22 avril 2008

Mots Dépressionnistes

[J'ai rassemblé ici les passages du dernier Bulletin Dépressionnistes qui m'ont le plus interpellés. Ça résume très bien mon passage du secondaire au Cégep, puis de là jusqu'à l'Université, que j'abandonnerai avant la fin de la première session, pour finalement me retrouver où je suis, aujourd'hui, à me morfondre dans un bureau. Il faut aller faire un tour sur ce site.]

"Il n’est désormais plus possible de remettre en question le fait que chaque individu est obligé de mouler son horizon de possibilité sur le monde de l’échange des marchandises. En fait, il n’y a tout simplement aucune autre façon disponible d’organiser sa vie. On ne voit donc pas de raison justifiable pour empêcher de qualifier cette société de totalitaire, au sens étymologique de ce mot : cette société forme une totalité, une fusion du penser et du faire. […] De ce fait, on ne remet pas en cause la nécessité de payer pour manger, et de travailler pour payer. […] Du reste, énoncer pareille vérité semble désormais tellement énorme, et paradoxalement tellement rabâché, qu’elle est frappée d’inanité : heille, man, tu capotes… […] S’endetter pour étudier, c’est agréer à ce monde, et quitter l’autre, celui de l’autonomie, c’est-à-dire de la possession de sa personne, qui est pourtant une condition sine qua non de la liberté. […] Non seulement il serait grossièrement injuste que des individus n’aient pas accès aux études pour des raisons d’argent, mais il n’est pas plus juste que les plus pauvres en sortent endettés, ce qui hypothèque sérieusement leur avenir économique et donc leur position dans la pyramide. […] Car dans le régime de l’égalité des chances, tous n’ont pas la même chance; certains, même, n’en ont pas du tout. Les prêts étudiants entérinent cet état d’injustice pour ceux qui auraient l’infortune de naître en un mauvais milieu. Mais comme la surface doit apparaître plane, et qu’il faut cacher ces aspérités, la démocratie libérale les laissera se creuser sous le niveau de la mer, dans le solde négatif. […] À travers le prêt étudiant, le jeune citoyen entretient ses premières relations avec les deux piliers de la société contemporaine, l’État et la Finance. […] Angoissé, l’étudiant développera les sentiments de la fable kafkaïenne : la culpabilité, le sentiment de la faute, et de la nécessité de sa réparation : ici, la dette et son remboursement. […] L’étudiant doit mettre la main à la pâte le plus rapidement et efficacement possible car les banquiers – ou leur équivalent «coopératif» – ne sont pas du tout chauds à l’idée de prolonger, même minimalement, le mince sursis que l’État lui a laissé pour respirer. Dans une entente qui rappelle la corruption des régimes de banane, le gouvernement garantit les prêts de milliers d’étudiants, et paie les intérêts encourus pour toute la durée des études – trois, cinq, huit ans. De l’argent donné aux banques, qui en retour n’assument aucun risque. Ceux dont c’est le métier que d’accumuler de l’argent veulent encore se faire dédommager par des intérêts, par des prolos incapables de se payer l’école, pour les sommes qu’ils leur prêtent… […] Quant à celui qui se sera fait voler, d’abord comme prête-nom, puis comme emprunteur, il pourra alors se faire voler au travail. […] L’endettement est une promesse de produire. Une promesse de collaboration. […] Ici, la logique d’intégration du monde post-industriel est claire et irrécusable : mentir et rementir et imiter l’horreur pour survivre à un monde faux. Que veut dire être libre quand on n’a pas le choix de travailler? […] Quelle est cette étrange promesse d’émancipation – cette promesse de parvenir, en s’endettant, au niveau social de ceux qui ne s’endettent pas? Pour pouvoir occuper un poste de choix, un emploi payant et avec des conditions seulement correctes, afin d’être en mesure de rembourser ses créanciers sans stress et sans menaces, le jeune travailleur endetté devra tendrement se conformer au merveilleux monde de la culture industrielle. […] D’ailleurs, que l’étudiant ne tente pas de se libérer d’une autre manière, on lui a coupé les ponts. C’est encore sous le couvert de responsabilisation qu’on lui a enlevé la possibilité même de faire faillite, c’est-à-dire de faire reconnaître par la loi qu’il ne peut, en toute sincérité, rencontrer ses obligations (alors que le citoyen moyen peut acheter n’importe quelle voiture ou produit de luxe à crédit et déclarer faillite lorsqu’il réalisera que, en dépit de ce que racontent sa banque et la télé, il ne fait pas partie de la bourgeoisie). […] Aussi, la seule chance de l‘étudiant réside dans sa désolidarisation complète d’avec ses losers de semblables : il va, lui, être capable de s’en sortir, pogner une grosse job et foncer tête baissée dans la domination pour s’en sortir. […] Soumises aux pressions économiques et nationalistes, les études sont doublement aliénées. Contrairement à ce que croient certains humanistes venus d’un autre siècle, il ne faut pas croire que l’école émancipe. C’est au mieux, aux niveaux inférieurs, une bonne garderie, au pire, aux supérieurs, un instrument de reproduction des élites. L’enseignement mécanique et spécialisé que l’étudiant reçoit est aussi profondément dégradé que son propre niveau intellectuel au moment où il y accède, du seul fait que la réalité qui domine tout cela, le système économique, réclame une fabrication massive d’étudiants incultes et incapables de penser. […] Certes, l’étudiant est toujours libre de choisir son parcours, mais on en sait déjà long sur la liberté particulière dans une société globalement aliénée. […] La conséquence la plus prévisible de la marchandisation de l’éducation est la disparition rapide des sciences humaines, des lettres et de la philosophie. Cela prendra vraisemblablement la forme d’un cantonnement incestueux à l’américaine, où ce qui reste d’un savoir synthétique de l’ensemble des connaissances de la société demeure dans ses quartiers, et parle dans son jargon, alors que cette même société, qui est son objet d’étude, la méprise. L’obsession de la production et de la nécessité de payer, en ce qu’elle met en jeu un processus essentiellement contraire à la réflexion, est la parente proche de l’anti-intellectualisme. L’élitisme, lui, fonctionne en vase communicant : après avoir franchi des étapes économiques et académiques si importantes, l’universitaire ne pourra que fréquenter son milieu et parler sa langue, pendant que dehors, il se butera à l’incompréhension des foules et ne saura que faire de son savoir inutile. […] L’endettement étudiant est un formidable outil de régulation répressive, de reproduction du même au service de la domination. […] Il n’existe pas de meilleure manière de pousser au travail un individu sans son consentement."

