22 décembre 2011

Solstice

[From Jack Kerouac's Home At Christmas, first published in 1961]

"[…] now the Snow King has laid his drape upon the world, locked it in new silence, all you hear is the profound higher-than-human-ear screaming of snow radios bedazzling and electrifying the air like orgones and spermatazoas in a Universe Dance ― They start black specks from heaven, swirl to avoid my gaze, fall white and ploppy on my nose ― I turn my face up to the sweet kiss of Heaven ―

[...]

Somewhere above, the coalblack crow is yawking, cr-a-a-a-ck, c-r-a-a-ck, I see the flop of raven twit limbs battering onward through treetop twigs of aeril white to a hole in the heart of the forest, to the central pine and pain of my aching desire, the real Christmas is hiding somewhere from me and it is still, it is holy, it is dark, it is insane, the crow broods there, some Nativity darker than Christianity, with Wise Men from underground, a Virgin Mary of the ice and snow, a Joseph of the tress, a Jesus like a star ― a Bethlehem of pinecones, rocks, snakes ― Stonewalls, eyes ―

[...] 

Everything is saved.  There's heat and warm joy in my house.  I linger at the window looking in.  My heart breaks to see they're moving so slowly, with such dear innocence within, they don’t realize time and death will catch them ― not now."

21 décembre 2011

A little Christmas entertainment

[Taken from The New Traveler's Almanac, in Alan Moore's The League of Extraordinary Gentlemen, Volume 2]

"We headed on without event, though rather slowly, and at sunset yesterday we glimpsed what proved to be the claw-carved ice caves that comprise the region called Polar Bear Kingdom, where we were intrigued to find the gentle yet ferocious-looking ursine natives quite conversant with the English language […] they told us how they had been lately visited by representatives of an American who manufactured phosphate drinks and was most anxious in securing the pictorial rights to any suitably appealing bear activity, for purposes of advertising.  They said also that the representatives had next struck further north in hope of finding an elusive polar witch-doctor with whom they sought to make a similar agreement.  As of yet, the men had not returned
[…]

[...] we struck north and shortly blundered into yet more sense-defying circumstances, coming on a strange and mournful figure crouched before a deer-hide wigwam howling penitently.  Nearby was the body of another person (an American, we later learned) in modern arctic clothing, who'd been partly torn to pieces, as if by some form of animal.  The wild-eyed, bearded fellow, we discovered, was the same witch-doctor that our friends had warned us of, though he seemed far too stricken by remorse to do us harm.  He wore, as his magician’s robe, a fresh-flayed reindeer hide reversed so that the skin was outermost, its bloody red by now turned almost black, lined by the fur inside that stuck out in a trim around the garment’s edge.  The beast's head formed a cowl, the antlers jutting there above his lined, grey-bearded face.  He told us between moans of anguish that he was the ‘sha-man’ of the North Pole, charged at the mid-winter solstice with delivering the gift of cheer to all the homes on Earth, his disembodied soul darting around the globe born by his flying spirit animals while all the time his body lies here in his wigwam, raving mad and stained with vomit from the mind-affecting spotted mushrooms that he must take to achieve his trance.  Apparently, this Christmas past, his trance was interrupted by two rash Americans who represented the same phosphate-drink concern the polar bears had told us of.  This breach of the magician’s most important yearly ritual was met by the witch-doctor’s fierce invisible familiars, or ‘little helpers’ as he called them, who had torn one of the representatives into the shreds we saw a short way off.  The other fled, but only after reassuring the frantically-apologizing witch-man that his actions did not constitute a reason to break off their hoped-for future business dealings."

26 septembre 2011

Faussetés

Il y a trois ans, en septembre 2008, une série d'articles ont été publiés, dans Le Devoir et ailleurs, où il était question de nouveaux manuscrits de Jack Kerouac qui auraient été découverts par un journaliste nommé Gabriel Anctil.

Cette "nouvelle" a par la suite été reprise par l'Internet et ça s'est retrouvé sur plusieurs sites (allant même jusqu'à être mentionnée dans la page Wikipedia de l'auteur.)

