30 décembre 2010

Naked

"Sadness at the deadness of the material world"

Une phrase de Mike Leigh, tirée d'une conversation avec Will Self, alors qu'ils s'attardaient à la dimension spirituelle du film Naked.

Ça m'a tout de suite fait penser à William Blake. En fait, je pense que cette formule s'applique, d'une façon ou d'une autre, à tous les écrivains qui me touchent.

Voici, pour le plaisir, le poème London de Blake:

LONDON

I wander thro' each charter'd street,
Near where the charter'd Thames does flow.
And mark in every face I meet
Marks of weakness, marks of woe,

In every cry of every Man,
In every Infants cry of fear.
In every voice; in every ban.
The mind-forg'd manacles I hear

How the Chimney-sweepers cry
Every blackning Church appalls.
And the hapless Soldiers sigh
Runs in blood down Palace walls

But most thro' midnight streets I hear
How the youthful Harlots curse
Blasts the new-born Infants tear
And blights with plagues the Marriage hearse


29 décembre 2010

Tel quel

Je sens ça venir, le retour de la Noirceur. Je marche, fin décembre, petits flocons qui tombent sur le Centre Ville, et j'imagine tout ça abandonné, la race humaine depuis longtemps disparue, laissant derrière du métal et des briques. Lonesome Wyatt dans les oreilles, il me dit que j'ai raison. Je sens ça venir. La fatigue qui jamais ne me quitte, café ou pas café, cette langueur pas du tout langoureuse, un découragement généralisé. Le soir, tout le monde couché, se demander si c'est le bon soir pour mourir, mais comme toujours être sauvé par cette même fatigue. Je sens ça venir, et c'est presque réconfortant. Comme de s'enfoncer dans un bain chaud où il fera bon de s'endormir, de s'enfoncer, et puis de se remplir les poumons d'une eau où flottent nos peaux mortes.

* * *

[Écrit rapidement dans mon petit calepin, entre deux stations de métro, devant les yeux incrédules d'un couple de personnes âgées.]

A moment of stillness
where one has the
ability to take it in
absorb some small
parcel of truth,
that cobalt which lies
behind
every
little
thing.

22 décembre 2010

Adaptations

"I think that adaptation is largely a waste of time in almost any circumstances. There probably are the odd things that would prove me wrong. But I think they'd be very much the exception. If a thing works well in one medium, in the medium that it has been designed to work in, then the only possible point for wanting to realize it on "multiple platforms," as they say these days, is to make a lot of money out of it. There is no consideration for the integrity of the work, which is rather the only thing as far as I'm concerned."

-- Alan Moore, dans une entrevue de 2009

Alors, ceci étant dit, j'invoke Jebus et Cthulhu pour que foirent tous les maudits projets d'adaptations, de On the Road à Dark Tower en passant par Black Hole.

Pensée du Solstice

"Traînant derrière lui une grande robe blanche, ce Fantôme avait la forme d'un vieillard vicieux, sa barbe étant composée de grands glaçons acérés, son corps un magma de gel bleuté. Très rapidement il passa au dessus d'elle sans la voir, laissant derrière lui son voile glacial qui se déposait tranquillement sur la Forêt. Au contact de ce voile, les feuilles qui restaient se figeaient, l'écorce se couvrait de frimas, les fougères se glaçaient et craquaient. […] La pleine lune, blanche immaculée, était haute dans le ciel, et était entourée d'une Anneau de Fée, cet arc-en-ciel brumeux qui fait frémir les contrées glacées que surplombe l'astre de la nuit.

Le Fantôme touchait à tout, envoyait partout son souffle subarctique, il n'oubliait rien et ne négligeait personne."
(Extrait de La Sorcière de Feu)


Morozko, illustration d'
Ivan Bilibin

* * *

En cette période où nous atteignons le bas-fond le plus obscur de toute l'année, j'aurais ceci à dire: il faut être bon avec ceux qui nous entourent (et avec nous même). Nous allons tous mourir. La souffrance est inévitable mais il est en notre pouvoir de ne pas en rajouter. Voilà.

