pas qu'il avait réellement embarqué.

10 Commentaires:

La Pirate said...
Un autre beau hasard ce matin que tu écrives ces mots sur Piquot, Tobie, toi, les Vigneault, Passe-Partout, et que les souvenirs de ton enfance remontent le courant dans les miens, ça me donne envie de t'écrire...

Hier avant-midi A. m'informait que le fils avait accepté que le père mettre sur disque les histoires qu'il lui racontait alors qu'il était petit, il lui aurait dit seulement 10..Tu vois ce matin, un autre hasard, mais moins joyeux celui-là: Henriette Major, qui se trouve être la maman de l'un de mes copains d'adolescence, et qui a passé pratiquement toute sa vie au service du conte, du livre et de la télé pour enfants, est décédée, à l'âge de 73 ans. Elle devait être présente au Salon du Livre, mais le sort (le bon ou le mauvais ?) en a décidé autrement....et autre hasard: Chiboukis, Goldorak, Passe-Partout, oui ce Passe-Partout, dont on célèbre cette année les 30 ans de vie..ce matin, dans le Soleil, il y avait un article sur les trois compagnons d'une certaine enfance, la tienne en l'occurence, une enfance qui je pense n'est pas très lointaine encore ...et puis Marla et Philippe, eux en toi, eux dont j'en attends encore bien patiemment la suite...;-)

Une autre belle journée en somme que celle qui s'offre à nous aujourd'hui, avec ce soleil qui est revenu, avec le chat roux, Mortifer, M. et P. plusse Balou ton matou magané...Merci Simon de m'avoir fait voyager dans l'univers de Simon-enfant via celui de Simon le plus grand.

Il faut des histoires, il faut de la magie, et il faut aussi de la poésie, et par-dessus tout ça: des amis...des amis qui encore ce matin nous relient, des amis qui lisent nos mots tordus mais fiers, des amis presque quinquagénaires ;-) des amis pirates, des amies fées, des amis venus nous raconter des histoires trouvées dans leurs bouteilles de verre..leurs contes, leurs nouvelles, leurs poèmes ou leurs romans, qui regénèrent, l'espace d'un voyage en leur haute mer, la partie manquante de notre imaginaire....

Simon said...
Merci pour ta verve, Louise, alors que la mienne se fait désirer.

Bonne fin de semaine.

(Et non, le bébé n'est pas encore arrivé. Sourire.)

Louise said...
Ta verve a plutôt l'air de bien se comporter sur l'autre canal ...:-)Pourquoi toi ??? ;-) Se faire désirer, c'est tentant...Tu m'as démasquée..mon oeil de pirate ;-)

Simon said...
L'autre canal? Tu veux dire le blog de Swan? Je n'y manifeste pas de verve, j'essaie juste d'éclaircir ma note précédente qui y est citée. Pourquoi moi? Qu'est-ce que tu veux dire?

Désolé de vous avoir démasquée, Pirate, je ne l'avais même pas réalisé.

Louise said...
Ok pour la verve, mais pour le Pourquoi moi? c'est le nom du blogueur, non? un autre de plusse qui nous faire voir son " plumage " à l'occasion sur l'étang-dard d'une cygne..;-) Pour la Pirate, c'est pas grave, on finit toujours par être démasqué un jour ou l'autre...Et le bébé, il nage toujours dans les eaux calmes de la mère ? ;-)

Simon said...
Ah, j'avais même pas fait le lien, tu vois à quel point je suis pas là. La bouteille est dans la mer mais elle est vide et elle prend l'eau.

Le bébé pèse contre les parois de sa sphère englobante, et avec une anxiété subliminale sent que quelque chose tire à sa fin.

On a tous de quoi être anxieux, faut croire.

louise said...
J'ai lu plus haut,
et c'est vraiment beau.
Simple et si magnifique
à vrai dire....
Moi aussi je veux
en-FANTE,
mais demain seulement;
j'irai chercher quelques
6 ou 7 livres de SA chair..
de papier demain
chez le bouquiniste
puis chez le Libraire.

Je pense à vous..
Bonne Nuit...

Simon said...
Bonne lecture, chère amie, et merci pour les bonnes pensées.

swan_pr said...
si je puis me permettre (désolée Simon, c'est moi maintenant qui s'insère...)

mon étang est un bain libre. peu importe le plumage, tous et toutes sont invités à s'y tremper les pattes. des silencieux au plus bruyants. des plus ternes au plus flamboyants. pour pavaner ou pour s'épancher. il n'y a pas de différence pour moi. simplement l'amour des mots et le partage :)

Simon said...
Tu n'as pas à être désolée, Swan. Sans vos généreux commentaires à Louise et à toi, il n'y aurait jamais un signe de vie ici.

On est d'accord pour le partage. J'essaierai de faire preuve de moins de retenu et de me manifester plus souvent.