Dilemme [Annexe inexplicable]

Encore et encore, j'écoute la musique de Phil Elvrum (The Glow, Pt. 2 et Mount Eerie, surtout), et j'ai l'étrange impression qu'à la longue ça pourra m'aider à voir plus clair dans tout ça. C'est un aide-mémoire, c'est un enrichissement par la démarche d'un autre que soi, c'est l'éblouissement interne des athées carbonisés. Ou peut-être que j'essaie de me convaincre de quelque chose.


[Détail de la pochette de l'album Don’t Smoke/Get Off the Internet (2007)]

20 avril 2008

17 avril 2008 [Soirée]



Bosquet expansif,
oasis isolé,
où un elfe
tanné à en finir
s'est pendu
l'Immortalité.
En vain.


17 avril 2008

Dilemme [quatrième partie]

[Ici, quelques autres aspects qui doivent être mentionnés, mais que je n'ai pas réussi à inclure dans mes réflexions précédentes.]

- La fatigue. L'épuisement. Le manque d'énergie face à tout. Découragé d'avance juste à penser à tout ce que je devrais me taper si jamais on devait vendre la maison, trouver un nouveau logis, me trouver un nouvel emploi, se déménager, toutes les démarches bureaucratiques que ça implique… découragé. Je m'endors à tout moment. Même devant un film ou un livre qui m'intéresse. Même dans les moments les plus sacrés, comme quand je lis une histoire à mes enfants. Il m'arrive même, des fois, de cogner des clous en mangeant mon souper. Il me semble que je resterais au lit pendant un mois au complet, à ne rien faire d'autre que dormir, lire, dormir, rêver, dormir.

- À toutes fins pratiques, on peut dire que je n'ai plus d'amis. La fin de semaine on sort rarement, et quand ça arrive c'est surtout pour aller voir des amis de ma Compagne, pas les miens. Je me suis détaché de tout et de tous. Même de ma famille. Je ne vois plus mon père, ma mère, et ma sœur, qu'à l'occasion.

- Ma Compagne a passée son enfance en Colombie-Britannique, et se sent donc plus à l'aise en anglais qu'en français. Par conséquent, à la maison quand je ne suis pas là, elle parle en anglais avec les enfants. À ce jour, bien qu'ils comprennent parfaitement les deux langages, ils ne parlent pas vraiment en français, au-delà de quelques mots. Si on déménageait là-bas, ça faciliterait donc leurs échanges.

