2 août 2004

The world is moving on...

Je ne sais pas comment ça s'est passé, au juste. J'ai toujours eu des amis, et puis un jour je n'en ai plus eu. À ce jour, il ne me reste que des amis lointains (sincères et d'une grande valeur, mais distants).

H., mon cher H., celui qui il y a plus de dix ans m'a redonné goût à la vie, et bien il a d'autres chats à fouetter et il a besoin de gens qui sont "high", énergiques et pleins de vitalité (ce qui n'est pas mon cas, du moins pas de façon visible). Il habite maintenant Ottawa, n'a même plus envie d'échanger des messages avec moi. M., mon amie d'enfance, mon amie de toujours, est quelque part en France, avec son mari et son enfant, et ne me donne plus de nouvelles. Y., je ne sais pas quoi en dire… il ne va pas bien, il a déménagé, ne m'a pas appelé depuis le début de juillet, et je n'ai pas son nouveau numéro; je crains le pire, mais en même temps je me dis que je dramatise toujours trop. P., actuellement en train de planter des arbres dans l'Ouest du Canada, ne fait plus vraiment partie de ma vie depuis plusieurs années; c'est dommage, je l'aime comme un frère. Un jour, peut-être, on se retrouvera, et on en aura long à se dire. P., et bien il a lui aussi sa famille, et à part ça nous n'avons plus grand-chose en commun. Il ne doit rien comprendre à mon attitude et à mes ambitions. M., ma chère M., il ne me reste finalement qu'elle. Je suis son confident, et --- jusqu'à un certain point --- elle est ma confidente. Mais l'éloignement géographique nous a toujours séparé, et --- faisant présentement du bénévolat en Équateur --- c'est encore plus le cas ces temps-ci.

Il y a M., mon Épouse, ma Compagne, que j'adore mais avec qui je partage un quotidien qui nous sépare et nous éloigne souvent l'un de l'autre. Pas facile, la proximité, surtout pour un solitaire-sauvage-ermite comme moi. J'ai parfois l'impression que --- dans l'espoir de bâtir le futur qu'elle désir --- elle ignore mon passé et elle se désintéresse de ma passion (i.e. l'écriture), ne réalisant pas que sans ces deux choses je ne suis rien d'autre qu'une loque moderne.

Et puis mon X., mon fils, avec qui je suis souvent plus proche qu'avec n'importe qui d'autre (malgré les 27 ans qui nous séparent).

Ma famille, père mère et sœur, que j'aime et qui m'aiment, mais qui ne savent pas trop par quel bout me prendre, et qui prennent mes silences et mes absences pour du désintérêt, alors que c'est tout simplement la vie qui fait érosion sur mes temps libres et mes énergies.

Quelques autres amis d'occasion, collègues de travail avec qui j'ai des affinités, mais c'est tout. Je ne peux pas mieux l'exprimer que je l'ai fait dans ce passage de mon roman (passage écrit quelque part en 1995, je crois), venant de la bouche de mon personnage, Philippe:

Le Discours de Philippe

Je crois pas être quelqu'un envers qui on peut avoir de l'affection ou de l'admiration. J'impressionne rarement par la force de mes convictions. Après tout, j'ai pas beaucoup d'assurance et --- c'est normal --- on s'intéresse pas longtemps aux faibles.

On peut avoir de l'amitié pour moi, sans plus. On s'attriste souvent de mon sort, on a pitié de l'échec inévitable de mon existence, parce que je suis un hybride: il y a en moi le désespoir agaçant d'un adulte et les manies maniaques d'un enfant.

Les rebelles révolutionnaires ont en commun avec moi un refus radical. Mais moi je n’ai pas comme profonde ambition de "changer le monde". Je trouve que c'est le pire cliché possible. Je ne crois pas en mes possibilités et en mes capacités à ce point là. Mon dégoût et mon mépris sont dirigés contre tout, contre moi, contre le Monde lui-même. Je suis capable de ressentir un étrange bonheur ou un désespoir fiévreux, face à pas mal n'importe quoi. Ça dépend des jours. La vie est à la fois ma malédiction et ma bénédiction. Je suis con. Je suis un ontolo-mako.

Malgré tout certaines personnes aiment me parler. Même que certains me trouvent drôle. Ça peut être agréable de me raconter quelque chose ou de partager du vécu avec moi, parce que j'écoute bien j'imagine, ou (comme mon ami Antoine me l'a déjà dit) parce que je sais lire entre les lignes. Mais je suis rarement celui avec qui on agit, celui avec qui on fait des choses.

C'est que je suis réservé, retiré, solitaire. Les autres m'affectent beaucoup. Aussitôt que je parle devant plus qu'une personne, je me sens devenir ridicule et je bafouille, bégaye et barouette. Quand quelqu'un m'adresse la parole je suis aux aguets, en état de surprise perpétuel. Souvent, le seul fait d'entendre quelqu'un prononcer mon nom, me consterne et m'inquiète. Pourtant, sans personne avec qui coexister, sans amis, je ne suis qu'un microbe, une plante, un vivant. Et j'ai souvent peur que ça soit ça, vieillir: voir les choses de plus en plus organiquement, et vivre dans une continuelle amorphité déchirante… un stade d'existence où la moindre action, rencontre, ou idée devient aide-mémoire, te disant: "Penses-y, et tu verras que ça ne donne rien de bon."

On pourrait appeler ça de l’insécurité. On pourrait.

Je suis égocentrique (pas bein le choix), mais je crois pas être égoïste. Ou peut-être que c'est le contraire. Ou les deux. Je sais pas.

Par l'observation, j'ai pu voir que les gens qui me côtoient sont d'abord intrigués, ensuite se sentent confortables avec moi, puis mal à l'aise, et puis finalement ils se distancient et choisissent de rester loin de moi. Ça peut varier selon les individus mais en gros c'est ça. Moi, face à moi-même, je suis quelque part entre la troisième et la dernière étape, entre le malaise et la rupture.

Depuis que je sens mon isolement, depuis la Conscience quoi, c'est difficile pour moi de me faire des amis, de connaître ou de me faire connaître, de me faire valoir aux yeux d'un autre.

Alors j'ai décidé de partir des endroits qui m'étaient familiers, je me suis résigné à être seul, et faire ça c'est accepter d'être seulement et uniquement dans sa propre tête, en tout temps, en toute occasion, pour toujours peut-être.

(Du moins c'est ça pour moi. C'est ce qu'il faut garder en tête: tout ce que j'affirme c'est par rapport à moi. Je n'essaie pas de faire passer mes dires pour des vérités universelles.)

J'aimerais être pieux et serein mais je pressens que ça va toujours faire mal, n'est-ce pas? Et qu'il n'y aura pas de répit, et qu'il ne me reste qu'à m'y habituer.

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