Il est un peu tard pour réagir à ces articles, mais ça fait longtemps que je rumine tout ça, et des lectures récentes ont fait en sorte que ça soit remonté à la surface de mes réflexions.

En résumé, les points majeurs qui étaient postulés dans ces articles [1] sont les suivants:

1) Gabriel Anctil aurait découvert des manuscrits de Jack Kerouac, jusqu'ici inconnus, un appelé Sur le Chemin, un autre appelé La nuit est ma femme.  On allait même jusqu'à dire que les manuscrit "inédit[s] et insoupçonné[s]", "dormai[en]t depuis plus d'un demi-siècle dans la noirceur des archives".  On dit aussi que "on ignorait, jusqu'à tout récemment, que le célèbre écrivain américain avait créé une œuvre littéraire dans sa langue maternelle".

2) S'appuyant sur certains des ses écrits, on avance la thèse selon laquelle le Québec, et Montréal en particulier, aurait été des paradis espérés pour Kerouac.  On insiste donc un peu plus sur l'idée que Jack Kerouac serait tout simplement un québécois ayant vécu aux États-Unis.

Allant dans le même sens que les postulats mentionnés plus haut, on pouvait lire dans ces article des affirmations telles que:

"[…] la découverte de manuscrits inédits à New York par Le Devoir […]"

"La pièce maîtresse de ce fonds d'archives est très certainement un manuscrit complet de 56 pages intitulé La nuit est ma femme. Ce roman, constitué de courtes nouvelles de cinq ou six pages, est entièrement écrit en français et prouve pour la première fois que Jack Kerouac avait eu de très sérieuses ambitions de devenir, comme il le disait lui-même, un véritable écrivain Canadien français."

"Comme le montre cette semaine la découverte d'un roman […] Kerouac se considérait comme un Canuck avant d'être un Américain."

"Avant la récente découverte de manuscrits inédits […]"

Ou encore, cette fois tirée d'une entrevue avec Anctil:

"Tous les manuscrits de Jack Kerouac à New York sont accessibles, sur demande, depuis un an et demi. […] On avait quelques indices sur le fait qu'il avait écrit en français, mais aucune preuve tangible. J'ai donc épluché ses manuscrits à New York. Il y a un an, j'ai mis au jour un premier roman en français : La nuit est ma femme. C'est un texte dont l'existence était connue, mais qui n'avait jamais été lu, car non seulement, il était écrit en français, mais en joual, le langage populaire québécois. Seul un Québécois pouvait donc le lire. […] Quant à Sur le chemin, c'est un texte dont l'existence était vraiment insoupçonnée. Je l'ai trouvé en fouillant dans un cahier de notes."

Je vais maintenant tenter de démontrer pourquoi je pense que ces articles (et donc, par extension, leur auteur) sont mensongers, sinon directement, du moins de façon détournée et manipulatrice.

1) Gabriel Anctil n'a absolument rien découvert.  Ces manuscrits sont connus depuis des années.  Des versions abrégées de La nuit est ma femme et d'un autre texte en français appelé Ma folle naissance crépusculaire ont même été publiées en 1996 dans le numéro 521 de la Nouvelle Revue Française. 

De plus, tout l'inventaire de la New York Public Library a été catalogué en 2006 (on peut consulter cet inventaire ici: http://www.nypl.org/ead/479).  La nuit est ma femme y est classé sous l'étiquette 15.20; Sur le chemin sous l'étiquette 39.10.

La biographie de Kerouac écrite par de Paul Maher Jr., publiée en 2004, dit ceci: "The social mores and language of Lowell's Franco-America endeared its people to Kerouac.  In 1950, he wrote a letter to Yvonne Le Maitre […] commenting upon using his native tongue as an approach to speaking English […] Later he was comfortable enough to write some poems […] and an unpublished novella, La nuit et [sic] ma femme, in his native language."

Anctil n'a donc absolument rien "découvert".  Or, il s'agit d'un domaine trop pointu pour que ses affirmations soient ouvertement remises en question.