1 novembre 2010

Samhain 2010

Hier, on discutait moi et ma Compagne de ces jeunes zombéifiés qui passent l'Halloween de façon stoïque et sans enthousiasme. Leurs parents les conduisent en voiture d'une porte à l'autre, souvent ils sont à peine déguisés, ils se rendent à la porte, cognent, ne disent rien, récoltent leurs bonbons et puis repartent sans rien dire.

Le premier réflexe est de se scandaliser de ce manque flagrant d'étincelle. Mais au lieu de ça, j'étais triste pour eux. Et surtout, j'étais fier et rempli de joie, me trouvant chanceux d'avoir près de moi trois beaux garçons vivants et enflammés par la Fête, prenant part à la soirée et à ses rituels avec énergie, sourires, bonne humeur, vitalité.

Oui, j'étais fier de mes trois gars. Pour des enfants n'allant pas à l'école, supposément en manque d'interactions sociales, je les ai trouvé pas mal plus "sociaux" que tous les autres enfants que j'ai vu.

22 octobre 2010

Le Talent

[Idée notée le 18 juin 2010, en après-midi]

Le Talent est cette chose qu'on s'imagine un jour posséder; après quoi plus rien n'est pareil, et la gloire de la Création se transforme en une complexe affaire qui ne s'occupe plus de ses oignons.

Genre

[Réactions arbitraires et désordonnées au texte du Mercenaire sur la littérature de "genre". Je le répète: arbitraires et désordonnées.]

Je suis complètement d'accord avec le constat, l'absurdité de la catégorisation ainsi que l'aberration psychique avec laquelle on se retrouve — tous et chacun, peu importe où on se trouve (lecteur ou écriveux), peu importe notre position sur la chose. Ces catégories nous ont contaminé le cerveau, qu'on le sache ou pas, et même si on les abolissait aujourd'hui on continuerait fort probablement de penser en ces termes là pour le restant de nos jours. On est pris avec, j'en ai bien peur. "Language is a virus," pour paraphraser un autre Mister B.

Mais là où je débarque, c'est dans les recommandations. Ne faites pas ci, ne faites pas ça, brulez tel livre, lisez celui là.

Si on veut commencer à remettre les choses en question, il faut aller jusqu'au bout. Remonter le problème à la racine. C'est-à-dire, l'acte de publier dans sa totalité.

(J'ai déjà écrit là-dessus ici et ici et ici.)

On n'a plus besoin d'écrire de nouveaux livres. Il y a en existence assez de livre pour satisfaire l'appétit littéraire de qui que ce soit, pour toute une vie. Inutile de continuer à publier.

Si toutefois on a envie d'écrire, parfait, je m'en réjouis. Je continue de penser que la pulsion de créer est importante, cruciale et précieuse. Mais alors, bordel, faites le dans la liberté la plus complète. Réécrivez tout Tolkien, si ça vous amuse. Embarquez-vous dans une série en bande dessinée racontant les aventures de petits lutins bleus. Écrivez 27 romans sur les aventures de votre personnage de Dungeons & Dragons. Quelle espèce d'importance? L'important c'est de s'amuser, de tripper. La pertinence d'un écrit, c'est une illusion. Les livres ne changent plus le monde, et depuis longtemps. Détrompez-vous quant à votre importance artistique individuelle.

"You are not a beautiful and unique snowflake. You are the same decaying organic matter as everyone else, and we are all part of the same compost pile."

S'il est vrai que dans le meilleur des cas on pourrait espérer rejoindre une âme sœur avec le fruit de notre création, il est aussi vrai qu'il y en a déjà eu plein d'autres qui ont fait au moins aussi bien, sinon mieux.

