29 juillet 2015

Defeating the Self-Fulfilling Prophecy

Il arrive que l'on pose un constat si pertinent qu'il s'impose comme un monolithe et fait cesser la réflexion.  Il n'y a alors plus de progression, et on s'enlise dans une réalité qui n'a de fixe que la conception que l'on s'en fait.

Il y a longtemps, en 1995 je crois, j'ai écrit le texte qui suit.  L'introspection nécessaire avait été si réussie que cette analyse de moi-même est devenue ma référence.  Et ma prison.

Je relis ce passage aujourd'hui pour mieux le confier aux oubliettes psychiques.

#MovingOn #NotGoingBack #MovingPastYourself #BreakingFree #ForYourEyesOnly


Le Discours de Philippe
 
Je ne crois pas être quelqu'un envers qui on peut encore avoir beaucoup d'affection ou d'admiration. J'impressionne rarement par la force de mes convictions. Après tout, je n'ai pas très confiance en moi et je manque d'assurance et --- c'est bien normal --- on ne s'intéresse pas longtemps aux faibles.
 
On s'attriste souvent de mon sort, on a pitié de l'échec inévitable de mon existence, parce que je suis un hybride: il y a en moi le désespoir agaçant d'un adulte et les manies maniaques d'un enfant.
 
Les rebelles révolutionnaires ont en commun avec moi un refus radical, mais moi je n’ai pas comme profonde ambition de "changer le monde." Je trouve que c'est le pire cliché possible. Je ne crois pas en mes possibilités et en mes capacités à ce point là. Mon dégoût et mon mépris sont dirigés contre tout, contre moi, contre le Monde lui-même. Je suis capable de ressentir un étrange bonheur ou un désespoir fiévreux, face à pas mal n'importe quoi. Ça dépend des jours. La vie est à la fois ma malédiction et ma bénédiction. Je suis con. Je suis un ontolo-mako.
 
Malgré tout, certaines personnes aiment me parler. Même que certains me trouvent drôle. Ça peut être agréable de discuter ou de partager du vécu avec moi, parce que j'écoute bien j'imagine, ou (comme mon ami Antoine me l'a déjà dit) parce que je sais lire entre les lignes. Mais je suis rarement celui avec qui on agit.
 
C'est parce que je suis réservé, retiré, solitaire. Les autres m'affectent beaucoup, beaucoup trop. Aussitôt que je parle devant plus qu'une personne je me sens devenir ridicule et je bafouille, bégaye et barouette. Quand quelqu'un m'adresse la parole je suis aux aguets, perpétuellement en état de surprise. Souvent, le seul fait d'entendre quelqu'un prononcer mon nom, me consterne et m'inquiète. Pourtant, sans personne avec qui coexister, sans amis, je ne suis qu'un microbe, une plante, un vivant. Et j'ai souvent peur que ça soit ça, vieillir: voir les choses de plus en plus organiquement, et vivre dans une continuelle et déchirante amorphité… un stade d'existence où la moindre action, rencontre, ou idée devient aide-mémoire, te disant: "Penses-y, et tu verras que ça ne donne rien de bon."
 
On pourrait appeler ça de l’insécurité. On pourrait.
 
Je suis égocentrique (pas le choix), mais je ne crois pas être égoïste. Ou peut-être que c'est le contraire. Ou les deux. Je ne sais pas. Je ne sais rien.
 
À force d'observation, j'ai pu voir que les gens qui me côtoient sont d'abord intrigués, ensuite se sentent confortables avec moi, puis lentement en viennent à se sentir mal à l'aise, et puis finalement ils se distancient et choisissent de rester loin de moi. Ça peut varier selon les individus mais c'est généralement comme ça que ça se passe. Face à moi-même, j'en suis quelque part entre la troisième et la dernière étape, entre le malaise et la rupture.
 
Depuis que je sens mon isolement (depuis l'émergence d'une Conscience, en fait), c'est difficile pour moi de me faire des amis, de connaître et de me faire connaître, de me faire valoir aux yeux d'un autre.
 
Ne sachant plus quoi faire de moi, voyant toutes mes amitiés, tous mes amours, se désagréger ou se transmuter en quelque chose que je ne comprends pas, j'ai décidé de partir de ces endroits qui m'étaient familiers, je me suis résigné à être seul. Ça me condamne sans doute à être seulement et uniquement dans ma propre tête, en tout temps, en toute occasion, pour toujours peut-être.
 
(C'est du moins ce que ça semble vouloir dire pour moi. C'est ce qu'il faut garder en tête: tout ce que j'affirme ne concerne que moi, ne s'applique qu'à ma petite et insignifiante personne. Je n'essaie pas de faire passer mes dires pour des vérités universelles, puisque je ne crois pas qu'elles existent.)
 
J'aimerais être pieux et serein mais je pressens que ça va toujours faire mal, n'est-ce pas, et de plus en plus? Et qu'il n'y aura pas de répit, et qu'il ne me reste qu'à m'y habituer.

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