2) Il est fallacieux d'essayer de prétendre que Jack Kerouac était "québécois".  C'est une perception vraisemblablement populaire, puisqu'elle permet à un peuple de s'approprier une figure célèbre et de parer sa dorure nationale d'un aura de grandeur; ça m'apparait cependant être une fabrication, véhiculée encore et encore par plusieurs dont Anctil, dans ses articles (et — vraisemblablement — dans les conférences qu'il a donné sur le sujet). 

Il cite par exemple le Book of Sketches de Kerouac, n'en retenant que le passage suivant: "Montréal est mon paradis. Ils m'ont presque refusé l'entrée. Restaurant de gare de San Francisco combiné avec une taverne de paysans de Mexico + Lowell - O Thank's Lord."; Anctil conclue son article en disant "Visiblement, Kerouac se sentait bien chez lui au Québec."

Or, si on prend la peine de lire un peu plus du même sketch d'où est tirée la citation, on peut lire ceci:

"MONTREAL (in "taverne")  Montreal is my Paradise ― & they almost didn't let me in ― Railroad restaurant Frisco combined with Mexico Fellaheen girls taverns & Lowell ― O thanks Lord […] America is thrilling on a gray day, Quebec non […] The Canucks are ignorant, vulgar, cold hearted — I dont like them — No one else does"

Voyez que tout ça est déjà plus nuancé.  Ça semble être une épiphanie du moment, une extase de courte durée.  C'est moins facile à interpréter, et alors c'est plus difficile de faire dire à Kerouac ce qu'on aimerait bien qu'il dise.

Au moment où Kerouac écrit ces lignes, en mars 1953, il contemple effectivement la possibilité de déménager avec sa mère à Montréal, voulant se dénicher un emploi dans une compagnie de chemin de fer.  Mais son séjour au Québec est bref et décevant; il réalise assez rapidement qu'il n'y est pas à sa place.

Jack Kerouac n'était pas québécois; ses parents l'étaient.  Kerouac, étant né aux États-Unis, était donc un étatsunien.  Mais — et c'est là que le sujet devient intéressant — il était plus; il était Américain.  Il était amoureux de l'Amérique dans son ensemble, en tant que continent, géographique et psychique.  Sa déception, son désespoir, son cœur brisé, viennent justement de l'échec senti, annoncé et puis confirmé, de ce "rêve américain".

* * *

Voilà, je n'ai pas d'autres grandes affirmations pour contredire ou rabaisser Anctil outre mesure.  Je voulais juste faire ces précisions anodines, tout seul dans mon coin.

Ce qui me met en colère dans tout ça, c'est cette impression de voir quelqu'un se faire un nom en tant que prétendu "'expert de Kerouac" en s'octroyant des honneurs (i.e. avoir découvert des manuscrits), et en prenant Kerouac comme un pantin de ventriloque pour lui faire dire des choses qu'il n'a jamais dites.




Sources:

- Sur le chemin, publié le 4 septembre 2008


- Kerouac, le français et le Québec [http://www.ledevoir.com/culture/livres/156026/kerouac-le-francais-et-le-quebec], publié le 8 septembre 2007






[1] Et qui le sont sans doute toujours, puisque nulle part je n'ai vue une remise en question de ces énoncés.

10 août 2011

Émeutes

Passage de London: A Biography de Peter Ackroyd, où il est question d'émeutes s'étant déroulées vers la fin du 18ème siècle:

"It is as if the very restriction of the city encouraged the sudden appetite for wildness and license; the restraints imposed by a mercantile culture, ruinous in its effects upon many who comprised the crowd, encouraged rapid volatility of rage and exhilaration.  There were also too many people forced into too small a space, and this massive over-crowding in narrow streets engendered strange fevers and excitements."

3 août 2011

Dump

Si "acheter c'est voter" et bien je vote de moins en moins, et ce pour quoi je vote, c'est du vent, du vide, des "histoires imaginaires" dont la seule utilité est de me faire Oublier.

Je vote pour l'Oubli,
n'ayant plus
aucune envie,
désir ou élan
de Vivre.