En fait, ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a d'important pour moi que l'acte de Créer. On ne peut se mettre à juger de l'originalité ou de la valeur de la Création d'un autre que coiffé d'un Orgueil des plus nuisibles. Il ne faut pas tuer le problème en augmentant le nombre d'interdits; il faut selon moi décapiter le Tyran qui nous impose le problème depuis si longtemps, c'est-à-dire le mode mercantile de distribution de livres.

Un peu d'humilité. Éventuellement vous serez mort. Éventuellement la race humaine n'existera plus, et même le chef d'œuvre le plus universellement reconnu sera réduit en poussières.

"- Vois-tu, mon vieux, c'est ce qui me donne des sueurs froides, parfois… As-tu jamais songé à cela, toi, que la postérité n'est peut-être pas l'impeccable justicière que nous rêvons? On se console d'être injurié, d'être nié, on compte sur l'équité des siècles à venir, on est comme le fidèle qui supporte l'abomination de cette terre, dans la ferme croyance à une autre vie, où chacun sera traité selon ses mérites. Et s'il n'y avait pas plus de paradis pour l'artiste que pour le catholique, si les générations futures se trompaient comme les contemporains, continuaient le malentendu, préféraient aux œuvres fortes les petites bêtises aimables!... Ah! quelle duperie, hein? quelle existence de forçat, cloué au travail, pour une chimère!... […]

- Bah! qu'est-ce que ça fiche? il n'y a rien… Nous sommes plus fous encore que les imbéciles qui se tuent pour une femme. Quand la terre claquera dans l'espace comme une noix sèche, nos œuvres n'ajouteront pas un atome à sa poussière.

- Ça, c'est bien vrai, conclut Sandoz très pâle. À quoi bon vouloir combler le néant?... Et dire que nous le savons, et que notre orgueil s'acharne!
"

Rien n'a d'importance. Sinon que dans le Présent, dans l'acte de création qui nous fait oublier notre douleur & qui nous fait vibrer.

On s'en prend à la mauvaise personne si on s'acharne sur l'individu qui suit ses goûts et se laisse aller à l'écriture, peu importe ce que ça donne. Car dans le fond, est-ce qu'il y aurait autant de proto-Tolkien si ce n'était de la promesse de devenir millionnaire avec un best-seller? Tout est là, pour moi. Traitez-moi d'idéaliste naïf si vous le voulez, mais je maintiens que si on séparait l'Art du Domaine Mercantile, on écarterait par le fait même tous les opportunistes qui ne se lancent dans la création que par appât du gain, et donc par le fait même tout redeviendrait beaucoup plus pur.

S'il y tant de nigauds qui se laissent séduire par une formule et qui s'efforcent de la reproduire, c'est parce qu'il y a un marché qui en redemande. Abolissons le marché, et sans aucun doute les formules disparaîtront aussi. Car à quoi bon copier, si on n'espère rien en retour?
* * *
Je recommande très fortement la lecture d'un texte d'Alan Moore qui vient d'être publié sur le Web, Fossil Angels (première partie, deuxième partie). À première vue ça n'a pas de lien avec le sujet qui nous concerne ici, mais dans le fond c'est de l'Art dont il est question, et des raisons (bonnes et mauvaises) pour lesquelles on Le pratique. Je suis profondément inspiré par la lecture de ce texte.

28 septembre 2010

Au milieu de la lecture d'un texte informe, quasi-incompréhensible (Battle of Mudchute de Steve Beard, tiré du recueil London: City of Disappearances), je lis cette phrase: "[…] a revolutionary implosion and devolutionary planetary regeneration."

Et voilà qu'inexplicablement je suis saisi par une puissante montée de déjà vu: je vois ma vieille maison d'Ellivret Sam, le soleil d'une fin de soirée estivale illuminant la fenêtre de la salle à dîner… une sensation de calme, de beau chagrin cérémonial.