- Nous faisons l'école à la maison, et ici, au Québec en général mais particulièrement dans notre région, c'est assez mal vu. Il faut presque le faire en cachette, risquant de se faire dénoncer à la DPJ par la commission scolaire. Tandis qu'en Colombie-Britannique, c'est non seulement assez courant, mais c'est reconnu par le gouvernement. Il y a même des encouragements fiscaux pour les parents qui décident de le faire.

- J'ai beau occuper un poste de "programmeur-analyste", ça ne veut pas dire que je pourrais le faire dans n'importe quelle compagnie. Je ne suis pas si compétent que ça. La programmation ne me passionne pas (au contraire), et je ne maintiens pas mes connaissances à jour. Si j'arrive à programmer, c'est principalement parce que je suis un bon lecteur (je "lis" un programme, en saisi la logique, et puis ça me permet de le modifier sans avoir à comprendre le moindre petit mécanisme). J'ai donc peur de me retrouver dans un emploi où je serais entouré de cracks de l'informatique, un amateur parmi les pros, ce qui me ferait vivre des anxiétés supplémentaires, etc.

- Le monde me dégoûte, et je me dégoûte moi-même depuis l'âge où j'ai commencé à y participer. Je ne me sens le moindrement bien qu'en retrait, en observateur, dans mon petit monde. Mon idéal? Ne plus travailler. Utiliser ce que j'ai accumulé de chômage (9 ans de travail à temps plein), puis devenir un assisté social. Je ne sais pas si c'est possible, combien ça me donnerait, si j'arriverais à nourrir mes trois enfants. Ce que je sais, c'est que ça me conviendrait parfaitement, et que je n'aurais pas du tout honte (parce que ne plus contribuer, c'est aussi ne pas contribuer à l'infamie; voir les propos cités ici). Passer des journaux et des circulaires pour nous faire un peu plus d'argent. Faire des jobines occasionnelles de pelletage ou de tonte de gazon ou de je-sais-pas-quoi d'autre, en autant que ça ne soit pas plus que quelques heures par semaine. Devenir le fou du village que nous nous choisirons (des flashs de la série Northern Exposure, série télé que j'aimais beaucoup, qui se déroulait dans un petit village en Alaska… je serais comme un espèce de Ed, le cinéphile/shaman).

- ...

13 avril 2008

Dilemme [troisième partie, là où lentement je perds le fil de ma réflexion]

Quand ma Compagne m'arrive avec ce projet, donc, de déménager, de drastiquement tout changer, il y a comme une étincelle qui se produit en moi, là où je ne vois que du noir depuis des années.

Le fantasme s'installe, dans lequel nous partons, nous installons loin, dans un milieu plus libre et libéré. Je me vois moins accaparé par le travail, voire sans emploi, passant mes journées à tripper avec mes enfants, faisant partie d'un foyer familial pauvre mais uni et sain d'esprit, pouvant me baigner plus souvent dans mes envolées imaginaires, retrouvant le plaisir de me laisser aller à l'écriture. Retrouvant le goût et la texture de qui je suis, ai toujours été.

Et puis le pendule revient, et je me dis que non, ça ne marcherait pas, ou du moins pas pour longtemps. Je devrai occuper un emploi stable et relativement payant, si je veux être capable de nous supporter.

Un autre emploi en informatique? L'idée me donne envie de vomir mes organes vitaux.

Un autre genre d'emploi? Je ne vois pas en quoi ça serait mieux. "Trade in your hours for a handful of dimes," dans les mots de Jim.

On essaie alors de m'enchanter en me disant que je pourrais me dénicher quelque chose de mieux, travailler dans une librairie, être facteur, mais je n'y crois pas. Je n'y crois pas.

Je suis donc devant la réalité suivante: ma Compagne veut partir, et c'est moi qui a le rôle de salarié dans cette famille, alors je dois me faire à l'idée de transporter ma Mélancolie ailleurs, tout en prétendant (sinon à moi-même disons pour le reste du monde) que de changer quatre vingt-cinq sous pour un dollar me convient parfaitement.

Et le dialogue interne se poursuit:

- À moins que… avec un peu d'audace et un peu d'efforts…
- Non, tu rêves.
- Oui mais si…
- Si, si, si… on n'a pas le luxe de tout miser sur des possibilités et des "peut-être".
- Oui, mais…
- Non. Il est trop tard. Tu as fait tes choix, il faut vivre avec. Tu as des bouches à nourrir.
- Oui mais…
- Non. À quoi bon tout chambouler?

Etcetera.