14 juin 2011

X'Ed Out (2010), by Charles Burn

[Texte écrit pour un site qui sollicitait des critiques de graphic novels, mais qui finalement ne veulent pas s'embarquer là-dedans.  Je le partage donc ici.]

If you've read Burns' Black Hole (which came out from 1995 to 2004, before being collected in 2005), you have an idea of what to expect here: a devastatingly disturbing tale rendered in stark, precise, razor-like strokes.  Whereas Black Hole dealt with teenagers (and the shattering transformations ― or should we say 'mutations'? ― they go through), here the protagonist is a young man, Doug, who is going through the aftermath of some kind of accident or trauma.

In a seemingly random fashion, his story his relayed to us, whether through drug-induced dreams or through flashbacks, the two modes (dream / memory) being distinguished by a subtle visual shift.

In his dreams, Doug is like Tintin's dark-haired non-identical twin, wandering through a shifty dream-world reminiscent of William Burroughs' Interzone; there, he wanders in a city reminiscent of archetypal Morocco peopled by various exotic people (from warehouse reptile-men to mute cycloptic cooks to midget-sumo guides), alternating (as in a nightmare) between fear and disgust.

In the memories, he and his surroundings are more realistic, and we see him at various points of his life: recovering from some unidentified head-wound, strung out on pain-pills; having breakfast with his father; going to a party with his soon-to-be ex-girlfriend, giving a poetry performance and then falling in love with another girl; dating this new girl, with whom he shares a passion for photography.

The referential echoes to Hergé's boy-reporter are plenty, from the strange eggs featured on the cover and in a gross restaurant sequence (see: the mushroom from L'Étoile Mystérieuse) to his occasional animal companion (Inky the Cat, Snowy the Dog's negative image) to the character's stage-name (Nitnit).  But mostly, it is through the comic's color palette and "ligne claire" style of drawing that this homage to Hergé is most manifest.

All in all, it is a most worthwhile effort on Burns' part, demonstrating a mastery of style, content and execution, and the semantic hyperlinks to Burroughs, Hergé (or even his own work) are not detrimental to the book's overall merit, on the contrary.  They elevate it to something more than just a "weird for weird's sake" narrative.  What that "more" is, well, it remains to be seen.

If I had one negative thing to say about it: it's over too quickly.  Just as we're starting to get fully immersed into this universe, it cuts off.  The final image is impressive and awe-inspiring, but still, I can't help but wish there was more.  It's an unfair criticism, for sure, and one that will become irrelevant in the future, when the other two planned volumes (or albums, in the French and Belgian "bande dessinée" meaning of the word) are out.  But seeing as we can expect months and even years before the tale is complete, it's unavoidable.  Still, maybe the wait is good.  Maybe that expectant anticipation is all part of what makes comics such an engaging passion.  And in the meantime, we can read this first volume again, and float in its rich, interwoven layers.

9 juin 2011

Liens & Citations

Par hasard, je suis tombé il y a quelques temps sur cette entrevue avec Lucien Francoeur. Évidemment, ses propos sont alarmants, et dans un premier temps je les réfléchissais dans l'optique de notre choix, à moi et à ma Compagne, de ne pas envoyer nos enfants à l'école. Mais un petit quelque chose me troublait dans tout ça, un "Oui mais…" agaçant que je ne n'arrivais pas à préciser, zombie endormi et nigaud que je suis.

Il y a quelques jours, j'ai appris (via le blog de Christian Mistral) que Maxime Catellier avait ouvert un nouveau blog. Lisant une de ses notes, je suis tombé sur la phrase suivante:

"Comment reprocher aux jeunes élèves des collèges de n'en avoir que pour l'argent et la technologie, quand c'est cela même qui phagocyte les écrans et les ondes où nous sommes censés nourrir notre rapport au monde?"

Et c'est là que j'ai enfin compris ce qui me troublait à ma lecture de l'entrevue avec Francoeur. À travers les impressions de cet homme, on semble nous dire que "avant c'était bein mieux", "la jeunesse c'est d'la marde", "c'est à cause de la méchante technologie", "les gens du ministère sont incompétents", sans toutefois prendre un quelconque semblant de recul pour mettre ça en contexte ou tenter de comprendre le pourquoi de tout ça.

