15 octobre 2004

Défoulement sans queue ni tête

Ah, ce qu'on nous ment! À la maison, à l'école, à la télé, dans les livres, dans les journaux, partout, on nous ment dès notre naissance, dans la noble intention de faire de nous des Individus Responsables, Respectueux, et investis d'un sens Moral.

De quels mensonges je parle? Inutile de les énumérer en détails, ils reviennent tous au même: essayer de convaincre que l'on Sait, qu'on a la Réponse. Cacher son ignorance, la recouvrir de cynisme ou d'intellectualisme pompeux, d'expertise factuelle ou de soit disant "expérience", d'investiture pleine d'autorité ou d'évidences solennelles et bien-intentionnées, et puis se former un Discours sophistiqué qui impressionnera et convaincra.

Vous prétendez connaître, vous prétendez savoir, alors que c'est impossible, avouez-le, que vous soyez Croyant ou Athée, Agnostique ou Témoin de Jéhovah, ça ne change rien, dans toutes les croyances et les idéologies il y a quelque chose qui ne change pas: l'humain est petit, l'humain est idiot, manque toujours sa cible, et doit passer sa vie à souffrir. Alors cessons de prétendre, arrêtons d'essayer d'enterrer l'autre avec nos propos perspicaces (car finalement ce n'est toujours qu'une pathétique entreprise de solidification de nos fondations personnelles).

People just ain't no good, dit Nick Cave.

Mais à qui devraient incomber les reproches? À ceux qui mentent, délibérément ou pas, ou à ces idiots de mon espèce qui ont eu un jour la sottise de croire en qui que ce soit, quoi que ce soit?

Qui a tort? Le Menteur ou le Naïf?

Je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que je ne suis pas un menteur (et que je n'ai pas l'intention de le devenir), et que j'ai perdu une bonne partie de ma naïveté.

6 octobre 2004

Considérations Matérialistes (donc suicidaires)

L'autre jour, attendant le métro, je me suis demandé si mon suicide apporterait de l'argent d'assurance à Mélissa, l'aidant donc après ma mort à régler nos problèmes financiers. Ce n'était évidemment pas sérieux, mais la pensée m'occupait tout de même. Le soir, attendant encore le métro, fatigué de ma journée, distrait par la faim, j'y repensais vaguement, complètement dans la lune, et quand le métro est arrivé j'ai eu pendant une seconde le réflexe de me lancer devant, me disant: "Vite, j'étais en train d'oublier, j'ai presque manqué mon coup." J'ai su résister à cette pulsion destructrice, mais ça m'a fait peur. Si j'avais été un peu plus fatigué, déprimé, affamé, l'aurais-je fait?

Une anecdote qui indique bien dans quel état je suis, ces jours-ci.

Je n'ai plus assez de présence d'esprit pour fonctionner correctement. Au travail j'ai de la misère à avancer dans mon dossier; à la maison je manque de patience avec mes enfants, et je n'ai rien à offrir à ma Mélissa que j'aime; quand vient le temps de faire du ménage je suis fatigué et au ralenti; dans l'autobus, quand j'ai la chance d'écrire, je flotte au-dessus de moi-même, me sens vide, rien ne sort; j'arrive à lire, à suivre un film, mais les moments sont rares où je pénètre dans ces fictions (fusion avec l'art qui a toujours été si importante pour moi); je ne note pratiquement plus d'idées, parce que je les oublie mais aussi parce que j'en ai moins; je n'ai plus envie de rien, sauf de sortir de ma vie actuelle.

Autre anecdote: hier un jeune homme est venu cogner à ma porte, voulait me vendre un carnet de billets permettant de voir les parties de l'équipe de hockey locale et de manger à un restaurant le même soir. Voulant me vendre sa salade, il m'a demandé: "T'as des enfants, mais tu sors encore avec tes chums, non?". Je n'ai pas su répondre sauf en hochant la tête, cette question me révélait si drastiquement à quel point je suis déconnecté des jeunes hommes qui m'entourent. Je n'ai pas de "chums"; non, je ne sors pas avec eux; en fait, je n'ai jamais sorti avec eux; on pourrait même dire que je n'ai jamais eu de "chums", pas dans le sens que vous lui donnez en tout cas; je n'ai jamais aimé "sortir", alors je ne le ferais pas maintenant même si j'avais des "chums"; etc.

* * *

L'aliénation que je subis, que je m'impose, a finit par tuer presque complètement la capacité que j'avais à écrire. J'en ai encore l'envie, mais c'est presque tout. Par conséquent, privé de cette nourriture sacrée, la grisaille s'infiltre dans tous les aspects de ma vie. La confusion aussi, qui est accentuée par cette anxiété nerveuse, nervosité anxieuse.

Je ne sais plus quoi faire. Un autre de mes mantras.