Pourquoi est-ce que cette phrase là évoque cette "vision" là? Je n'en sais rien. C'est comme si le concept d'un "retour" drastique vers un état plus pur au niveau de la race humaine me menait à l'équivalent, mais au niveau personnel. Du macro au micro.

Curieux. Un déclencheur de mémoire qui me fait penser à la synesthésie.

27 septembre 2010

Anhedonia

Anhedonia: "[...] an inability to experience pleasurable emotions from normally pleasurable life events such as eating, exercise, social interaction or sexual activities."

24 septembre 2010

À quand une fin?

à ces dérangements existentiels, n'importe où n'importe quand, alors que je suis sobre et en forme et calme, devant un film banal qui a priori n'a rien pour éveiller quoi que ce soit de souterrain?

Quand? Quand est-ce que ça va cesser?

17 septembre 2010

[Petit texte]

Offrir au Néant
le fruit de mes pitoyables efforts:
voilà ce que je peux faire de mieux.

J'abandonne
(itération superflue d'un État personnel
depuis longtemps installé),
ce qui veut à la fois dire:
"Je capitule" et
"Je vous offre tout,
sans réserve."

La sérénité, finalement,
ce n'est peut-être que
la désignation mensongère
— et glorifiée —
que l'on applique à l'Indifférence.

29 août 2010

Inspection

Je m'érigeais jadis des murailles imaginaires, à coup de jeux, de lectures diverses, pour ne pas avoir à passer plus de temps qu'il n'en fallait dans ce qui est vulgairement appelé la "Réalité". J'ai dévoré bandes dessinées, jouets, livres, films, jeux vidéos, jeux de rôles primitifs et élaborés, et puis plus tard musiques et ivresses. Maintenant que je suis mature, parent, travailleur, je n'ai plus le temps que de m'ériger des petites clôtures maladroites et décoratives. Le but recherché est le même sauf qu'il n'est plus atteint; mon amour pour les moyens utilisés s'en trouve donc inéluctablement amoindri, bien malgré moi.

J'en suis rendu à un stade où tout me dégoûte, même l'art (avec ou sans "A" majuscule). Je poursuis mes intérêts, je lis aussi avidement que je le peux, je continue de m'intéresser à la production cinématographique, je persiste dans ma recherche de nouvelles musiques, mais c'est par habitude. Par aversion pour le vide que l'abandon complet de mes intérêts laisserait derrière. Parce que ce qui a déjà été une obsession ne s'efface pas facilement, et finit par ressembler étrangement à un comportement instinctif.

Je suis indifférent, plus que je l'étais qu'il y a cinq ans, et doublement plus qu'il y a dix ans. Ça m'écœure, je m'écœure, parce que ce n'est pas ce que j'aimerais être pour ma Compagne et mes enfants, mais il semble que je n'y peux rien. Je poursuis donc comme si de rien n'était, et pour la plupart j'imagine que ça fait la job. Mais pour ceux qui comptent pour moi, ma Compagne et mes enfants justement, je sais que je dois offrir un triste spectacle… un homme triste et sans enthousiasme, n'ayant jamais l'énergie de leur donner plus que mon minimum.

Parfois, quand je suis bien reposé, quand je prends un verre, quand j'ose me déstabiliser avec un psychotrope, ils doivent alors voir une petite fente dans ma Personne, un rayon de lumière à travers une craque… mais par la suite, je me dis que ça doit mettre en relief tous ces autres moments où je suis un individu dévoué et disponible, mais aussi froid et ennuyeux.

Je n'ai pas de projets (ni des petits ni des grands), je ne suis que très rarement disposé à l'élaboration de petites activités spontanées, je n'appelle personne, je n'invite personne, n'ai hâte à rien, n'ai réellement envie de rien. Petits déplacements géographiques, nouvelles rencontres, activités familiales… je n'offre pas de résistance mais ça ne me touche pas.

Je ne vois pas ce que je pourrais faire. Donc, je ne fais rien.