Salutations.
novembre 22, 2006 8:40 PM

15 novembre 2006

Accusé de fatigue

Quelqu'un qui t'aime, pour moi, ce n'est pas quelqu'un qui se souçit de la place que tu joues dans sa vie; c'est quelqu'un qui veut tout faire pour que tu sois heureux. Tout. Même au détriment de soi.

Ce n'est pas l'Individualisme qui est le problème, c'est l'égoïsme. Il y a une différence.

J'essaie d'évacuer la colère au find fond d'un bois, je pense à Thoreau et pas à Number 6.

Ne pas laisser le poison se répandre. Ne pas en rajouter.

Texte enregistré à 11:36:00 PM

13 novembre 2006

Sans titre

"I feel I shall never again be good for anything, but I hope and think this state of affairs will pass in due course (it will pass --- the only motto good for every human situation, good or bad)."
--- Aldous Huxley, dans une lettre à son ami Humphry Osmond

Texte enregistré à 9:13:00 PM

20 octobre 2006

Smoke screen

Contre le vide asphyxiant,
entre les yeux & le cerveau,
ériger une grande tapisserie-miroir
où sont reflétés
les spasmes & les éclats
de l'Imagination.

Berner la Vision,
mentir aux Sens,
afin de se détourner
du Sentier Organique
où tout est Viande,
tout est Sexe,
tout est Cannibalisation.

Avec un peu de chance
l'Illusion se fera Contagion
pour qu'alors tous les Galériens
arrêtent de ramer
en même temps.

1 Commentaires:

La pirate said...
Imagination, Vision, Cannibalisation, Illusion, Contagion...
Beaucoup de mots en ion Moussaillon, mais j'ajouterais à ton gouvernail de mots-maison, ceux de l'Évasion, la Grande, ceux de la Pendaison, la Courte, ceux de la mi-Saison, Automnale, et pour plus tard, ceux de la Feuillaison Vernale...

Derrière les Fumées de nos Écrans,
voir flotter Marla dans son Étang.
Retourner sur le Dos de ma Galère,
Balayer le flancs salés de la Mer..

16 octobre 2006

Gribouillages [dans un autobus le vendredi 13 octobre]

Encore une fois, bonheur imprévu du hasard, je suis amené à me soustraire à mon joug de Travailleur Occidental ordinaire, en début d'après-midi, faisant le trajet pour aller rejoindre mes Amours, par des chemins inhabituels dans des circonstances inhabituelles. Je me retrouve dans l'autobus 8 de Longueuil, une des trois que je prenais encore pour aller au Cégep il y a de ça presque quinze ans ("8/28/88", c'était ma prière d'étudiant à Édouard-Montpetit quand venait le temps de prendre l'autobus). Je revois le Chemin Chambly d'automne… je retrouve cette sensation d'être un étudiant en lettres, paisible et perdu, le cœur brisé par la vie et ne désirant plus rien d'elle. Le cimetière où j'aimais à me promener, seul, avec C. parfois (lieu si influent qu'il se retrouve dans mon chapitre 2). Le Cégep… quelle horreur! quelle joie! Je comprends ceux qui en arrivent à parler de "belle période de ma vie" alors qu'à ce moment là tout les faisait chier.
Période fertile, intéressante. La douleur, finalement, c'est présent partout, tout le temps, et pour tout le monde.
Le Harvey's est fermé, ses fenêtres condamnées par du papier brun portant encore les logos orange. Après le Cégep, le Chemin Chambly devient aride et commercial… et me voilà lancé dans cette ambiance vaguement déprimée où je l'observais quasi quotidiennement, assis dans le bazou bruyant de mon cousin S., ou dans la petite auto rouge de C.
Longueuil, banlieue sous-Montréalaise qui n'est sauvée d'une pittoresque pauvreté généralisée que par sa proximité avec la métropole.
Longueuil, néant surpeuplé (au même titre que Lasalle) où chaque jour des nouveaux nés ont la malchance de naître puis de grandir puis de mourir à l'âge adolescent puis de mourir à l'âge adulte puis de mourir à la vie.
Longueuil, ghetto hybride et labyrinthique qui n'a même pas de pitié pour ses ciels bleus.
Longueuil, grande petite ville ayant le luxe répugnant de diluer son poison urbain sur une grande superficie de contamination morale et bétonnée.
Longueuil, terrain involontaire de bijoux humains, splendides et créatifs et lucides et déterminés.
Longueuil, colonie invivable qui presque honteusement nous montre parfois de petits îlots de nature et de beauté, comme gênée de ne pas avoir été capable de tout pacifier, de tout standardiser par le ravage total.
Long-œil, ville perfide et animée par l'ennui, un autre microcosme parfaitement représentatif de ce que je considère comme le Fléau Moderne, et que je nomme la Concrétisation du Réel.
* * *

Je suis en retard et anxieux de l'être, mais inutile de m'en faire, ce n'est pas de ma faute, inutile de regarder l'heure, je n'arriverai pas plus vite.

