Me sentant exister jusque dans mes moindres extrémités, étant en ce moment complètement incarné dans ma corporalité, je sors et laisse la brise me caresser comme une amante, concubine sacrée de l'amour éolien. Je ferme les yeux, ouvre la bouche légèrement. J'expire, plusieurs fois, rapidement, lui témoignant du plaisir que je ressens. Je sens son toucher sur mon visage, mon cou, ma poitrine, mes flancs, mes côtes, mes bras, mes mollets, mes genoux, mes cuisses. Elle m'entoure, entièrement. De longs moments ont passés, durant lesquels j'étais affairé sans y penser. Je me retire de son étreinte un peu contre mon gré, et me dirige vers l'eau.
Surplombant le bassin, je vais sous la surface et fais des vas-et-viens attentionnés, doucement, caressant les parois intérieures de l'amalgame liquide, prenant soin de parcourir la totalité de la superficie sous-marine, n'oubliant aucun des petits replis délicats, récoltant par la friction de mes actions chaque particule recouvrant cette cavité, repassant encore et encore à certains endroits qui en ont un peu plus besoin, avec un peu plus de force, un peu plus de pression.
Devant reprendre mon souffle, je réintègre mes quartiers et retourne à mes associations inégales avec la terre et ses surfaces. Je m'installe dans ses territoires et, à grosses gouttes de sueur, je lutte et je me tourne et me retourne, sentant que je perds la bataille, la moindre granulation de cet élément s'insérant dans chaque creu de mon corps. Malgré tout je persiste. À coups de lacérations et de subjugations électrifiées, je fais ce que je peux pour dompter, maîtriser. Mes doigts s'enfoncent et en ressortent humidifiés, dégageant une odeur riche et enivrante. Je traverse les douces toisons végétales, avec délicatesse, ne voulant pas trop tirer sur les racines de ces protubérances. (Et puis je vois par terre des plumes, restes concrets de mes ébats aériens.) Je lutte aussi longtemps que je le peux et puis juste comme on allait avoir raison de moi et me conquérir, je me retire et laisse cette matière terrestre à ses propres pulsions machistes.
Malgré la chaleur je dois finalement me rapprocher du Feu. Comme des morsures stridentes, des griffes labourant ma peau, les flammes n'épargnent rien et lèchent chaque millimètre de mon corps. Quand la douleur me fait plisser les yeux, je vois des lueurs pétillantes à travers mes paupières. Je relâche tous mes muscles et me résigne à l'incinération. Si l'incandescence diminue, si elle commence à manquer d'oxygène, je souffle doucement sur les tisons, avec constance, persistance, et puis elle se ravive. J'ajoute du combustible et l'abandon s'impose à moi. Depuis tout en bas dans mon bassin, et puis gravissant les échelons jusqu'à ma poitrine et puis ma gorge, je sens la chaleur monter et s'intensifier, désintégrant ma Pensée mais me laissant mes songes.
Enfin, le quatuor élémental étant complété, je laisse un grand soupir aller, je respire doucement, profondément, le feu s'évaporant, la sueur perlant sur mon corps, l'air l'asséchant, la Terre me supportant et me berçant.
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