Toutes les portes me sont fermées; ne reste plus que l'hostie de carpe diem de cul.

14 août 2010

This painful summer

Il fait chaud ce soir et la musique m’a induit en la plus belle erreur: je m’imagine que la vibration relativement positive qui m’anime est un signe d’une quelconque bienfaisance de l'Univers.

L'Été, la Chaleur, les plantes qui semblent glorieusement vouloir tout envahir, la relative oisiveté dont je peux bénéficier pour encore quelques jours, les cigales le jour et les criquets le soir, ça me berce et je voudrais que ça ne se termine jamais.

25 juin 2010

Wisps & tendrils of Moloch drifting my way

"What sphinx of cement and aluminum bashed open their skulls and ate up their brains and imagination?

Moloch! Solitude! Filth! Ugliness! Ashcans and unobtainable dollars! Children screaming under the stairways! Boys sobbing in armies! Old men weeping in the parks!

Moloch! Moloch! Nightmare of Moloch! Moloch the loveless! Mental Moloch! Moloch the heavy judger of men!

Moloch the incomprehensible prison! Moloch the crossbone soulless jailhouse and Congress of sorrows! Moloch whose buildings are judgement! Moloch the vast stone of war! Moloch the stunned governments!

Moloch whose mind is pure machinery! Moloch whose blood is running money! Moloch whose fingers are ten armies! Moloch whose breast is a cannibal dynamo! Moloch whose ear is a smoking tomb!

Moloch whose eyes are a thousand blind windows! Moloch whose skyscrapers stand in the long streets like endless Jehovas! Moloch whose factories dream and choke in the fog! Moloch whose smokestacks and antennae crown the cities!

Moloch whose love is endless oil and stone! Moloch whose soul is electricity and banks! Moloch whose poverty is the specter of genius! Moloch whose fate is a cloud of sexless hydrogen! Moloch whose name is the Mind!

Moloch in whom I sit lonely! Moloch in whom I dream angels! Crazy in Moloch! Cocksucker in Moloch! Lacklove and manless in Moloch!

Moloch who entered my soul early! Moloch in whom I am a consciousness without a body! Moloch who frightened me out of my natural ecstasy! Moloch whom I abandon! Wake up in Moloch! Light streaming out of the sky!

Moloch! Moloch! Robot apartments! invisible suburbs! skeleton treasuries! blind capitals! demonic industries! spectral nations! invincible madhouses! granite cocks! monstrous bombs!

They broke their backs lifting Moloch to Heaven! Pavements, trees, radios, tons! lifting the city to Heaven which exists and is everywhere about us!

Visions! omens! hallucinations! miracles! ecstasies! gone down the American river!

Dreams! adorations! illuminations! religions! the whole boatload of sensitive bullshit!

Breakthroughs! over the river! flips and crucifixions! gone down the flood! Highs! Epiphanies! Despairs! Ten years' animal screams and suicides! Minds! New loves! Mad generation! down on the rocks of Time!

Real holy laughter in the river! They saw it all! the wild eyes! the holy yells! They bade farewell! They jumped off the roof! to solitude! waving! carrying flowers! Down to the river! into the street!"

-- Extraits de la deuxième partie du Howl d'Allen Ginsberg

24 avril 2010

Réponse

[Réponse à un commentaire laissé ici, reproduit ici parce que.]

(Bon, finalement je ne voulais pas laisser ça en suspend trop longtemps...)

Enfin, Raymond, un retour je l’espère intéressant sur ton judicieux & généreux commentaire.