C'est maintenant St-Hubert que je vois passer. Longues avenues désarbrées où la ligne droite règne, impériale et dominante.

Ça parle en avant de moi.

-As-tu vu le char passer?
- Wow man! Full GT man!

Je vois une école secondaire où les jeunes vont loin des portes, près de la route, pour fumer illégalement leurs cigarettes; là encore la ligne droite impose son carcan tyrannique; dans le stationnement de longs monolithes jaunes attendent, endormis, leur cargaison galérienne.

- Check le char.
- Cool.
- Ah, c'est ça, c't'un esti d'baby-boomer de merde.
- C't'un enculé, man.

Tous les terrains vagues sont zonés commercial; tous de futurs domaines du vague-à-l'âme.

Crapuleuses intimidation du Passé par le Futur, avec la collaboration tacite (ou aveugle) du Présent.

Il n'y a pas assez de révolutionnaires, pas assez de réactionnaires, de terroristes ou de kamikazes, pour renverser ce Flot de Matérialisme mercantile et anéantissant.

2 Commentaires:

La pirate said...
Un texte qui a du nerf, mais pas assez de kamikazes...;-)

« Longueuil, terrain involontaire de bijoux humains, splendides et créatifs et lucides et déterminés... »

J'aime beaucoup comment tu as décrit (ou décrié) Long-Oeil...

Comme véritables bijoux humains
j'ai bien sûr pensé à Carl NokturA et à Stéphane HellRider, deux artistes remplis d'un talent exceptionnel, deux artistes qui n'ont pas peur de renouveller l'Art sous toutes ses formes..On portera d'ailleurs leurs nouveaux abîmes vers la fin de novembre...Novembre un moi rempli de morts mais aussi de naissances...de re-naissances, un temps pour le moins propice pour tous genres de lancements...Merci d'écrire d'aussi beaux textes.

Simon said...
Merci, Pirate.

Voyez-vous, moi ce texte je le trouve ordinaire, je n'y tiens pas plus qu'il faut, sauf pour la fin.

C'est comme si au début, un peu endormi, je me forçais à l'exercice, et puis un rythme s'installe ("Longueuil... Longueuil..."), entraînant une rêverie plus profonde, et puis graduellement je dépasse l'Ici/Maintenant et j'en arrive à une réflexion plus vive, plus réchauffée (j'aime beaucoup l'idée de l'intimidation du Passé), sauf qu'à ce point, malheureusement, je parviens à destination et je dois interrompre l'exercice.

C'est toujours ce qui m'arrive.

29 septembre 2006

Ôde à la Brisure

[Vendredi 29 septembre, 8:09 am, je suis à mon bureau depuis quelques minutes et j'ai décidé (en quelque part entre le métro Place-des-Arts et l'immeuble où je travaille) qu'aujourd'hui, à l'improviste et de manière improvisée, quelques phrases à la fois tout au long de la journée, je composerais un texte pour mon blog, ne sachant pas où je m'en vais ni la longueur que ça aura, tout simplement pour garder la forme et donner libre cours à cette excitation légère que me procurent encore les vendredi. Aussi, parce que ma charge de travail actuelle fait en sorte que j'ai des petits trous par-ci par-là, durant lesquelles je peux furtivement noter quelques mots. Évidemment je vais devoir m'envoyer ce texte par e-mail, avec la forte possibilité que l'on lise mon message (j'ai dernièrement eu la preuve qu'ils leur arrivent de lire les courriels sortant), mais tant pis.]

Autant pour moi que pour M., ma Compagne, l'arrivée imminente de notre troisième enfant semble de plus en plus vraie, de plus en plus près. Quelques semaines et puis on y est. C'est prévu pour tard au mois de novembre mais qui sait? X. était deux semaines en retard, C. deux semaines en avance. Tout est possible. Une naissance; un congé. Six mois à ne plus être obligé de me lever le matin; six mois à pouvoir me faire accroire que je suis libre. Six mois à être payé par le gouvernement pour ne rien faire d'autre que passer du temps avec ma famille. J'ai encore du mal à imaginer ce que ça va faire à mes humeurs, à mes états d'âmes, à ma dépression innée, à mon corps, à mon intellect, mais je sais que ça s'en vient vite, et je sais que je ne trouverai pas "le temps long", contrairement à ce que la plupart de mes collègues masculins disent. Vous êtes si inconfortables que ça avec votre famille, avec votre liberté? Difficile pour moi de comprendre. Je m'en fous, je ne veux même pas comprendre leur point de vue. Perte de temps. Déprimant. Rebutant.

En fait, j'essaie de ne pas trop y penser. Je veux que la naissance de mon enfant soit une renaissance pour moi. Partir à neuf, avec une coupure drastique et douloureuse s'il le faut, déstabilisante au maximum. Ça va commencer dans le drame, une naissance angoissante comme elles le sont toujours, mais encore plus cette fois-ci puisque ce sera chez nous, sans "professionnels", sans sage femme, en famille, peut-être avec des amis pour nous aider avec les enfants.

