OK, j'hésite à en parler parce que j'ai l'impression que ça touche à une corde sensible, comme si le seul fait de poser la question était presque une insulte, une attaque personnelle, alors disons que c'est un "ami" dont toutes les pensées sont empoisonnées qui m'aurait posé la question, que ça fait un bout de temps que ça le préoccupe, et que moi ça m'intrigue aussi assez pour que j'en parle ici.
La question, donc:
"Pourquoi publier?"
Juste ça. Mais il faut être sévère et aller jusqu'au bout de sa réponse, car les racines du questionnement sont profondes.
4 commentaires:
Je vois quelques raisons, profondes ou moins profondes. Je ne me gêne pas de sortir le cliché : écrire c'est l'important, j'écrirais quand même sans publication. Les raisons de publier sont autres que les raisons d'écrire. Liste pas exhaustive.
Pour que ça circule. Pour atteindre plus de gens que les gens qu'on atteindrait en imprimant ses cossins et en les faisant circuler par ses propres moyens.
Pour la reconnaissance, bien sur. Pour combler un besoin d'amour. C'est dit un peu crûment, mais c'est ça. Pour que son image publique corresponde à sa perception de soi-même. Pour rendre sa démarche un peu moins vaine... aux yeux de ceux qui ne la comprennent pas ou la méprisent.
Pour le cash. Qu'on soit prêt ou non à compromettre sa démarche, à se « vendre » ou whatever, on ne peut pas faire autrement que d'être alléché par l'idée de gagner une partie de sa vie du moins, grâce à ça plutôt que grâce à n'importe quelle autre job désagréable qui met en contact avec des êtres ou des tâches insignifiantes, indésirables, épuisantes, etc.
D'abord, merci pour ton passage, ton commentaire. J'ai commencé à rédiger une note où je réponds à ma propre question, mais de pouvoir en discuter avec toi rend la chose d'autant plus intéressante.
Tes raisons sont bonnes, et je ne vais certainement pas les réfuter. Tu résumes très bien la chose.
Mais (il y a toujours un "mais" avec moi) à mon sens ces raisons se situent au niveau de l'intention; on *aimerait* que ça advienne suite à la publication. Mais si je fais mentalement le tour des écrivains dont je me sens en mesure de parler (je ne veux pointer personne du doigt en les nommant), je n'en vois pas qui ont réellement obtenues ces choses, ni au Québec, ni ailleurs.
Quelques uns, les exceptions qui confirment la règle, les "success stories", voient leurs textes être ditribués de façon massive, et réussissent à en vivre. Mais c'est comme la loterie, faut pas compter là-dessus. Et malgré leur succès, ils ne me semblent pas arriver à un équilibre plus robuste que n'importe qui d'autre. Le besoin d'amour n'est jamais comblé. La démarche est toujous précaire, le doute plâne toujours, et de plus en plus.
Alors je reviens au point de départ...
Je tiens à préciser que je n'essaie pas de dénigrer des démarches, ou d'argumenter quoi que ce soit. Je me pose réellement la question, car plus j'y réfléchis, moins je comprends. (Chose qui ne me surprend pas; mon esprit en entier se désintègre.)
Bien sur, je ne peux faire abstraction de ton objection, mais mon raisonnement se base sur des espoirs et non sur des causes ayants des effets prévisibles.
Mais je n'ai aucune raison valable de tuer cet espoir.
De plus je ne vois pas les "résultats" dont je te parle comme complètement "absents" ou complètement "présents". Dans le cas de l'estime personnelle, de l'accomplissement, autant que dans le cas du mode de vie et de la façon de gagner cette vie, des "résultats" intermédiaires sont possibles. C'est particulièrement flagrant en ce qui concerne la rémunération. Plus d'argent gagné grace à des activités littéraires = moins d'heures de travails moins édifiant nécéssaires pour payer la bouffe et plus de temps libre pour écrire. Ainsi de suite.
Plus de visibilité, plus de potentiel de rencontres enrichissantes = plus de bonheur.
Il n'est absolument pas question, ici, d'éliminer tous désagréments.
Une publication n'empêchera jamais le monde dans lequel on vit d'être de la marde.
Le but visé est simplement de s'en sortir les trous de nez, les yeux et la bouche... De respirer un peu mieux.
J'en reviens à mon espoir initial. Pas de certitudes de mon côté non plus.
Encore une fois, Al, merci pour ta présence ici.
Oui, le faire pour respirer mieux, et baigner davantage dans un univers qui nous ressemble. Ça sonne vrai, ça résonne authentique.
Pour ce qui est de gagner de l'argent grâce à des activités littéraires, je vois ces possibilités (et dans chacun des cas il faut se demander si les compromis implicites en valent la peine):
1. Écrire pour des journaux/magazines
2. Devenir prof
3. Se consacrer à l'écriture et donc (dans la plupart des cas) vivre de l'assistance sociale et (dans certains cas) des bourses sporadiques
4. Devenir le prochain Bryan Perro, la prochaine Chrystine Brouillet, etc.
(Indépendamment de leur faisabilité, c'est la troisième option qui me semble la meilleure.)
Ma réflexion se poursuit, enrichie de tes propos, mais je pense que tout ça est trop fusionné à mes propres préoccupations pour que je puisse continuer à en parler de façon générale et théorique.
Pour résumer: j'écris (bein non, je n'ai pas encore arrêté); dans le pire des cas, ce que j'écris n'est pas publiable; dans le meilleur des cas, ça le serait peut-être, mais ça n'intéresserait qu'une hypothétique poignée (et ça ne se rendrait qu'à une fraction de celle-ci); jamais je ne pourrais en faire assez d'argent pour penser me soustraire au "marché du travail"; je ne cherche pas non plus l'approbation de qui que ce soit, la force de mes propres obsessions me suffisant; je ne suis pas de nature sociable, alors je ne serais pas en mesure de bénéficier des rencontres enrichissantes que tu mentionnes.
C'est dans ce contexte infiniment personnel que je me pose donc la question originale, espérant que les réponses des autres pourront enrichir mon questionnement.
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