Je trouve très juste tout ce que tu décris par rapport à l’amour spontané pour un enfant. Je l’ai ressenti à la naissance de mon premier, de mon 2ème, 3ème, et tout dernièrement à la naissance de ma Petite. Ma Fatigue est grande et omniprésente, mais qu’importe; cet amour s’auto-suffit, il n’a pas besoin d’eau ou de lumière ni même de racine. Il est là, et de penser qu’il n’est qu’un programme dans cet ordinateur qu’est mon cerveau n’y change rien. Je les aime même en l’absence d’amour propre, et comme tu l’exposais dans ton deuxième paragraphe c’est de cette riche substance que moi aussi j’arrive à tirer un espèce « d’espoir ». Disons que ça m’a obligé à me positionner, avec ma Compagne, pour concrétiser des convictions. Nos divers choix familiaux nous confrontent à beaucoup d’incompréhension et même d’embûches, alors c’est pour moi un fameux combustible que de savoir que c’est pour eux, ces êtres qui sont Énergie Incarnée (et donc Lumière, Chaleur, Rire) que je me bats, que je m’abruti à un travail que je n’aime pas, etc. Ce qui autrefois était sollicité en moi dans l’acte d’écrire, l’est maintenant par la vie de tous les jours. Mon imagination est usée et flasque, mais j’ai en moi les restes de décennies de mondes imaginaires, comme des sédiments ou des fossiles, que je peux invoquer à volonté, sans efforts. Je ne suis plus artiste (si je l’ai été); je suis comme à une autre phase de cette démarche. Et un jour, peut-être, je parviendrai à une autre phase encore; je n’essaie même pas de prévoir, d’anticiper ou d’y rêver. On verra. Je suis, comme tu le dis, un individualiste, ou un individu, l’un n’allant probablement pas sans l’autre.

Pour ce qui est de l’aspect suicide, je ne sais trop quoi en dire. Je ne suis pas très doué pour l’analyse. Tout ce que je connais, c’est mon propre parcours, ainsi que quelques autres que j’ai pu observer de plus ou moins proche. Et ce que je peux en dire, c’est que ça ne peut jamais se résumer qu'à une seule cause.

Je souhaite moi aussi que l’Art, la Création, fasse partie du tissu relationnel qui m'unira à mes enfants. Je ne sais pas moi non plus si ça rend le Monde meilleur, mais je sais que ça rendrait *mon* monde beaucoup plus vibrant. Et j’ai tendance à croire que plus il y a de monde qui vibre, plus ça rayonne.

C’est un réel plaisir que d’échanger. Merci.

14 avril 2010

14 avril 2010

"L’envie de mourir s’est infiltrée en moi le jour où le désir de vivre s’est évaporé."

Voici les mots que je viens d’avoir dans la tête. Mais ça ne dit rien de la détresse que je ressens depuis ce matin, de la crise que j’ai vécu hier soir, et de ce moton que j’ai dans la gorge en ce moment.

Rien à faire, il n’y a plus rien à faire pour moi. J’ai mes enfants, j’ai ma Compagne; je suis donc ancré jusqu’à la fin. Mais ce sera toute une épopée que de ne pas imploser. Il va me falloir beaucoup de fatigue, beaucoup de diversions et de consolations et d’ivresses, pour être à ce point abruti que je serai capable de passer au travers de toutes ces journées que j’ai devant moi. Pour pouvoir m'endormir le soir sans penser qu’il serait préférable que je m’endorme pour de bon.

6 avril 2010

6 avril 2010 [Your HTML cannot be accepted]

Les yeux pleins d'eau
la photo de ma fille,
la Vision de ma Petite,
elle est Tout Sourire
et moi je suis tout sourcil.

Comprendras-tu un jour ton Père,
toi avec qui j'ai presque 35 ans
de différence?

Moi l'Inquiet,
moi le Triste,
moi le Nostalgique Mélancolique (c'est quoi la différence)?

Je suis triste mais...
je mets tout avant moi.

Finalement la réponse.

Ne m'écoutez pas,
vous qui me lisez.

Je n'ai pas besoin de le dire.

Sourdes oreilles.

Je suis le dormeur perdant.

Condamné à l'éveil.

Pouls de la lenteur.

Laideur repoussante de celui qui n'est pas mieux qu'une maladie:
voilà ce que je dois être, ou dois représenter.