Mais après...

X. et C. auront leur père chaque matin… n'auront plus le cœur brisé à chaque jour de constater que je ne suis plus là (et je n'exagère pas, je ne m'accorde pas plus d'importance que j'en ai, c'est réellement ce qui se passe, avec X. surtout, il ne comprend pas --- avec raison --- cette nécessité pour son père d'aller "gagner de l'argent" à des dizaines de kilomètres de sa maison). M. aura quelqu'un pour s'occuper de tout pendant qu'elle récupère. Le nouveau bébé (fille ou garçon, nous ne le savons pas encore) entendra ma voix tous les jours dès le début, et pour la totalité de ses premiers mois. Et moi… moi… je retrouverai pour longtemps la bulle hermétique de la Maison. Je n'aurai pas eu l'opportunité de baigner dans une domesticité lente et immersive et narcotique depuis quoi… 1996? L'année qui précède la mise en branle de mon "âge adulte"… j'étais alors chez ma mère, l'aidant avec le ménage, les tâches ménagères, allant chercher le panier alimentaire le vendredi, lisant et écrivant et pensant et souffrant et n'ayant pas envie de faire autre chose… je serai maintenant trois fois père et tout aussi désireux de ne rien faire d'autre que d'être avec eux, lire, écrire…

Je vais d'ailleurs faire de gros efforts pour m'établir un semblant de routine à ce sujet. Même si ce n'est qu'une soirée par semaine, une demi-heure par jour, n'importe quoi, en autant que ça avance un petit peu de façon régulière. Pouvoir finalement finaliser le chapitre 9 de mon roman (parce que ces temps-ci ça n'avance vraiment pas), poursuivre le chapitre 10 qui est déjà bien entamé. Aller de l'avant. Me rapprocher de la fin, cette dernière portion de l'histoire à laquelle je pense si souvent et de manière si convaincue.

Toute l'entreprise de mon premier blog aura eu ça de bon: je suis plus convaincu que jamais de la nécessité pour moi d'aller de l'avant dans mon écriture, sans pour autant avoir de "grande raison" de le faire. Parfaitement confiant et parfaitement indifférent à la fois. Dédié à mon écriture sans le moindre désir de publier. Personne ne réussit à me convaincre que la publication représenterait un aboutissement. Ça ne me servirait à rien d'autre que de me glorifier, de perdre de mon temps, et de couper des arbres. (Et puis de toute façon c'est un cul-de-sac de même y penser; whatever it is that I do, it is not "publication material".) Je n'ai même plus la pulsion de partager ce que j'écris; je le fais ici, parfois, mais --- comme le titre du blog l'indique --- ce sont des bouteilles à la mer, et je ne crois pas réellement que ça va parvenir à ce destinataire hypothétique que j'envisage parfois en pensant à un texte ou à un autre. Les quelques histoires que je rends public en feuilletons… ne sont suivies par personne qui ne les a pas déjà lues (tu sais qui tu es). Statcounter me révèle que l'on va parfois faire un tour dans ces histoires pour survoler quelques chapitres, sans toutefois retourner en arrière pour lire les premiers, et puis que l'on ne revient pas vraiment pour lire la suite. Et vous savez quoi? Ça ne me dérange même plus. N'ayant aucune raison de les partager, je n'ai pas de déception si après l'avoir fait rien ne se passe. Continuer d'agir sans avoir l'Espoir comme combustible, c'est possiblement l'attitude qui me convient le mieux (de la même façon, je cherche à faire le bien de mon plein gré, sans que ça soit la Religion qui me l'ordonne et m'y contraigne).

Que l'écriture redevienne mon secret brûlant, mon Mystère ambiant, la variable algébrique qui vient qualifier et informer tous les aspects de ma vie. C'est ma Quête et ma Mission, c'est mon Sacré à moi.