Au final, je me retrouve avec ces constats, et ils me semblent indéniables:

1) Un changement s'impose pour ma Compagne
2) Nous n'avons pas les moyens de réduire de beaucoup notre rentrée d'argent
3) Il faut donc que je garde le cap dans mon orientation actuelle, soit l'informatique

Découragé par le cul-de-sac mental dans laquelle ça me laisse, je dois donc me résigner à:

1) Fournir avec ma Compagne les efforts de réflexions menant au changement dont elle a besoin
2) Trouver un emploi qui serait à peu près aussi payant que celui que j'occupe actuellement (ce qui, implicitement, viendra orienter la nature du changement)
3) Aller poursuivre ma désintégration solitaire ailleurs

Encore et encore, j'essaie de reprendre l'équation du début, question d'en arriver à une autre issue, mais invariablement j'arrive au même résultat.

Et la pression augmente. Et je suis de moins en moins capable de communiquer avec ceux qui m'entourent. Et la pression augmente. Et de plus en plus ma géographie intérieure est secrète et cloisonnée. Et la pression augmente. Et on le remarque, et on me demande si je suis heureux, et même si ce n'est pas "Oui" que je réponds on interprète mes réponses ambivalentes comme tel, on est soulagé que je ne dise pas que j'ai envie de me tuer, et rapidement on passe à autre chose.

8 avril 2008

Dilemme [deuxième partie]

Pour expliquer mon dilemme, il faut en quelques sortes que je m'explique, moi.

Je suis parfaitement conscient d'avoir un intellect inhabituel (pour employer un terme assez neutre). Je maintiens que je suis à la limite de l'autisme, et même si ça ne veut rien dire, les tests disponibles sur le Net (comme celui-ci) semblent le confirmer, ou du moins mettre en évidence une déviation significative de la norme. Ce qu'il importe de mentionner, c'est que les confrontations, les changements, me rendent anxieux, au plus haut point.

Enfant, le début de l'école primaire m'a plongé dans de profondes (et secrètes) angoisses, mais je m'y suis fait. Le passage au secondaire a été (tout aussi secrètement) traumatique, mais éventuellement je m'y suis fait aussi, malheureux mais trouvant le moyen d'endurer la chose en intensifiant mes doses d'Imaginaire. Puis, ça a été le Cégep. Angoisse. Double angoisse, parce que le Réel lentement me rattrapait, et avec lui l'obligation imminente de me choisir une branche, de m'enligner vers un "métier". À défaut d'autre chose, je me suis dirigé vers la littérature. Pourquoi? Parce que j'écrivais, et que j'ai toujours aimé les livres. Je ne voyais pas vers quoi d'autre je pouvais me diriger, entrant lentement dans cette Déprime qui me suit depuis, commençant à avoir envie de mourir, et me sentant si irrémédiablement attiré vers l'Écriture et les dévouements qu'elle rend possible.

Après quelques années difficiles mais où je n'avais pas eu à me poser de questions quant à mon avenir, je me suis retrouvé avec un diplôme symbolique mais des dettes étudiantes bien réelles (mes parents --- pauvres d'avance --- ne pouvant pas m'aider, étant maintenant séparés, ma mère étant sur le BS et mon père guère mieux, et moi ne m'étant pas trouvé d'emploi, préférant passer du temps avec ma jeune sœur, l'aidant avec ses devoirs, me disant que ma présence ne pouvait que lui être bénéfique).

"Ah, what the fuck, je vais jouer le jeu et continuer. La suite logique. Suivons la meute, et allons à l'Université."

L'angoisse de la nouveauté, encore une fois, à la différence que je me sentais dorénavant protégé par l'Écriture, celle que j'avais derrière moi, et celle que je sentais, puissamment, devant moi. Quoi qu'en disent mes proches, mes profs, mes poches. L'appel sacré de l'Art, et les convictions que cela alimente.

La conviction de m'opposer à ce qu'on voulait m'enseigner. La conviction de mettre un terme à mes études, après une seule session. La conviction de rentrer chez moi, au propre et au figuré, et de passer quelques mois à ne rien faire d'autre qu'écrire, lire, penser, rêver, dans un appartement avec ma mère et ma sœur. La conviction de prendre ce qu'il me restait de prêts étudiants, et de m'en aller passer deux mois en France. La conviction, à mon retour, de m'enligner vers le Travail la tête la première, me disant que peu importe où je me retrouverais, peu importe ce que je me trouverais à faire, j'aurais l'Écriture.