Bouffée dehors, échos du soir, grenouilles & insectes;
petite apo-cale-Hips! [L.]

Ma folie forme la carapace, l'exosquelette
qui compose ma carcasse.

Comment ils font, les vrais fous, pour exprimer leur Folie?

[Faites jouer le vidéo. Écoutez la musique. Ne regardez pas les images.]

On parle de Wikileaks, des soldats qui tuent des civils. Comme si on ne savait pas tout ça depuis longtemps. Mon opinion de la race humaine est bien pire que tout ce que cette "nouvelle" peut révéler.

Allez tous vous faire foutre, Informants et Informés. Vous n'êtes que des Bouches, vous n'êtes que des Oreilles, connectés à un cerveau qui vous contrôle.

Et moi? Qui suis-je pour critiquer? Je ne suis rien. Je suis mort depuis longtemps.

ET ON NE REVIENT PAS À LA VIE.

3 avril 2010

Vieille affaire

[Restant dans le sujet soulevé par Le Mercenaire, et le commentaire laissé par Raymond Bock, un vieux truc noté jadis, le 13 novembre 2000...]

Confronté à la Fin du Monde plus ou moins imminente, c'est par pur instinct de survie que je veux tout de même avoir des enfants. Pour m'assurer, par extension, d'être là jusqu'à la Fin. Je vais lui dire, à mon enfant: "L'Humanité achève, cher enfant. Rappelle-toi que ce n'est pas de ta faute. Profite de ta Vie, à tout prix. Et n'aie pas honte d'avoir à ton tour des enfants. Tu ne les condamnes pas, en les faisant naître dans un monde mourant. Au contraire, tu viens l'enrichir, pendant que c'est encore possible."

À toutes les époques les gens ont dû se dire: "Est-ce une bonne chose de faire naître quelqu'un dans ce monde si cruel, corrompu et immoral?" Nous n'avons pas à nous priver à cause de l'État du Monde. Nous sommes aussi bons. Bannissons la culpabilité.


Quelle idée d'avoir eu des enfants au Moyen Âge, il y a mille ans, deux mille ans, et ainsi de suite. La Vie est inhospitalière, et l'a toujours été.


Et (c'est l'égocentrique en moi qui rêve de ceci), il serait bien qu'avec moi commence une lignée d'Observateurs, d'Écrivains, jusqu'à la fin. Non pas les Premiers Écrivains, mais les Derniers… jusqu'à la Fin, mon petit-fils, ou mon petit-petit-fils, qui décrirait pour personne la Fin de la Race Humaine.

31 mars 2010

Entrevue avec Hunter S. Thompson [Extrait]

[Le son n'est pas synchro, désolé, je n'ai pas trouvé mieux.]

Commentaire isolé

[Commentaire écrit rapidement que je voulais laisser sur le blog du Mercenaire, par rapport à sa dernière note appelée Malaise dans la culture -- 1ère partie, mais que j'ai décidé de mettre ici... par pudeur, par réserve, par gêne, par manque de confiance.]

Je pense personnellement que pour que l'Art retrouve sa raison d'être (et donc ses Disciples, comme tu les appelles, retrouvent eux aussi une place qui ne soit pas maladive), il faudrait qu'Il (l'Art) se distancie complètement de son aspect mercantile. Qu'Il sorte du Commerce, de l'Université, qu'Il se défasse de son sacrosaint Copyright, pour redevenir quelque chose de plus modeste, de plus personnel (sans éditeurs, donc, bien évidemment), de plus local aussi, du moins à la base. Art for Art's fucking sake.


Post-script: Il se trouve aussi que je connais bien le cas de Hunter S. Thompson, et il faut que je précise que c’est plus que la simple réélection de Bush qui l’a poussé à se tuer. Il parlait de son suicide depuis des années, et avait en 2005 atteint ce stade de vieillesse, de maladie & d’écoeurement suffisant pour le pousser à concrétiser son mode choisi de fin de vie.