Me remettre à dormir un peu plus, avec des nuits plus longues et des siestes occasionnelles. Recommencer à me souvenir de mes rêves et les noter, comme jadis je le faisais (avant que chaque nuit ne devienne un trou noir dont j'émerge le matin comme on sort d'un profond coma). Consacrer un peu de mon temps au ménage à chaque jour, pour que ça cesse de monopoliser des journées aux complet (ce que sont actuellement mes fins de semaine), et ultimement pour que je puisse m'amuser plus avec mes garçons. Enfin pouvoir dessiner avec eux; leur lire des histoire l'après-midi, sans cogner des clous; aller marcher, que ça soit dans le froid, le soleil ou la pluie, et apprendre en même temps qu'eux dans quel monde nous vivons; cuisiner avec eux; les inclure dans mes tâches ménagères (ce qu'habituellement je ne fais pas, étant limité dans le temps); regarder des films avec eux, chez nous et même parfois au cinéma; toutes ces petites choses qui sont propices aux échanges et à la communion et à la mémorisation des Moments Présents. Et puis, peut-être, écrire des petites histoires pour eux (car il m'arrive souvent d'avoir des idées qui feraient de bons petits contes brefs, mais ce genre d'inspiration exige qu'on s'occupe d'elle tout de suite, sans quoi la fraîcheur s'égare en chemin et il ne reste plus qu'une charpente inanimée et vide comme un cocon). Documenter un peu plus leur présent, aussi, noter ce qu'ils disent et ce qu'ils font et ce que je perçois de leur personnalité et de leur vision du monde (ce qui, je trouve, est le plus beau cadeau que je puisse faire à ces adultes qu'ils deviendront un jour). Aller me baigner avec eux, emprunter des livres à la bibliothèque. Peut-être effectuer quelques petites sorties (les musées à Ottawa, l'aquarium de Québec).

Contempler le Monde, sentir le vide paisible et la belle désolation d'une rue, la semaine, quand une grande portion de la population est soit au travail soit à l'école. Me vautrer dans la tristesse d'un centre d'achat, le lundi matin, avec les chômeurs, les personnes âgées, les mères de famille, ou les travailleurs qui font autre chose que du 8@4 9@5 5 jours sur 7. Fusionner les jours de la semaine en un tout un peu flou, sans grandes distinctions entre eux. Faire partie du monde sans y être officiellement impliqué, pour quelques mois du moins. Un fantôme contemplatif qui a le luxe de noter ses observations et ses réflexions. Tenir mon Journal de manière un peu plus exhaustive, un peu moins froidement, que ce que je peux le faire actuellement. (Ça ressemble à: "Lever à 5h10. Douche. Je me prépare. Départ à 6h20. Marche jusqu'à l'arrêt d'autobus. Express de 6h48 dans laquelle j'essaie de continuer de lire [livre du moment] mais finalement m'endors. Métro. Arrivée au travail vers 8h. Travail. Dîner à mon bureau vers 11h45. Je me promène un peu sur Internet. Je me remets au travail. Départ vers 16h15. Métro. Express de 16h50. Trajet durant lequel je continue de regarder [film du moment, avec mon lecteur DVD portable]. Arrivée chez moi vers 18h. Souper. Un peu de rangement en jasant avec les petits. Je leur donne leur bain vers 19h15. Après, successivement, couchers des petits. Je vais un peu sur l'ordinateur, me promène un peu sur les blogs, mets mon Journal à jour, puis vers 21h45 je remonte. Je fais la vaisselle, range un peu. Ensuite, je grignote un peu (craquelins + fromage), jasant avec M. qui regarde quelque chose à la télé. Vers 23h15, on va se coucher. Je lui masse un peu le dos, je mets ma main sur son ventre pour sentir le bébé qui bouge, puis on dort.")

Changer la nature et l'essence de mon rêve quotidien. Ne plus sentir l'urgence de veiller (et donc d'hypothéquer mon sommeil) pour avoir vécu un peu dans ma journée. Être capable de voir mon père, ma mère (qui, bien que séparés, ont des vies qui se ressemblent, ayant tous les deux arrêté de travailler) à d'autres moments que le samedi ou le dimanche, étant trop fatigué pour être content de les voir, ne le faisant que par une espèce d'obligation dénaturée. Passer un Temps des Fêtes tranquille et chaleureux, ayant le temps d'aller glisser avec les petits, de construire forts & bonhommes de neige dans notre cour, de pelleter de manière entraînée et enjouée (plutôt que pressée et frustrée), regardant ce ciel d'hiver qui me semble hanté et heureux à la fois. Pouvant sentir les jours qui passent, plutôt que de les subir.