Utilisant la logique (l'outil le plus pratique des gros bêtas comme moi), je me suis dit: "Pour continuer à écrire, je dois me supporter. Pour me supporter convenablement, je dois trouver faire appel à mes 'habiletés', peu importe ce qu'elles sont. En quoi est-ce que je suis bon, pour utiliser la formulation sempiternelle? En informatique, j'imagine."

Me lancer dans des cours de rattrapage en mathématiques, donc, et puis me lancer dans des études intensives me donnant un autre diplôme, plus que symbolique celui-là. Me retrouver, à peine quelques semaines après l'obtention de mon diplôme, avec la possibilité de travailler pour ce qui est finalement une des plus grosses shop informatique du Québec, un emploi stable, avec de bonnes conditions.

Je me suis alors dis, naïvement, paresseusement: "Je peux enfin respirer, j'ai mon emploi, je peux maintenant arrêter de penser à tout ça (l'aspect terre-à-terre de ma vie), et me concentrer sur ma Vie, ma Compagne, et l'Écriture."

Ce fut sans doute ma première grande erreur (à moins que ça ne soit la deuxième, la première étant de m'être dirigé en informatique).

Depuis ce temps, je m'enfonce. Oui, je suis comblé par ma Compagne et les trois enfants que j'ai eus, mais faut croire que ce n'est pas assez puisqu'intérieurement, je sens que je dépéris, que je me désagrège.

Dans le moment, je n'écris presque plus. Je lis à rythme de tortue. Je vois un film de temps à autre. Je ne suis plus rien qu'un Esprit qui pense. Je déteste mon emploi, ai l'impression de gaspiller ma vie, mais ne peux pas arrêter, parce que nous avons trop d'obligations financières. Je suis important pour ma Compagne et mes Enfants, mais je me dis parfois que si je mourrais, ça serait peut-être mieux pour eux (car un mari/père aussi déprimé que moi, ça ne peut pas être bon, à long terme, pour eux).

Mais j'endure et je persiste, dans le silence. Et quand je traverse un pont, à 3h30 du matin, je prends une grande respiration et je regarde vers l'avant, parce que l'envie de sauter est grande.

2 avril 2008

Dilemme [première partie]

[Ruminations exigées à moi-même, pour aider ma réflexion et la forcer à aller plus loin, confiées à ce blog parce que la notion de "partage" astreint à une certaine rigueur quant à la clarté du propos, quant à la précision du parcours.]

Dans une entrée récente appelée
Sur le vif, je faisais état d'une certaine rêverie qui m'habite depuis quelques temps, suites aux discussions de plus en plus fréquentes (et de plus en plus sérieuses) que j'ai avec ma Compagne au sujet d'un potentiel changement à notre vie.

Ce projet de transformation de tous les paramètres de notre quotidien, il commence avec elle, mais il est clair qu'il vient aussi me chercher.

Elle n'est pas heureuse. Elle aimerait déménager. Soit se rapprocher de Montréal, question de faciliter ses démarches de mère faisant l'école à la maison (dans l'optique "
unschooling", plus précisément) avec ses trois enfants, soit retourner en Colombie Britannique, endroit où elle a passée son enfance, et où elle croit que la vie serait à la fois plus simple et plus remplie. Elle s'y sentirait moins seule, moins marginalisée, se rapprochant de toute une "famille" avec laquelle elle a encore des liens forts, malgré la distance et les années.

Elle n'aime pas la mentalité fermée de l'endroit où nous vivons actuellement. Elle n'a pas vraiment personne autour d'elle sur qui elle peut compter (elle n'est pas proche de sa famille, et elle ne s'entend pas vraiment avec la mienne). Et elle sent aussi que je ne suis pas heureux. Elle ressent le besoin de changer sa vie.

Si ça n'était de moi, elle aurait déjà fait quelque chose, je pense. Elle serait peut-être déjà à l'autre bout du pays.

Ça ne dépend donc que de moi.

Moi. Je ne continue à vivre cette vie, à occuper cet emploi, que pour elle et mes trois garçons. Si, disons, ils disparaissaient du jour au lendemain, je pense que je deviendrais soit vagabond, soit suicidé, soit complètement à l'écart du marché du travail (peu importe les différentes formes que ça peut prendre). Je n'ai aucuns espoirs, aucunes ambitions, aucuns projets. Je suis dans La Citadelle, je ferme ma gueule et je fais ce qu'on me dit de faire, juste pour être capable de permettre à mes Amours de vivre en paix.

Mais si ça ne convient plus à ma Compagne, si mes enfants ne sont pas aussi heureux qu'ils pourraient l'être, alors à quoi bon m'entêter dans cette voie qui ne me convient pas?