Pour rester dans le sujet, je dirais que Thompson ne s’est jamais remis du succès de Fear & Loathing in Las Vegas (comme Kerouac avec après On the Road); pendant plus de trois décennies, il a tenté de s’extirper de l’image qu’on lui avait alors imposée. Il était devenu le personnage de lui-même, et il s’est efforcé d’être à la hauteur des attentes qu’on avait de ce personnage. Le monde moderne fait en sorte qu’un succès phénoménal signifie pour plusieurs à la fois le début et la fin d’une carrière. Everything is blown out of proportion (et le mot clé ici est « blown »).

8 mars 2010

It's a wonderful life

Mark Linkous s'est tué.



Je ne dis pas "reste en paix", parce que ça sonne trop faux dans ma bouche. Je dis "c'est triste", et c'est tout.

6 mars 2010

Tragedy

"As the words were chosen
his heart was frozen
his soul had spoken
but it sounded all twisted and broken

Years and years ago
they delivered the final blow
and suddenly his life ain't worth a damn

There were ghosts
and they lit up this town
but they left
when they sold off the underground
we ain't welcome here no more

As the words were chosen
his heart was frozen
his soul had spoken
but it sounded all twisted and broken"

-- Tragedy, by Devotchka, from Super Melodrama (2002)

Ahem

Je ne suis pas lucide
je ne suis pas réaliste
je suis moi aussi un petit pleurnichard
et ma dépression est incurable;
je ne mérite pas d'être encensé
mais plutôt critiqué,
attaqué,
décapité,
digéré,
écarté,
oublié.

Si ça peut vous faire plaisir.

Voilà ce que je me dis ce matin, en prenant mon café.

5 mars 2010

Avis improvisé à la "blogosphère":

Cessez de nous exprimer vos opinions, et parlez nous de vos impressions & sensations & idées & réflexions.

(Et si vous ne pouvez pas faire la différence entre "opinion" et le reste... et bien on est dans la merde.)

On en a plein de cul de vos opinions. L'esprit critique ne sert à rien d'autre qu'assécher. Cessez de discuter de l'actualité, et vous aurez peut-être quelque chose d'intéressant à dire.

(Et je pense ici à toi, ____, et toi ____; vous pouvez être fiers, vous l'avez publié votre livre. Vous faites partie de la gang. Mille fois bravo.)

3 mars 2010

Every day the same dream

C'est pour moi une première: un jeu vidéo existentiel. Et ce n'est pas qu'une succession de scènes; il y a réellement un "but" à atteindre, et une "fin" au jeu.

7 janvier 2010

Musique -- Retenances

"Sunrise, sunset.
Sunrise, sunset.
Swiftly go the days.
Sunrise, sunset.
You wake up, then you undress.
It always is the same.

[...]

A sunrise and the sun sets
you realize then you forget
what you’ve been trying to retain.

[...]

Sunrise, the sun sets.
You're hopeful then you regret,
the circle never breaks.
With a sunrise and a sunset
there’s a change of heart or address.
Is there nothing that remains?
For a sunrise or a sunset,
you’re manic or you’re depressed.
Will you ever feel ok?


[...]

A scribble or a sonnet,
they are really just the same.
To the sunrise and the sunset,
the master and his servant
have exactly the same fate.
It’s a sunrise and a sunset,
from a cradle to a casket
there’s no way to escape.
The sunrise and the sunset.
Hold your sadness like a puppet,
keep putting on the play.

But everything you do is leading to the point
where you just won’t know what to do.
And at that moment you may laugh
but there is someone there who will be laughing louder than you.
So it’s true, the trick is complete.
You become everything you said you never would be.
You’re a fool! You’re a fool!
"

-- Sunrise, Sunset, tiré de l'album Fevers & Mirrors (2000) de Bright Eyes