Avoir le temps de faire toutes ces activités secondaires que j'ai envie de faire depuis des années… Mettre de l'ordre dans mes papiers, dans mes textes. Numériser mes photos, mes enregistrements d'enfance, mes vidéos maison, tous ces disques vinyles que je n'ai pas pu écouter depuis des années. Continuer de constituer mon Musée des Images Primordiales (ou l'Album Personnel d'un Humain Né à la fin du 20ème Siècle), un recueil d'images virtuel (commentées par moi ou par des citations) où je rassemble et catégorise tout ce qui me passe sous les yeux (toutes les manifestations visuelles du Petit Chaperon Rouge, par exemple, ou encore toutes les peintures de chevaux, ou toutes les représentations picturales de décapitations). Faire quelques petits travaux dans la maison, au niveau de la décoration, de la peinture, de l'aménagement, ce genre de choses accessoires et sans réelle utilité qui sont les premières à prendre le bord quand vient le temps de prioriser. Aller prendre des grandes marches le soir, quand les rues sont vides, comme je le faisais avant la période de ma vie que j'appelle "L'Ère du Travail". Me plonger dans les ivresses sans me mettre à bailler après vingt minutes parce que je suis trop fatigué. Peut-être aller voir des spectacles, si j'apprends que des artistes que j'aime viennent se produire à Montréal. Faire de la photo, notamment dans les lieux marquants de ma vie (McMasterville, Beloeil, St-Hilaire, Longueuil, Montréal, Lasalle, Verdun). Retourner à la bibliothèque du Cégep Édouard-Montpetit, où j'ai fait mon DEC (en Lettres), question de retrouver ce livre encyclopédique sur la littérature fantastique (car sur la couverture il y avait la photo d'une femme tenant un parapluie, et ça me hante depuis des années… je me souviens qu'on indiquait son nom, mais tout ça est avant l'Internet, je n'avais aucun moyen de trouver qui elle était); en profiter pour aller saluer mes deux professeurs de cinéma, Christian Rasselet et Jean-Antonin Billard (quatre cours de cinéma qui ont justifié à eux seuls ces cinq sessions de pertes de temps). Finalement demander à mes parents de se livrer par écrit pour me raconter leur vie (ça pourrait être par e-mail avec mon père, par la poste avec ma mère). Prendre des bains, le soir, avec un livre, comme avant...

Trop de rêves, trop d'attentes? Sans doute. Mais je préfère ça plutôt que "Ah… je vais trouver le temps long… je vais avoir hâte de revenir travailler…".

Libre, complètement (ou en tous cas autant qu'on puisse l'être dans mes circonstances), pour la première fois depuis l'enfance en fait, car même en 1996 j'avais des attentes sur les épaules… on s'attendant à ce que je me branche, que je m'engage dans un Chemin Professionnel, que je m'active, que je sorte, que je fasse quelque chose de moi, que je me trouve une job et que je me trouve une blonde et que je me trouve tout court. Là, je m'appartiens complètement, la job je l'aurai encore, elle m'attendra patiemment au bout de mon congé.

Je considère que je suis extrêmement chanceux de me retrouver dans cette situation. Je m'attends presque à ce qu'une catastrophe survienne, en bon pessimiste que je suis. Que subitement je meurs, que ça se complique à l'accouchement, ou encore tout simplement que l'on ait mal calculé notre affaire et que le 75% de mon salaire auquel j'aurai droit ne soit pas suffisant pour subvenir à nos besoins, ce qui m'obligerait à retourner au travail plus rapidement.

Ça sera une période unique dans ma vie, la seule où je pourrai faire pleinement partie de ma famille à l'âge où mes enfants sont encore jeune. X. est probablement assez vieux pour s'en souvenir plus tard. Il se rappellera d'une Saison hors-du-commun où son père était toujours là, présence majeure dans la vie intérieur d'un enfant. (Je n'ai qu'à penser à mon enfance, mon père ne travaillant pas à l'extérieur comme ceux de mes amis, mais restant à la maison, créant et fabriquant ses bijoux dans le sous-sol de notre grand appartement à McMasterville; il est plus qu'évident que l'ambiance et la saveur de ces années là ont en grande partie fait de moi ce que je suis.) Quant aux deux autres, C. et le ou la troisième, et bien si cette Saison ne s'inscrit pas clairement dans leurs souvenirs, je suis certain qu'ils en garderont tout de même des acquis psychiques, des traces inconscientes déposées au fond de leur cerveau comme des sédiments, figées dans le matériau de leur personnalité comme des fossiles.

[Je parle et je parle, ce texte est trop long et il répète des choses que j'ai déjà dit ailleurs mais je n'en ai absolument rien à foutre. Awèye un autre café, keep 'em comin' boys.]

Quand est-ce que je peux vraisemblablement espérer un autre répit du genre? À notre quatrième enfant, si quatrième il y a? Un congé sabbatique, dans quelques années, si mes patrons me l'accordent? La retraite, si je me rends là?

Non, je n'en espère pas d'autres. Que je me trompe ou pas, je considère ce qui s'en vient comme ma seule et unique chance de fuir (car ici il s'agit de fuite, même si elle n'est que de courte durée) ce que j'appelle ailleurs "La Citadelle", c'est-à-dire ce monolithe massif dans lequel on nous coule comme du métal en fusion lorsqu'on atteint non pas l'Âge de Raison, mais l'Âge de Production.

(Comme je le disais il y a quelques jours à mon amie M., on ne devient pas "pris"… on naît "pris".)

Tout faire pour en profiter pleinement, pour que rien ne soit gaspillé, même quand je ne fais absolument rien.

L'occasion rêvée de mettre en pratique ce précepte que je me suis noté le 19 août passé:

"Je dois vivre avec une ambition démesurée
comme si j'étais Immortel
mais avec le plus grand discernement
comme si j'allais mourir demain."