On accuse, constamment, et on juge, et on se place au-dessus de tout, sans jamais dire que le monde moderne, ici, en Amérique du Nord, en 2011, est une abomination complète, concrète et irréductible.

Donc, comme le dit Catellier bien mieux que moi, de quel droit se permet-on de juger nos enfants?  Comme je le disais dans une lettre à mon père citée ici dernièrement, "Car peux-tu affirmer savoir ce que c'est, que de naître et d'être enfant dans les années 2000, dans un Monde Occidental noir et pourri et corrompu et où la beauté a été à peu près évacuée de toutes les sphères de l'existence?"

* * *

Pour finir, deux citations qui — me semble-t-il — ont un lien de parenté avec le sujet présent:
1. "They want you dead... or in their lie. Only one thing a man can do. Find something that's his. Make an island for himself."
-- tiré de The Thin Red Line, film de Terrence Malick



2. "Know
that today there are millions of Americans
seeking America... know that even with all
those eye-expanding chemicals — only more of
what is not there do they see"
-- tiré de Elegiac Feelings American, un poème de Gregory Corso écrit en mémoire de Jean-Louis

Une Bénédiction

[Traduction rapide, à peine compétente, du poème A Blessing de James Wright, faite à la demande de L.]

En sortant de l'autoroute allant vers Rochester, au Minnesota,
le crépuscule bondit doucement sur l'herbe.
Et les yeux de ces deux jeunes chevaux Indiens
s'assombrissent de bonté.
Ils sont venus volontiers des saules
pour nous accueillir mes amis et moi.
Nous franchissons les barbelés jusqu'au pré
où ils ont brouté toute la journée, seuls.
Ils se remuent nerveusement, peuvent à peine contenir le bonheur
de nous voir venir à eux.
Ils se prosternent timidement comme des cygnes mouillés. Ils s'aiment.
Il n'y a pas de solitude comme la leur.
À nouveau chez eux, ils commencent à grignoter les jeunes pousses du printemps dans l'obscurité.
J'aimerais tenir la plus petite des deux dans mes bras,
car elle a marché jusqu'à moi
et a touché ma main gauche de son museau.
Elle est noire et blanche,
sa crinière tombe rebelle sur son front,
et la brise légère m'incite à caresser son oreille allongée
délicate comme la peau du poignet d'une fille.
Soudainement je réalise
que si je sortais de mon corps je deviendrais
bourgeon.

26 mai 2011

Entre deux

Dans un parc, avec mes enfants, je les regarde jouer. Là-bas, ma Compagne parle avec une autre mère. Et je constate que je suis dans les Limbes, absents de tous les plaisirs: je ne joue plus avec les Enfants, mais je n'ai pas rejoint le Cercle des Parents non plus.

Et cet entre-deux semble être une constante de mon existence, comme si (volontairement ou pas) j'étais prédisposé au Détachement. Comme si je soupçonnais le naufrage irrémédiable d'être la seule façon d'accéder à une quelconque forme de libération.

"Suddenly I realize
That if I stepped out of my body I would break
Into Blossom." (A Blessing, James Wright)

12 mai 2011

Pensée vague en deux points

#1. Ce qu'il y a de plus important à dire, aujourd'hui (i.e. que tout le monde est mort, incluant la personne qui écrit) (et qu'il n'y a plus rien à espérer que la frénésie des Intoxications) est justement ce qu'il est impossible de dire.

C'est la Moralité la plus dominante et la plus répressive de notre époque: il faut se taire, ou mentir.  Mentir, ou se taire.


#2. Seuls les plus révoltés osent parler (les jeunes, les artistes, les penseurs), mais on ne les prend pas au sérieux.  On ne les écoute pas.  On cherche le motif ultérieur ou le traumatisme qui pourrait expliquer de telles "extrémités du langage".

