30 décembre 2010

Naked

"Sadness at the deadness of the material world"

Une phrase de Mike Leigh, tirée d'une conversation avec Will Self, alors qu'ils s'attardaient à la dimension spirituelle du film Naked.

Ça m'a tout de suite fait penser à William Blake. En fait, je pense que cette formule s'applique, d'une façon ou d'une autre, à tous les écrivains qui me touchent.

Voici, pour le plaisir, le poème London de Blake:

LONDON

I wander thro' each charter'd street,
Near where the charter'd Thames does flow.
And mark in every face I meet
Marks of weakness, marks of woe,

In every cry of every Man,
In every Infants cry of fear.
In every voice; in every ban.
The mind-forg'd manacles I hear

How the Chimney-sweepers cry
Every blackning Church appalls.
And the hapless Soldiers sigh
Runs in blood down Palace walls

But most thro' midnight streets I hear
How the youthful Harlots curse
Blasts the new-born Infants tear
And blights with plagues the Marriage hearse


29 décembre 2010

Tel quel

Je sens ça venir, le retour de la Noirceur. Je marche, fin décembre, petits flocons qui tombent sur le Centre Ville, et j'imagine tout ça abandonné, la race humaine depuis longtemps disparue, laissant derrière du métal et des briques. Lonesome Wyatt dans les oreilles, il me dit que j'ai raison. Je sens ça venir. La fatigue qui jamais ne me quitte, café ou pas café, cette langueur pas du tout langoureuse, un découragement généralisé. Le soir, tout le monde couché, se demander si c'est le bon soir pour mourir, mais comme toujours être sauvé par cette même fatigue. Je sens ça venir, et c'est presque réconfortant. Comme de s'enfoncer dans un bain chaud où il fera bon de s'endormir, de s'enfoncer, et puis de se remplir les poumons d'une eau où flottent nos peaux mortes.

* * *

[Écrit rapidement dans mon petit calepin, entre deux stations de métro, devant les yeux incrédules d'un couple de personnes âgées.]

A moment of stillness
where one has the
ability to take it in
absorb some small
parcel of truth,
that cobalt which lies
behind
every
little
thing.

22 décembre 2010

Adaptations

"I think that adaptation is largely a waste of time in almost any circumstances. There probably are the odd things that would prove me wrong. But I think they'd be very much the exception. If a thing works well in one medium, in the medium that it has been designed to work in, then the only possible point for wanting to realize it on "multiple platforms," as they say these days, is to make a lot of money out of it. There is no consideration for the integrity of the work, which is rather the only thing as far as I'm concerned."

-- Alan Moore, dans une entrevue de 2009

Alors, ceci étant dit, j'invoke Jebus et Cthulhu pour que foirent tous les maudits projets d'adaptations, de On the Road à Dark Tower en passant par Black Hole.

Pensée du Solstice

"Traînant derrière lui une grande robe blanche, ce Fantôme avait la forme d'un vieillard vicieux, sa barbe étant composée de grands glaçons acérés, son corps un magma de gel bleuté. Très rapidement il passa au dessus d'elle sans la voir, laissant derrière lui son voile glacial qui se déposait tranquillement sur la Forêt. Au contact de ce voile, les feuilles qui restaient se figeaient, l'écorce se couvrait de frimas, les fougères se glaçaient et craquaient. […] La pleine lune, blanche immaculée, était haute dans le ciel, et était entourée d'une Anneau de Fée, cet arc-en-ciel brumeux qui fait frémir les contrées glacées que surplombe l'astre de la nuit.

Le Fantôme touchait à tout, envoyait partout son souffle subarctique, il n'oubliait rien et ne négligeait personne."
(Extrait de La Sorcière de Feu)


Morozko, illustration d'
Ivan Bilibin

* * *

En cette période où nous atteignons le bas-fond le plus obscur de toute l'année, j'aurais ceci à dire: il faut être bon avec ceux qui nous entourent (et avec nous même). Nous allons tous mourir. La souffrance est inévitable mais il est en notre pouvoir de ne pas en rajouter. Voilà.