7 Commentaires:

Salut Simon,
C'est un beau texte, qui me rends un peu triste, je ne sais pas pourquoi.
Mais je t'écris surtout pour te dire ceci : j'ai eu également un cours de cinéma avec Jean-Antonin Billard, quand j'étais au cégep (je suis allé aussi à Édouard-Montpetit, mais en sciences pures - eurk). C'était en 96 je crois. Un cours marquant : il ne cessait de traiter tout le monde d'inculte dans la salle parce qu'ils jacassaient et ne l'écoutaient pas, mais moi j'écoutais attentivement, et j'étais un des seuls à avoir eu de bonnes notes. Les films que j'avais vu là m'avaient marqués (Le cuirassé potemkine, Les temps modernes, Citizen Kane, Les ordres). 4 cours avec lui, ça devait être super.
Bonne soirée.

Simon said...
Merci Jean-Philippe, j'apprécie.

Ce que tu décris des cours de Billard ressemble à mon expérience, seulement moi c'était en 93 je pense. J'ai eu deux cours avec lui, deux avec Christian Rasselet. Les Ordres, Citizen Kane, Les Temps Modernes, oui, de beaux moments dans une période personnellement très noire.

Louise said...
Est-ce que je sais qui je suis ? ;-)Pas vraiment. À vrai dire, j'y pense de moins en moins; mais par contre, je pense de plus en plus que je deviens; et plus je deviens on dirait que moins je suis...Y'a un philosophe qui rôde sur ton blogue, mon cher Simon, je sais pas s'il peux m'éclairer un peu là-dessus afin que je fasse mastiquer ma petite lanterne " d'Aristote " sur ce sujet pour le moins " épineux ", s'il a un peu de temps, bien entendu...Et même si j'en connaissais plusieurs passages, j'ai bien apprécié ma visite...à tes mots...Merci et Bonne Nuit.

Simon said...
Merci Louise.

Je ne saisis pas trop ce que tu me dis au sujet de Devenir vs. Être. Ça mérite des élaborations ailleurs que dans un commentaire, je pense.

Louise said...
Une elbowration ? ;-) Non, les coudes de mon âme souffrent déjà assez comme ça ;-) J'ai écrit ça hier soir sans vraiment savoir ce que j'écrivais...(encore une fois) je pense que ça sert à rien avec moi d'essayer d'élaborer quoi que ce soit, dans les mots comme dans les pensées; c'est pas de ma faute, ce sont mes « effets-mères » qui me font écrire de telles choses...Doit bien exister un mot en quelque part, juste un seul, qui comprendrait TOUS les autres, ceux de la dite Élaboration, ;-) Je le cherche encore ce mot unique, ce mot rempli de tous les autres, qui ne voudrait probalement rien dire lui aussi..Ce sera mon ultime projet pour les mois qui viennent. Je pensais bien l'avoir trouvé jeudi soir dernier, dans cette pièce, mais ce n'était pas encore lui, ce n'était pas celui qui s'appelle POÉSIE...

Simon said...
Un seul mot? Vivant.

Louise said...
VIVANT, peut-être...oui, LIVE...
octobre 01, 2006 11:40 PM

26 septembre 2006

En vrac

TIDELAND, de Terry Gilliam

J’ai triché. Ça faisait trop longtemps que j’attendais. Et puis à sa sortie, au mois d’octobre, je doute fort d’être capable de me libérer quelques heures pour aller le voir (entre le travail, les enfants, les soins à la maman enceinte et le ménage, il ne me reste plus beaucoup de temps ou d’énergie… des plans pour m’endormir dans le cinéma). Alors voilà. Je l’ai trouvé, un rip presque parfait probablement tiré du DVD qui est sorti (légalement) en Russie.

Que dire? C’est le film que j’attendais, mais en même temps je ne m’y attendais pas. C’est fort probablement le plus triste de tous ses films (mais peut-être que je me dirais la même chose si je revoyais Brazil, The Fisher King, 12 Monkeys). Ici, rien, sauf l’Imagination, dénuée de son potentiel rédempteur ou psychotique. L’Imagination, pure, pleine de souffrance et de la plus sublime des incertitudes. Tout bascule, tout penche, tout chavire, et le son qui sort de la bouche est tout de même plus près du rire que du cri. La plupart du temps.

Je l’ai regardé deux fois, déjà, et je sens que je ne suis pas près de m’en lasser ou d’en être insensible. C’est trop près de moi, la lame tranche jusqu’à l’os.

Je n’ose pas trop en dire, de peur de gâcher quoi que ce soit pour vous qui peut-être le verront, alors je vais m’arrêter ici.
* * *

Je baigne dans les films, ces temps-ci. Baraka, Latcho Drom, Rushmore, Napoleon Dynamite, Buffalo 66, Tideland, Shadow of a Doubt, tous ils m’ébranlent et m’éblouissent… c’est à se demander si je suis encore capable de m’ennuyer devant un film. J’ai peut-être perdu tout sens critique. Quelle joie si c’était vrai. Quoi de plus triste que de ne plus être capable d’aimer quoi que ce soit?

