20 novembre 2006

Attente

[Premier et unique jet de mes pensées et réflexions ambiantes en ce lundi 20 novembre] [1]

Le bébé pèse contre les parois de sa sphère englobante, et avec une anxiété subliminale sent que quelque chose tire à sa fin.

D'un jour à l'autre, d'une minute à l'autre, tout pourrait changer de registre. Arrêt de travail pour moi (officiel et encadré et prévu et rigoureusement défini), métamorphose temporaire de la vie familiale de notre petit cocon.

Mais d'abord, à plus court terme, l'accouchement lui même. Chez nous. Seuls. En 2006, mais de manière primaire, épurée jusqu'à l'essentiel, libérée des conventions médicales mais avant tout bureaucratiques qui entravent l'expérience de tous ceux que ça implique (la mère surtout). Les écrans cathodiques nous montrent des cris et du sang et des drames et des complications, si bien qu'on en vient tous à ne plus croire qu'à ça, alors qu'en fait ce sont des fabrications sensationnalistes. (De la même manière que si un extra-terrestre étudiait nos émissions de télé, il en viendrait à croire qu'il y a des tueurs en série à tous les coins de rue.) Et tout ça fait bien l'affaire de bien du monde. Pour les hôpitaux, tout est une question d'argent, qu'on ne se raconte pas d'histoires. S'ils prônent tellement les césariennes, on peut être certain que c'est parce que c'est la solution la plus économique (time is money is time is money).

Oui, il y a des risques, mais ils sont encore plus grands quand on accepte toutes les "précautions" sans se poser de question. La Mort est partout, qu'on le veuille ou non.

Tout ça pour dire que nous tournons le dos à notre époque, là dessus et sur bien d'autres points. Fuck la médecine, fuck l'éducation, fuck l'argent, fuck la bureaucratie, si nous avons décidé de fonder notre famille ce n'est pas pour jouer le jeu. On est condamné et on ne peut rien contre une machine aussi puissante qu'aveugle, mais on va résister quand même.

Quand notre troisième enfant va arriver, nos portes seront fermés, le téléphone sera déconnecté, et il n'y aura que Simon, Mélissa, Xavier, Colin, et une cinquième créature humaine dont nous ne savons encore rien, ni le sexe ni le nom. Et vous pouvez être certains que le Gouvernement ne saura son nom que quand ça nous conviendra de le lui apprendre, personne ne nous mettra de la pression cette fois-ci. [2]

On passe notre vie dans les mensonges et dans les faussetés. Autant que possible, moi et ma Compagne tentons d'exclure ces contaminants de notre maison. On ne peut pas toujours réussir, mais parfois --- comme maintenant --- on gagne de petites victoires.

Une Femme, un Homme, des enfants, et un nouveau bébé. Un toit pour les garder au chaud contre l'Hiver qui s'installe. Une vérité simple mais infinie dans ce qu'elle contient.

Et un Homme qui --- ayant perdu depuis longtemps le goût de vivre --- profite de chaque instant de vérité comme si c'était un cadeau divin ou une magie de druide. Et qui parfois s'oublie et --- s'oubliant --- arrive à sacraliser son existence en une incantation écrite.


[1] Relisant ce texte je redoute --- à tort ou à raison --- le cynisme potentiel de certains lecteurs, leur jugement et leurs critiques et leur haine de tout ce qui bouge, mais je pense aujourd'hui qu'il ne faut pas qu'on les laisse tout s'approprier, et que personnellement le seul moyen de perdre mes réflexes d'auto-défense c'est en arrêtant de douter de moi-même, le plus possible.

[2] Je fais ici référence au fait qu'à la naissance de notre premier, tout avait débuté dans une maison de naissance mais à cause de certaines soit-disantes "complications" ça s'est fini à l'hôpital, où à peine cinq minutes après la naissance des fonctionnaires en habits stérilisés me faisaient remplir des foutus questionnaires à la con. J'avais envie de leur étamper une main pleine de sang sur leur beau papier propre.

2 Commentaires:

swan_pr said...
pour avoir vécu deux césariennes (d'urgence, après plus de douze heures de travail dans les deux cas) je suis tout à fait d'accord avec toi. plus tard j'ai appris que mon travail avait très certainement été perturbé par les médicaments qui m'avaient été administrés.

que d'amour! l'image de votre famille, à l'écoute, fébrile, heureuse... c'est très fort.

je vous souhaite tout plein de bonheur.

Simon said...
Je compatis avec tes expériences.

Merci beaucoup pour tes souhaits.

Oui, nous vivons actuellement des moments privilégiés, tous les quatre (cinq). Je m'efforce de ne penser qu'à ça.

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