4 mars 2011

Pensée

Une petite illumination au sujet des années 60: ça aurait été une glorieuse manifestation de l'Effet Placebo sur un grand nombre d'individu en même temps.

Un nombre élevé de jeunes dont les fondations psychiques étaient composées à la fois d'insatisfaction, de colère mais surtout d'Illusions, ce qui leur donnait la capacité de croire et d'espérer.

Croyant aux propriétés créatrices des drogues, voilà qu'ils se laissaient aller aux plaisirs de la création.

Croyant en leurs chances de vaincre et de changer les choses, et en grands nombres, le point de rupture fut atteint et oui, certaines choses ont changées, pour certaines personnes et pour l'espace de quelques années.

(Oui, c'est l'Illusion, sous toutes ses formes, qui a donné tout son pouvoir, toute sa magie, à cette époque.

L'Illusion, cet État où on se donne le droit, la latitude, d'utiliser son Imagination.)

Fast forward à maintenant, époque cynique où l'Imagination se meurt, traquée qu'elle est dans la moindre cachette, implicitement illicite de par le climat ambiant et sous-jacent.

Les rares renégats qui y sont prédisposés se voient attaqués, et finalement seuls quelques chanceux se voient accorder la chance de La manipuler, et sous la seule condition que ça contribue à l'avancement mercantile, que ce soit par le divertissement ou au profit d'un certain dynamisme (i.e. le Progrès) professionnel, industriel ou technologique.

4 février 2011

Ordre & Chaos

Je pense avoir commencé ma vie amoureux de l'Ordre, de ses plaisirs clairs et de ses points de repères rassurants.  Oui, je le pense.

Je vois cependant un renversement s'installer aux débuts de l'adolescence (ou aux tous débuts de l'âge adulte devrait-on dire pour circonvenir à ce concept inutile et disgracieux qu'est "l'adolescence"), au contact de cette Civilisation (pour ne pas dire Empire) où l'Ordre n'existe que comme prétexte servant à contrôler, à dominer, à uniformiser.  L'Ordre, dans les mains de cette Civilisation, est un Marteau, un Assommoir.

Par dégoût de cette utilisation (voire récupération), donc, je me suis tourné vers le Chaos, vers la Folie, vers une Révolte qui pour toute intérieure qu'elle soit n'en demeure pas moins une révolte, une dissidence (secrète) face à qui m'entoure, rejet massif qui a fait de moi un inexorable mésadapté, seulement capable de se maintenir au milieu de ses contemporains qu'en ayant enfilé un déguisement social aussi pénible que mensonger.

Lentement, la Folie s'est incrustée; maintenant, vieillissant et étant presque entièrement revenu à l'Ordre, c'est toujours avec un trouble, avec une trémulation névrosée, que je vie et rêve.

Je suis un homme à deux faces, un Janus pas du tout héroïque, un humanoïde dont le cerveau est en train d'être fracturé par le ying yang.  Un stoïque, classique et vieux jeu, qui pourtant est animé par un Néant tumultueux.

14 janvier 2011

Déclaration Actuelle de mes Avoirs Imaginaires

Choisir la schizophrénie, une dissipation multi-planaire dans le plus de directions possibles, afin de maintenir cette espèce de folie envahissante qui paradoxalement me permet de conserver ma tête, jour après jour, à vivre cette existence majoritairement morne et morte et incroyablement glauque.

Dans l'immédiat, je suis en train de (re)lire 1984 d'Orwell (lecture qui suit le Précis de Décomposition de Cioran et l'Arcane 17 de Breton). J'ai aussi une "lecture pour la maison", c'est-à-dire Absolute Promethea 2, luxueuse édition que j'ai reçue à Noël; quand ce sera terminé je retournerai à ma lecture interrompue de The League of Extraordinary Gentlemen 2, que je décortique grâce aux annotations de Jess Nevins, et que je creuse encore plus grâce aux fabuleux Dictionary of Imaginary Places d'Alberto Manguel.