Prochainement: Les Ailes du Désir (trop hâte de revoir Nick Cave & the Bad Seeds faire The Carny), Waking Life, Céline et Julie vont en bateau (la description que Jonathan Rosenbaum en faisait dans son livre Placing Movies -- The Practice of Film Criticism avait réellement piqué ma curiosité), Trust (de Hal Hartley, film que j’ai vu à Lyon en 1996 et qui m’avait fait un drôle d’effet), The Proposition (un autre film que j’attends depuis longtemps, qui vient de sortir en DVD, écrit et mis en musique par Nick Cave), Prospero’s Books, El Topo. Et cetera.
* * *

Je salue ici Jean-Philippe Morin (si tu le veux bien, je cesserai de t’appeler "Darnziak", puisque tu as déjà manifesté le désir de t’éloigner de ce pseudonyme, et que moi-même j’ai une aversion assez prononcée envers les pseudonymes, alias, noms de plume et autres cachoteries), dont c’est l’anniversaire cette semaine, et dont la dernière entrée de blog, appelée "Qu'est-ce que tu veux faire, quand tu seras grand?", m’a touché comme lui seul semble le faire.

Tout est dans cette phrase: "On dirait parfois que je ne veux plus rien. Je perds le cap, je me perds dans des bancs de brouillards. Pour moi, la fin de la vingtaine ressemble à un interminable banc de brouillard. Tout est devenu blanc, je ne vois plus rien."

À 31 ans, il me semble que je commence à peine, peut-être, à sortir de ce brouillard qui m’est si familier. La Blancheur me guette toujours.

5 Commentaires:

Louise said...
Bonjour Simon,

Tu vois, moi, le cinéma, ça ne me branche presque plus, sans doute parce que j'en ai trop vu depuis le temps où je restais à la maison à visionner comme tu le fais unpaquet de films qui nous évadent de notre quotidien . Mais ça demeure quand même la plus belle évasion je pense quand la jeune famille nous retient plus à la maison qu'ailleurs. Il est vrai que j'ai beaucoup plus de temps à accorder aux sorties LIVE..La vie passe par là, sous nos yeux réels, dans ces salles de concerts, de théâtre, de jeux, dans les bars où tu peux parfois y voir s'y dérouler des scènes que t'auras jamais même vues dans le meilleur des films de Gilliam..;-) Je te dis pas ça pour que tu te mettes à sortir et à négliger ta famille, non, mais de temps en temps, voir un Artiste exécuter son art en plein vol, en plein chant, ou en pleine parole, a de quoi venir satisfaire l'Inspirée que je demeure et lui faire déverser des torrents de mots nouveaux....Voilà, tu vois, il suffisait que tu écrives ces mots-là pour que je le sois encore une fois... J'aime toujours quand tu écris.

Étrange, je t'ai écrit un commentaire, et ça affiche 0, mais on le voit quand même..je réessaie.

Merci Simon, c'est gentil. J'ai parfois l'impression que les choses devraient s'éclaircir, passé 30 ans, je ne sais pas pourquoi. On en reparlera...

(Pour ce qui est de Darnziak, je suis enregistré sur blogger avec ce nom alors je dois bien assumer que ce soit mon « nom » sur le net... mais ce n'est pas un pseudonyme, c'est certain).

Louise said...
Bonne Fête encore cher DARNZIAK...;-)

Simon said...
Louise: D’abord, si je regarde des films ce n’est pas pour "m’évader de mon quotidien". Je trouve que c’est une mauvaise façon d’aborder la chose. Je ne cherche pas à fuir, je cherche à connaître. Je ne cherche pas à oublier, je cherche à comprendre.

L’Imaginaire fait partie de mon quotidien; c’est peut-être pour ça que je n’aborde pas ça ainsi.

Je ne me sens pas du tout "retenu" par ma famille. Mes enfants, ma Compagne, l’Imagination, c’est un tout dont je ne saurais me passer. Le cinéma est une nourriture, au même titre que la lecture et la musique. Même chose pour les histoires que j'écris. Ça enrichi mon quotidien. Ça lui est parallèle et non perpendiculaire. Jamais je ne réussis à m’évader de ma tête. Bien chanceux ceux qui en sont capables. Et puis je regarde des films dans mes longs trajets d’autobus et pendant mes longs trajets de vaisselle, question d'optimiser le peu de temps que j’ai.

Je suis conscient de la magie d’un événement "live"... j’aurais d’ailleurs beaucoup aimé voir Silver Mount Zion, le 5 septembre dernier, mais j’ai tout de même pu écouter ce que ça a donné (merci à la personne qui a enregistré le show), et comme ça, comme un fantôme, j’ai l’impression d’avoir été là, un peu.

Jean-Philippe : Oui, on en reparlera, j’aimerais ça.