Ayant trouvé le nouvel emplacement de la station SG-120375-88, le Saboteur sourit de constater qu'il n'y a pas de clôtures, pas de barbelés, et qu'elle est sottement entourée de grands arbres touffus, ce qui rend tellement facile son approche dissimulée. Ensuite, à son amusement se mêle le mépris, car aucune des entrées ne semblent verrouillées.
"Décidemment, ces imbéciles pacifiques ne s'attendent pas du tout à être infiltrés. Pas de système d'alarme, pas de détecteurs de mouvements, pas de caméras ou de senseurs à infrarouge. C'est abandonné ou quoi? Non pourtant, le registre a été signé et daté ce matin. Leur sentiment de supériorité et/où d'invulnérabilité a atteint des proportions mégalomanes."
Le Saboteur sait qu'il sera ici pour des semaines, voire des mois, alors il doit sonder chaque sections de la station pour la connaître sur le bout de ses doigts, pour qu'il y soit encore plus à l'aise que ses occupants, et qu'il y soit le maître de façon secrète mais indéniable.
Son coeur bat avec une cadence qui subit encore l'influence électrisante de l'adrénaline, mais il ne sait pas combien de temps cela va persister; les lieux sont si visiblement paisibles.
"C'est d'un laxisme qui ne fait pas que frôler la négligence, mais qui s'y plante fermement comme une flèche dans le centre absolu d'une cible. Comme si les responsables de ce Dogan se croyaient hors de portée, sains et saufs, immunisés au danger parce qu'ayant déplacé leur quartier général dans une région à l'écart de la majorité des batailles. Ils n'ont décidemment rien compris."
Il passe par l'observatoire qui est installé en haut de ce qui normalement devrait être une tour de garde ("Si ces incompétents avaient la moindre idée de ce qui les menace..."), et il constate la qualité manifeste de l'équipement qui s'y trouve. Un téléscope de haut calibre, incliné à 45 degrés vers le haut. De multiples instruments de mesures et d'observation n'ayant visiblement jamais été utilisés.
Il redescend, traverse une salle de loisirs montrant des signes d'activités récentes, avec des ordinateurs dont les écrans de veille ne se sont pas activées. Des livres un peu partout (romans, bandes dessinées, histoire ancienne, livres d'arts). Des jeux de tables, installés sur plusieurs tables, interrompues ou laissées en suspend.
"Ne réalisent-ils pas qu'ils sont en guerre, et à deux doigts d'être rayés de la face du monde?"
Ahuri, il sort de cette pièce et continue son catalogage mental de la station. Plusieurs petites pièces à vocations utilitaires, sans intérêt, et puis finalement... ce qu'il recherchait... la salle des communications.
"Personne ici non plus. La porte grande ouverte, sans mécanismes d'accès. Incroyable. Un poste de travail déverouillé; moi qui espérait avoir à essayer mon nouveau débrouilleur... tant pis. Bon voyons voir. Ah, trop facile. Une simple boîte de messagerie, tout est bien classifié, je n'ai qu'à tout copier sur ma clé."
Pendant que l'information est dupliquée, dédoublée, il survole le contenu des différents dossiers.
"Tout est là, en clair, sans encryption aucune. Le plan des lieux, le calendrier et les échéanciers de leurs différentes opérations..."
Lisant des communiqués se trouvant dans des sous-dossiers plus profonds, il trouve toute la correspondance du grand responsable actuel. Le détails de ses activités, envoyé quotidiennement à son supérieur où même à des adjudants et subalternes. Ses pensées, ses impressions, ses réflexions.
"Il leur confie tout, faisant preuve d'une honnêteté et d'une ouverture suicidaire. Comme s'il voulait ainsi donner l'impression aux autres de n'avoir rien à cacher, rien à se repprocher. Ou encore comme s'il voulait s'en convaincre lui-même pour soulager sa culpabilité. Ce sera trop facile pour moi de tout intercepter ce qui sort, et d'insérer dans leurs communications sortantes de vagues récriminations, des exigences voilées, des affirmations contrariées. J'accepterai les traités désavantageux, sans protester, et refuserai les alliances bénifiques de façon catégorique. Utilisant l'identité du chef, je questionnerai les motifs de mes collègues. Je cesserai de remplir mes compte-rendus quotidiens, si bien que ça semblera suspect. Je poserai des questions ayant déjà été posées. Je laisserai certaines questions sans réponse, et le silence se remplira de soupçons. Je laisserai tomber les marques de respect et de courtoisie qui jusqu'ici étaient constantes et sincères. Et à d'autres moments je serai exagéremment sérieux, bizarrement solennel. Le ton changera graduellement, se teintera lentement d'amertume, d'indignation et de méfiance. Les personnes impliquées le prendront de façon personnelle, et assumeront toutes sortes de scénarios imaginaires, si bien que le climat d'harmonie qui règne parmi eux, mais surtout entre eux et leurs alliés, sera d'abord troublé, puis perturbé, et finalement ce sera la confusion et le chaos et tout s'écroulera sans même que je n'aie à poser une seule bombe."
Et c'est ainsi que le Saboteur débuta sa mission, qui consistait à infiltre l'ennemi et puis à s'y greffer comme un parasite ou un virus, afin d'anéantir dans le calme, sans violence, avec le minimum d'intervention et d'effort.
"Vous m'avez échappé une fois, et il est évident que vous croyiez vous être débarassé de moi pour de bon. Ah, mais comme votre paix est fragile. Comme votre stabilité est précaire. Mes objectifs seront atteints en un rien de temps, et vous retomberez en état de crise, constemment sur le point de la catastrophe, abandonnés par vos ex-alliés et destinés à disparaître."
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