J'ai aussi entamé une "Immersion BD", où je me suis établi un itinéraire de lecture de bandes dessinées principalement belges et françaises, commençant dans les années '20 avec les premiers balbutiements d'Hergé, puis Quick & Flupke, les premiers Tintin, les débuts de Spirou. C'est là que j'en suis (aux alentours de 1942). Éventuellement, il y aura Blake et Mortimer, Bob et Bobette, Lucky Luke, Astérix, Johan & Pirlouit, les Schtroumpfs, Gaston Lagaffe, Gotlib, etc.

Il y a ces trames narratives encore vivantes, épisodiques, que je porte en moi en permanence, dans l'expectative du prochain numéro, du prochain épisode (League of Extraordinary Gentlemen: Century, Hellboy, BPRD, Dark Tower, Fables, et depuis tout récemment, X'Ed Out de Charles Burns… et des séries télévisées, Weeds, True Blood, que je regarde avec ma Compagne).

Il y a cette "Immersion Jack Kerouac" que j'ai entrepris il y a deux ans, un long parcours où je m'astreins à tout lire l'œuvre de Kerouac (romans, journaux, correspondance), du moins tout ce qui m'est disponible, organisant le tout de façon minutieusement chronologique. C'est maladif, j'en conviens. J'en suis présentement dans l'année 1949; au fur et à mesure, je mets le résultat de mes "travaux" sur un site (je suis rendu à l'année 1947)

Je me plonge dans des films, les uns après les autres… je viens de finir A Serious Man et Candy Mountain, et Cocksucker Blues, et suis maintenant à revoir Children of Men. Ensuite, ce sera probablement El Topo, que je n'ai pas vu depuis longtemps. Ou The Devils, que je n'ai jamais vu.

J'ai aussi un certain historique avec les jeux vidéos, qui se poursuit à ce jour. J'ai commencé Epic Mickey, et quand dans le jeu on rencontre un des vieux courts métrages, je mets le jeu à pause et je vais trouver le cartoon en question dans un de mes coffrets métalliques de Disney Treasures, et je le regarde avec mes garçons.

Je suis aussi à peu près à mi-chemin de Icewind Dale 2, ayant précédemment fini le premier, et m'enlignant ensuite vers Neverwinter Nights.

Je suis aussi retombé dans un vieil amour de jeunesse, les Lone Wolf de Joe Dever (Livres Dont Vous Êtes le Héros), que je peux maintenant "lire" de façon électronique.

Et puis il y a cette partie de Dungeons & Dragons que je fais avec mes gars, aussi, qui est une histoire, une autre, que je contiens dans ma tête.

Et, finalement, il y a ces histoires qui sont miennes, qui m'occupent parmi tout ça… Marla & Philippe, la Sorcière de Feu… d'autres.

Mon crâne, un enclos où j'entasse des Créatures Imaginaires; ça me tient lieu de cerveau, et c'est ce feu sacré qui parfois doit jaillir de mes yeux (ou me carboniser les synapses). Ou pas, qu'est-ce que j'en sais?

12 janvier 2011

Extrait d'une lettre à un père

[12 janvier 2011]

On n'a qu'une seule vie, et elle n'est pas longue.  Nous avons tous, moi, toi, eux [mes enfants], au mieux, que quelques années à passer ensemble.  Tu feras bien ce que tu veux, mais moi je vais m'ouvrir à eux le plus possible, à ce qu'ils sont et à ce qui les allume, peu importe ce que c'est.

Car peux-tu affirmer savoir ce que c'est, que de naître et d'être enfant dans les années 2000, dans un Monde Occidental noir et pourri et corrompu et où la beauté a été à peu près évacuée de toutes les sphères de l'existence?  Peux-tu affirmer savoir ce que c'est que d'être né en 1975, tandis qu'on y est?  Non.  Alors, encore une fois, un peu moins de jugement, si possible.

(Et je ne parle pas ici de critiques, qui ne sont finalement qu'extériorisations d'un jugement qui préexiste; non, je parle de ce Jugement où on se positionne subjectivement au dessus de quelqu'un ou de quelque chose pour affirmer que c'est mal, qu'il y a tort, et que nous on a raison.)